La décennie de l’or vert au Maroc
En Afrique et en Europe, l’hydrogène vert est considéré comme vital pour atteindre les objectifs d’énergie durable. Le Maroc dans ce sens, sous la conduite éclairée du Souverain avait annoncé une offre. Des mois après, un bilan d’étape s’impose….
Depuis la première révolution industrielle, jusqu’à aujourd’hui, l’énergie a toujours été un facteur clé dans les différentes matrices économiques mondiales. Et dans cette nouvelle réalité économique marquée par les risques de tout genre, dont l’urgence climatique qui pose davantage sur fond de défi énergétique, le choix pour des alternatives de développement durable s’impose aux Etats, ainsi qu’à tous les acteurs qui font vivre le grand marché. C’est donc dans ce contexte que la carte mondiale de l’industrie de l’hydrogène vert est en train de se dessiner, avec l’émergence de plusieurs acteurs, publics et privés, qui voient la technologie de l’hydrogène vert comme une véritable solution de décarbonation des différentes économies.
Selon une étude réalisée par la Banque européenne d’investissement, l’Alliance solaire internationale et l’Union africaine, dévoilée en décembre 2022, l’Afrique peut se positionner dans le marché mondial de l’hydrogène vert à travers quatre hubs, à savoir : le Maroc, l’Egypte, la Mauritanie et l’Afrique australe. Selon la même source, le continent pourrait produire 50 millions de tonnes d’hydrogène vert à l’horizon 2035, ce qui pourrait représenter près de 10% du marché mondial et nécessiterait entre 680 et 1300 milliards de dollars d’ici 2050. C’est cet effet levier qui a donc poussé le Maroc à prendre les devants sur cette question, et ce, grâce aux orientations éclairées de Sa Majesté le Roi Mohammed VI lors de la réunion de travail consacrée.
Rappelons qu’à la suite de cette rencontre, il avait été question de définir «une offre Maroc dans le grand chantier de l’hydrogène vert. Quelques semaines après cette réunion, Mostafa Terrab, président directeur général du Groupe Office chérifien des phosphates (OCP), a présenté devant Sa Majesté le Roi Mohammed VI un projet d’investissement vert très ambitieux de près de 13 milliards de dollars sur la période (2023-2027) devant permettre, à terme, d’alimenter l’ensemble de son outil industriel en énergie verte. Le Groupe OCP prévoit ainsi des investissements importants dans le dessalement de l’eau de mer (560 millions de m3), ainsi que la production d’un million de tonnes d’ammoniac vert. En attendant, en ce qui concerne l’offre Maroc, rien ne semble encore sur la table. «Rien n’a filtré comme information à ce sujet depuis. A part la partie qui concerne l’OCP, on ne sait pas vraiment grand-chose», nous confie l’expert en énergie Amine Bennouna.
Contacté par Challenge, le président du cluster Green H2 Mohammed Yahya Zniber, acteur de ce chantier, nous confie que «l’offre est en cours d’élaboration. Un certain nombre de comités techniques et sectoriels ont travaillé sous la houlette du chef de gouvernement. Le sujet est complexe et multidimensionnel et nécessite un travail rigoureux et sans précipitation». Et d’ajouter : «Il faut cependant ne pas trop tarder, car la concurrence va être féroce». En attendant l’offre, certains acteurs lorgnent déjà le hub marocain.
Power-to-X Maroc séduit déjà…
Si les années 90 ont été la décennie de l’éolien, les années 2000 celles du solaire et les années 2010 celles des batteries, les années 2020 sont celles d’une nouvelle perspective de transition énergétique : l’hydrogène. Il ne passe pas une semaine sans l’annonce d’un nouveau grand projet en matière d’hydrogène dans le monde. Au Maroc, les projets d’investissements se positionnent également dans le paysage économique. En mai dernier, le PDG du groupe Total a annoncé le lancement au Maroc d’un mégaprojet d’hydrogène de près de 10,69 milliards de dollars, soit 100 milliards de dirhams à Guelmim-Oued Noun. Du côté de la Chine, Energy China International Construction Group, spécialiste de l’approvisionnement en ingénierie énergétique et de construction a, en avril dernier, signé un protocole d’accord avec les sociétés saoudienne Ajlan Bros et marocaine Gaia Energy pour développer un projet d’hydrogène vert dans le Sud du Royaume. Le projet vise à produire 1,4 million de tonnes d’ammoniac vert par an à partir d’environ 320.000 tonnes.
Lire aussi | Comarbois, le leader marocain du bois s’intéresse à l’industrie
Il faut d’ailleurs rappeler que l’or vert attire également les Etats africains. A la lumière de son positionnement stratégique, le Maroc pourrait devenir un acteur clé dans l’exportation de l’or vert. Selon une note du Policy center intitulée «Le marché de l’hydrogène vert : l’équation industrielle de la transition énergétique». L’Afrique pourrait exporter 20 à 40 millions de tonnes d’hydrogène vert par an d’ici à 2050 et réserver les 10 à 20 millions de tonnes pour répondre à la demande intérieure du continent en fournissant de l’énergie propre et abordable aux zones manquant de ressources énergétiques et pallier ainsi le faible niveau d’électrification du continent qui se situe à seulement 56% en 2021 et aux besoins de décarbonation des secteurs de transport et de l’industrie. «Des pays comme la France, l’Allemagne, l’Espagne demeurent très actifs dans le couloir d’investissement marocain». «Le Maroc a développé les énergies durables, telles que le solaire et les éoliennes et grâce à cela, il pourrait devenir un pays exportateur d’hydrogène vert », a signalé Luc Schillings Chef du Service économique.
H2 : écolo ou pas ?
Le commerce mondial en plein essor de l’hydrogène vert, risque de devenir un fardeau environnemental et social dans les pays producteurs, et le G7 doit prendre des mesures pour s’assurer qu’il stimulera réellement l’action et le développement pour le climat, ont indiqué des ONG allemandes dans une déclaration commune relayée dans la presse internationale. «Des critères contraignants et ambitieux sont indispensables pour que ce marché contribue réellement à la protection du climat, et les pays industrialisés doivent faire un effort pour constituer un approvisionnement national et régional», ont indiqué les ONG.