L’Aïd de toutes les craintes…
Inflation galopante, baisse du pouvoir d’achat, conjoncture climatique, l’Aïd 2023 semble être une équation difficile posant un cas de conscience morale. Décryptage !
Quand l’inflation s’invite dans la spiritualité. L’Aïd, ce moment de symbolisme religieux et de communion festive, risque lui aussi d’être sous le nuage noir et oppressant de l’inflation. Cette année, bien qu’amère, le constat sous-jacent est que le sacrifice d’un mouton risque de coûter cher, très cher, même. Le ministère de l’Agriculture estime que la hausse oscillera cette année entre 15% et 25% par rapport à l’an dernier, et ce, en raison du contexte de polycrises frappant la planète ces derniers temps (pandémie, guerre en Ukraine, inflation, sécheresse, etc.). Sur l’espace numérique, le moral est au plus bas. Des internautes ont même lancé le hashtag “annulation de l’Aïd Al Adha”. “Diffusez ce hashtag pour appeler à l’annulation de cette fête, afin que ce ne soit pas une occasion religieuse pour consolider les différences sociales entre les Marocains. Certains de nos frères issus de la classe pauvre ne pourront pas passer la fête avec leur famille en raison d’une décision prise par la classe riche”, écrit ainsi un Marocain sur son compte Twitter.
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Face à ce contexte, rappelons que le gouvernement n’est point indifférent, puisqu’il a promis de réguler les prix des moutons à l’approche de l’Aïd. Contacté par Challenge, l’économiste istiqlalien Adnane Benchekroune, nous explique «qu’il y a aujourd’hui une nécessité à prendre des mesures à court terme, notamment dans l’urgence, et miser sur l’import de cheptel tout en maîtrisant les coûts à l’arrivée». L’Economiste a par ailleurs tenu à rappeler la problématique de la rareté de la ressource hydrique qui, de son point de vue, joue aussi sur la réduction du cheptel marocain et le renchérissement des prix.
Une conjonction de crise…
«Les éleveurs marocains font face à un trilemme : les séquelles de la crise du Covid, la conjoncture climatique et l’inflation des coûts de l’alimentation du bétail ont de facto une incidence sur le prix final», martèle l’agro-économiste et ruraliste Larbi Zagdouni.
Et d’ajouter : «Aujourd’hui, la rareté de l’eau pousse aussi les éleveurs soit à se débarrasser d’une partie de leur cheptel, soit à acheter à des coûts très élevés des aliments de bétail. Pour ceux qui n’ont pas les moyens, les animaux sont mal nourris, faibles en résistance et peuvent contracter facilement des maladies. De ce point de vue, il y a une baisse du cheptel, en plus du renchérissement des coûts». De son côté, Abdelghani Youmni a mis le doigt sur un mal plus pernicieux : «Cette hausse vertigineuse ne s’explique pas seulement par l’inflation et la hausse des prix des produits alimentaires du bétail, des engrais et des hydrocarbures, il y a un surcoût caché lié à l’opportunisme et aux spéculations. Il est indéniable que le gouvernement a pris et prend des mesures pour amortir les effets de la perte du pouvoir d’achat des ménages en utilisant la manne des subventions et des dépenses fiscales en direction du secteur agricole.
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D’autres mesures devraient être mis en place mais, cette fois, le secteur privé et les entreprises qui ont augmenté les prix pour compenser la hausse des coûts devraient maintenant augmenter les salaires pour préserver la consommation et doper la croissance économique». Pour rappel, «si les perspectives de l’économie mondiale pour 2023 ne sont pas très optimistes pour le Fonds monétaire international parlant d’un « atterrissage brutal» et une croissance mondiale de 2,9% affaiblie par la hausse des taux d’intérêt qui a partiellement baissé l’inflation. Au Maroc aussi, l’inflation ralentit, elle est de 7,8% en mai 2023 contre 10,4% en février, cette baisse est à mettre au crédit de la stabilisation des prix du carburant autour de 14,14 pour l’essence et 11,75 dirhams pour le gasoil et de la baisse des prix des fruits et légumes et certaines viandes», rassure l’économiste.