Interview

Abdelhamid Souiri : « Les IMME ont réalisé de gros investissements pour contribuer à assurer la souveraineté industrielle »

Pilier de l’économie nationale, le secteur des Industries métalliques, métallurgiques et mécaniques (IMME) est l’un des principaux employeurs au Maroc avec 14,8% des emplois industriels, 3,8% du PIB, 15 MMDH de valeur ajoutée, 78 MMDH de production industrielle et 10 MMDH d’exportations. Des performances qui s’annoncent comme un défi relevé face à un contexte de crise globale sévère. Le président de la Fédération des IMME, Abdelhamid Souiri révèle dans cette interview comment ce secteur stratégique parvient à maintenir le cap en dépit d’une compétitivité de plus en plus forte, d’une concurrence déloyale et de dumping œuvrant en même temps pour éviter à ses acteurs le sort de Delattre Levivier et Buzzichelli.

Challenge : Qu’est-ce qui empêche ce secteur de se lancer à des niveaux dignes des ambitions et des attentes des opérateurs des IMME ? Un bref diagnostique de ce secteur stratégique dans l’économie nationale ?

Abdelhamid Souiri : Le secteur des industries métallurgiques, mécaniques et électromécaniques est constitué de plusieurs branches d’activités qui peuvent être considérées comme des écosystèmes à part entière. Il n’est pas juste aujourd’hui de dire que le secteur ne se développe pas ou n’avance pas. Le secteur continue de jouer un rôle important dans l’économie nationale à travers sa contribution dans l’accompagnement des politiques publiques dans tous les secteurs notamment, l’industrie, l’énergie, les infrastructures civiles, l’immobilier, etc. Les chiffres officiels confirment le poids du secteur des IMME dans l’économie nationale avec notamment 3,8% de part dans le PIB, 14,8% des emplois industriels, 15 MMDH de valeur ajoutée, 78 MMDH de production industrielle et  10 MMDH d’exportation. Le secteur se développe avec des vitesses différentes en fonction des opportunités et des contraintes internes à chaque branche mais aussi en fonction de la conjoncture nationale et internationale.

Plusieurs branches d’activités ont vu des réalisations importantes en matière d’investissement, de création de valeur ajoutée et d’emploi, notamment la sidérurgie, l’extrusion aluminium, la fonderie, etc. d’autres branches aussi importantes connaissent des perturbations et traversent des moments difficiles à cause de la conjoncture économique mondiale et aussi des pratiques de certains acteurs et partenaires. Je parle notamment du secteur de la chaudronnerie, de la construction métallique, de la fabrication des produits métalliques, etc. On déplore dans, à cet égard, la faillite de deux mastodontes du secteur : Delattre Levivier et Buzzichelli. Le financement, l’investissement, la préférence nationale, l’accès à la matière première compétitive, l’innovation et l’export sont les sujets clés pour assurer la croissance du secteur et son développement à une vitesse supérieure.

Lire aussi | CGEM. Omar Jouahri nommé président du Conseil d’Affaires Maroc-Australie

Challenge : Vous êtes à la tête de la fédération des IMME pour le troisième mandat (2010-2013, 2014-2017 et 2022-2025). Quels sont les principaux changements survenus dans le secteur ?

A.S. : Le secteur a connu une transformation profonde, durant les dix dernières années, tiré principalement par les politiques publiques qui ont favorisé l’investissement dans l’industrie, l’immobilier, les infrastructures civiles et l’énergie. Notre secteur a accompagné ces politiques publiques à travers la construction des infrastructures économiques du Maroc. Des investissements importants ont été réalisés par le secteur des IMME depuis 2010 pour assurer la souveraineté industrielle du pays et fournir l’ensemble des besoins nationaux en matière de construction des infrastructures de toute nature.

Challenge : La crise sanitaire mondiale du Covid (2020-2022), a bouleversé l’ordre mondial impactant de nombreux secteurs dont les IMME, puis la guerre russo- ukrainienne et ses répercussions connues sur la hausse des prix des matières premières… Comment gérez-vous cette situation ?

A.S. : A l’instar de tous les pays, le Maroc a subi les conséquences de la crise sanitaire qui a causé des dommages à l’ensemble de l’économie mondiale. Les mesures de relance économique post covid prises par le gouvernement ont pu relancer la machine et redonner de la confiance à notre secteur.

Quelques mois après la guerre en Ukraine les politiques monétaires aux Etats- Unis interviennent pour créer une envolée des prix de la matière première couplée avec des prix de transport maritime déjà en hausse. Notre secteur continue de subir les conséquences de cette inflation importée et montre, malgré tout, une résilience importante face à tous ces chocs qu’ils continuent d’absorber. Dans cette situation difficile, nous continuons de lutter pour soutenir notre secteur et j’en profite pour lancer un appel aux acteurs concernés pour favoriser le « made in Morocco » et la préférence nationale, faciliter l’accès au financement des entreprises du secteur et faciliter l’accès à la matière première compétitif en mettant en place des mesures « intelligente » de défense commerciale.

Challenge : Le ministre de l’Industrie Ryad Mezzour préconise la mise en place de plans appropriés à chaque branche en vue de redynamiser l’écosystème des industries des IMME. Deux mois après cette déclaration, comment la FIMME s’est-elle attelée à cette recommandation ?

A.S. : Sa Majesté le Roi a mis l’accent sur l’importance de promouvoir l’investissement privé et a rappelé le rôle des fédérations professionnelles dans la réussite de cette mission. C’est dans ce cadre que la FIMME a mis en place le programme des « Mardis des branches » pour mettre en œuvre cette vision royale dans une démarche de redynamisation des industries IMME, en se focalisant sur chaque branche de notre secteur, tout en impliquant les parties prenantes de l’écosystème. Nous avons été honorés par la présence du ministre de l’Industrie et du Commerce M. Ryad Mezzour à la première édition des mardis des branches, qui a apporté son soutien à ce programme et qui a confirmé l’importance d’opérer un diagnostic de chaque branche du secteur des IMME pour mettre en place une feuille de route adaptée à chaque branche.

Après le succès de la première édition du programme consacré à la branche de la « construction métallique et chaudronnerie » nous travaillons actuellement sur la branche de la fonderie qui regorge de potentiels et qui nécessite un diagnostic approfondi pour comprendre ses problématiques et les opportunités qui s’offrent pour son développement.

Challenge : Signés entre 2016 et 2017, les quatre écosystèmes des IMME ont été lancés officiellement en 2019. Quel bilan aujourd’hui ?

A.S. : Les contrats de performances pour le développement de quatre écosystèmes IMME, signés entre la FIMME et le Ministère de l’Industrie et de Commerce, ont eu un impact très positif sur notre secteur et ont permis de booster l’investissement dans plusieurs branches et écosystèmes des IMME. L’écosystème de valorisation des métaux en est un exemple concret qui a réussi,  grâce à ses contrats de performances, la mise en place des capacités de valorisation des déchets métalliques non ferreux et de limiter les exportations de ces déchets.

Aujourd’hui, les capacités de traitement des déchets non ferreux ont été multipliées ce qui a permis de capter une valeur ajoutée importante qui était perdu auparavant à cause de l’exportation de ses déchets. D’autres écosystèmes ont connu également le même succès notamment « le travail des métaux » qui a drainé des investissements importants dans des unités de fabrication et transformations des métaux.

Lire aussi | Le projet de loi sur l’autoproduction d’énergie électrique adopté

Challenge : Qu’en est-il du soutien de l’Etat au secteur des IMME ?

A.S. : L’Etat a un rôle important à jouer pour soutenir la résilience du secteur des IMME en ces moments de crises internationales. Il est urgent de donner de l’importance aux produits IMME « Made in Morocco » et à la préférence nationale pour continuer à  stimuler l’investissement dans le secteur et confirmer la confiance des acteurs du secteur. Il faut également faciliter l’accès aux financements aux entreprises du secteur et mettre en place des offres de garanties adaptées. Aussi, La mise en place des mesures « intelligentes » de défense commerciale permettra de protéger les industriels IMME tout en assurant l’accès à une matière première compétitive.

Les EEP ont également un rôle important à jouer, notamment des entreprises comme OCP groupe, ONEE, ONCF qui sont des locomotives d’investissements publiques au Maroc et qui doivent faire confiance et donner des opportunités aux entreprises de notre secteur et les accompagner pour surmonter les difficultés de financement pour la réalisation de ces projets d’investissement.

Son parcours

Le président de la FIMME, Abdelhamid Souiri avait enchainé deux mandats (2010-2017). Industriel de père en fils, son père étant feu Hajj Abdellah Souiri, fondateur de «Tube et Profil», dont il est président. Homme d’affaires, il est aussi vice-président à la Chambre des conseillers et membre du CA de la CGEM. Son dynamisme il le doit à son passé de grand sportif. Il évoluait dans les équipes nationales de natation et de hand-ball. Ancien président du Raja de Casablanca (2004-07), où il remporte deux titres, Abdelhamid Souiri figure parmi les conseillers et les financiers du club. Il était également membre de la FRMF et de l’Union arabe du sport.

Son actu

Engagé dans la lourde tache de mener la Fédération à développer les secteurs sous son aile, Abdelhamid Souiri a mis en place le programme des « Mardis des Branches », un rendez-vous qui répond à cette volonté d’adopter une approche participative et une opportunité d’échanges entre les acteurs publics. La première édition tenue le 15 novembre 2022 a été l’occasion de rencontrer les acteurs de la construction métallique et de la chaudronnerie.

 
Article précédent

CDS. Le Symposium sur «l’investissement et le rôle de l’Etat territorial» s’ouvre à Rabat [Vidéo]

Article suivant

Le secteur agricole français veut séduire les investisseurs marocains