Thione Niang : « Moi, je ne me positionne pas, je viens servir mon pays, le Sénégal ! »
Je suis un éternel optimiste, un optimiste têtu…Le candidat Thione Niang, acteur clé de la campagne de Barack Obama lors des élections présidentielles de 2008, auprès de la communauté afro-américaine, dans cette interview exclusive accordée à challenge, lève le voile sur ses grands projets pour 2024. Depuis sa petite ville de Kaolack, au USA avec 20 dollars en poche, dans la peau d’un homme politique depuis Casablanca où il a rencontré la diaspora, se dit être prêt à faire le grand saut et à transformer le Sénégal comme les pères les fondateurs américains !
Challenge : Comment vous-vous positionnez par rapport à un jeune comme Ousmane Sonko ?
Thione Niang : Moi, je ne me positionne pas, je viens servir mon pays. Depuis plus de 5 ans le débat public est occupé par les personnes tandis que les vrais sujets du pays sont occultés. Les questions urgentes du pays : c’est la santé, l’immigration clandestine, l’économie, la dignité sénégalaise depuis 56 ans on parle des questions individuelles. Mon pays a besoin de moi et j’estime que c’est le moment de m’engager.
Challenge : Quelle est votre valeur ajoutée pour le Sénégal ?
T.N. : Aujourd’hui ce qui manque c’est l’humain. Partout en Afrique subsaharienne on n’a pas suffisamment investi dans l’humain.
Challenge : Vous y croyez vraiment ?
T.N. : Je suis un éternel optimiste. Je suis un optimiste têtu. Cela va au-delà de la présidence. Mon engagement en politique amène de l’espoir. Et c’est au-delà du Sénégal parce que je pense qu’à partir du Sénégal on peut inspirer la population africaine et les alerter sur cette nouvelle génération d’homme politique africain qui vont essayer de changer les choses comme les pères fondateurs l’ont fait aux USA.
Challenge : Dans votre livre intitulé, mémoire d’un éternel optimiste vous vantez les mérites de l’optimisme. Êtes- vous optimiste quand vous voyez le Sénégal ?
T.N. : Je vois un pays qui a beaucoup de potentiel, un pays qui se cherche. D’ailleurs, on a vu beaucoup de leaders qui ont essayé tant bien que mal dans bon nombre de domaines, cependant, depuis les indépendances on n’a pas pu régler les problèmes fondamentaux de la société sénégalaise. On n’a pas pu investir dans l’humain. On veut être comme la France, les USA…On veut faire les autoroutes ce qui est bien, mais on a oublié les fondations d’un pays.
Le problème de notre pays, c’est qu’on l’a construit sur l’identité de quelqu’un d’autre, la langue d’autrui, la culture et des valeurs de quelqu’un d’autre, des modèles économiques et d’étude importés. Selon eux, ils sont venus pour nous civiliser, pourtant avant leur venue, on avait notre modèle, notre propre civilisation, notre propre façon de gérer nos cités. Alors on nous a dit que ce n’est pas la bonne méthode, il faut être français ! Malheureusement, aujourd’hui, le Sénégalais n’a pas d’identité. Le Sénégal est un pays qui se cherche. Nous ne sommes ni Sénégalais ni Français. Plus encore, tout ce que nous mangeons vient de l’extérieur. A l’heure où nous parlons le Sénégalais lambda quand il se réveille, il veut manger comme un Français. Il va chercher le beurre de la marque « Président » qui vient de l’extérieur, le pain qui vient de l’Ukraine. On est obligés d’attendre l’agriculteur de l’Ukraine pour recevoir le blé.
On a le kékélinba chez nous qui est free, on le laisse pour prendre le Lipton parce qu’on veut être français. Ce constat est plus que alarmant puisque à l’heure où je vous parle l’Afrique regorge de tous les atouts pour avoir une autosuffisance alimentaire. On a du soleil, on a de l’eau, on a des terres arabes…hélas aujourd’hui c’est le désespoir total chez les jeunes sénégalais. Aujourd’hui, leur rêve le plus ardent c’est de prendre la route de la Méditerranée. Mourir dans l’océan atlantique au nom de l’eldorado et l’espoir qu’ils pouvaient avoir dans leur propre pays. Moi je voudrais en tant que candidat créer ce rêve sénégalais, donner de l’espoir à la jeunesse sénégalaise, et pouvoir leur donner aussi la dignité qu’on a plus dans nos sociétés malheureusement. Parce que les hommes les plus riches dans notre pays aujourd’hui, ce sont les politiciens pas les business man qui peuvent créer de l’emploi.
Et même avec l’emploi précaire, le Sénégalais lambda ne peut pas nourrir sa famille, avoir une qualité de vie, se soigner, pouvoir rêver et réussir dans son pays. Notre pays peut faire mieux, on doit complètement se tourner vers d’autres offres, notamment des personnes qui ne sont pas là pour se servir mais pour servir leur pays. Moi, je n’ai pas un programme, mais une vision pour investir sur l’humain, le Sénégalais qui va construire ce pays. Notre offre pour le Sénégal passe par l’investissement sur l’économie de la connaissance. Leur donner les moyens, les compétences pour qu’ils puissent aller prendre l’or de notre pays et pouvoir transformer l’or dans notre pays. Je veux investir sur les compétences, avoir des jeunes sénégalais qui vont aller dans l’océan atlantique sortir le pétrole et transformer ce pétrole de notre pays. Investir sur les compétences pour qu’ils puissent être aussi compétitif dans cette course au numérique.
Challenge : L’entrepreneuriat peut-il être une alternative de développement ? Peut-on se permettre de faire du copier-coller ?
T.N. : On doit avoir aujourd’hui notre identité que ça soit dans l’entrepreneuriat, l’agriculture, la tech. Il faut aujourd’hui une identité sénégalaise parmi tant d’autres. Quand vous venez au Maroc, vous sentez que vous êtes au Maroc. On n’a pas à te dire que tu es au Maroc, tu le vois de partout. Tu vas au Usa, tu le sens, en France pareil. Chez nous tu vas à l’aéroport, c’est gérer par les turcs. Il y a des sandwichs turcs partout. En Afrique aujourd’hui on est ni blanc ni noire. Dans le domaine de l’entrepreneuriat chaque pays a ses réalités. On peut prendre ce qui se passe par exemple aux USA et l’adapter aux réalités sénégalaises.
Challenge : Et comment, selon vous on investit sur l’humain ?
T.N. : L’un des chantiers clés de mon offre est la réforme de l’éducation. C’est à l’école que l’enfant doit apprendre à rêver, à être un homme discipliné… Dans la plupart de nos pays nous ne disposons pas de cadre rudimentaire pour la dispensation des cours… Comment voulez-vous que ces enfants puissent compétir avec des jeunes de Boston ou du Maroc. Les enfants par exemple en Corée du Sud ne sont pas sur Tik Tok en train de danser. On n’a aucune valeur ajoutée sur l’internet. On fait que danser, s’insulter entre nous. Aujourd’hui, si vous faites installer des Français au Sénégal et que vous faites installer des Sénégalais en France, deux ans après vous verrez que le Sénégal est au même niveau que la France, et la France aura probablement régressé. Cette situation s’explique par le fait que nous n’avons pas suffisamment investi dans l’économie de la connaissance.