Taxe Gafam, la DGI prend ses responsabilités
Longtemps débattu, le projet de taxation des plateformes numériques sera bientôt une réalité au Maroc. Le Royaume s’alignera ainsi sur les pratiques fiscales internationales.
Quand les Gafam passeront à la caisse. Dans une circulaire relative aux mesures fiscales de la loi de finances 2024, la Direction générale des impôts explique que la taxation de ces prestations est désormais actée, suite à une modification des règles de territorialité de la TVA.
« Dans le cadre de l’élargissement du champ d’application de la TVA, la LF 2024 a complété les dispositions de l’article 88-2° précité relatives aux règles de territorialité, afin d’appréhender les prestations de services fournies à distance de manière dématérialisée par une personne non résidente n’ayant pas d’établissement au Maroc à un client ayant son siège, son établissement ou son domicile fiscal au Maroc, ou à un client résidant à titre occasionnel au Maroc », lit-on dans la circulaire de la DGI.
Lire aussi | Gafam. Le Canada dit non aux pratiques monopolistiques, qu’en est-il du Maroc ?
Et d’ajouter : « A cet effet, lesdites prestations sont réputées faites au Maroc, même si au moment de la fourniture du service dématérialisé le client se trouve à l’étranger ou même si le service est consommé de manière dématérialisée par ledit client à l’étranger. » Il convient de signaler que les dispositions de l’article 88-2° précité ont défini le service fourni à distance de manière dématérialisée comme étant toute prestation rendue à travers un outil de communication à distance, y compris les biens incorporels et les autres biens immatériels.
Selon l’étude Digital Trends Morocco 2023, révélée lors de l ‘African Digital Summit, « le budget du digital, représente près de 17% du budget marketing des entreprises. Toujours selon l’étude, les achats publicitaires sur les réseaux sociaux sont les principaux outils utilisés. Expliquant d’ailleurs que le marché tend moins vers l’externalisation.
On peut en déduire que le géant de la Tech demeure en tout cas l’ultime gagnant au grand dam de certains acteurs marocains qui sont en droit de bénéficier de cette manne financière non négligeable.
Vers un équilibre ?
Les sites d’informations sont étouffés par les géants de la Tech, à l’instar de Facebook et Google, qui règnent en maitre sur le marché de la publicité en ligne. Selon les chiffres que nous avons pu avoir, ils se partagent a eux seuls 60% et 70% du marché. Rien qu’en 2022, Google a enregistré un bénéfice net de 60 milliards de dollars, générés principalement sur la publicité en ligne.
De plus, il faut noter que Google et Facebook ne payent pas d’impôt au Maroc. Dans l’un de nos papiers sur le sujet publié en juillet 2023, l’ancien président du GAM Mounir Jazouli tirait la sonnette d’alarme.« Aujourd’hui les éditeurs locaux doivent impérativement mutualiser leur force pour constituer une véritable force face aux Gafam », alertait Jazouli. Et d’ajouter : « l’un des enjeux est surtout le fait de proposer aux annonceurs marocains des plateformes technologiques performantes et également des services qui peuvent concurrencer ceux des Gafam ». Longtemps attendue sur cette question, la décision de la DGI annonce un tout nouveau chapitre ou du moins une forme d’équilibre de rapport dans ce secteur ou depuis les plateformes tech font la loi.
Quand Ottawa disait non !
«Les Canadiens ne vont pas se laisser intimider par des milliardaires américains qui veulent nuire à notre démocratie». Une déclaration du premier ministre Justin Trudeau, publiée dans la presse internationale, qui affiche subtilement la « dictature numérique » des géants de la tech. Dans les détails, ce différend qui oppose le gouvernement canadien au groupe Meta porte sur la question épineuse du partage des gains publicitaires.
Lire aussi | Souveraineté numérique. Le modus operandi pour affranchir le Maroc de la « colonisation numérique »
Pour faire plier le géant de la tech, Ottawa a ainsi décidé de ne plus acheter d’espaces publicitaires sur Facebook et Instagram. Et ce au travers de sa loi, dite C-18, qui oblige les géants du numérique à compenser financièrement les médias canadiens pour leurs contenus partagés sur leurs plateformes, sous peine de devoir recourir à un arbitrage contraignant. En réponse à cette loi, Meta avait bloqué l’accès aux médias canadiens pour les utilisateurs de Facebook ou Instagram, afin d’éviter d’avoir à l’appliquer. Pour rappel, après une baisse de revenus en 2022 pour la première fois de l’histoire de Facebook, eMarketer estime que les revenus publicitaires du Groupe vont de nouveau être en hausse avec 75 milliards de dollars en 2024.