Aéronautique. Le nouveau challenge de Mezzour
Classée à la 20e place mondiale et étant numéro 1 sur le continent, l’industrie aéronautique marocaine ambitionne de franchir une étape importante : la conception d’un avion 100% local. Décryptage.
C’était en marge de la 13e Conférence ministérielle de l’Organisation mondiale du Commerce (OMC) à Abu Dhabi que le ministre de l’Industrie, Ryad Mezzour, a révélé l’ambition du Maroc dans le domaine de l’aéronautique. « Le Maroc aspire à produire un avion entièrement fabriqué localement d’ici 2030 », a-t-il dévoilé à Al-Sharq Bloomberg. Cette déclaration du ministre témoigne du dynamisme enregistré dans ce secteur sophistiqué au cours des dix dernières années.
Rappelons qu’il y a à peine un an, l’Institut italien pour les études de politique internationale, dans un policy paper, soulignait les performances du secteur aéronautique marocain ainsi que son avenir prometteur dans les chaînes de valeur mondiales. « De nombreux groupes internationaux ont délocalisé une partie de leurs processus de production au Maroc, comme EADS, Boeing, Bombardier Aerospace et Safran. Plus de 140 entreprises opèrent aujourd’hui dans le pays, employant environ 20 000 personnes. En 2022, les exportations du secteur ont augmenté de 34,4% par rapport à l’année précédente », expliquaient les experts de l’ISPI.
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En 2023, le Maroc a réalisé des exportations dans le secteur aéronautique d’environ 21,8 milliards de dirhams, soit environ 2,17 milliards de dollars. Actuellement, la production locale atteint 40%, un chiffre impressionnant qui témoigne de la compétence et de l’expertise des entreprises marocaines dans ce domaine. « Le secteur de l’aéronautique marocain connaît aujourd’hui un réel décollage. L’enjeu aujourd’hui est de doubler les chiffres réalisés actuellement, pour arriver à plus de 40 milliards de dirhams d’exportations, et avoir plus de 350 opérateurs dans l’écosystème », souligne le président du Gimas, Karim Cheick.
« Le Maroc a tout pour relever ce défi »
Interrogé par Challenge.ma, le consultant en politique publique Michel Vialatte a déclaré : « Le Maroc a construit une véritable aura dans le domaine de l’aéronautique depuis maintenant presque deux décennies. De grands noms du secteur y sont présents, notamment le groupe Safran. Le Royaume dispose d’un véritable background pour atteindre cet objectif ». Il a ajouté : « Sur le continent, le Maroc est le premier pôle aéronautique. Au fil des années, il y a eu une véritable collaboration technologique dans les différents métiers de l’aéronautique. »
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De son côté, Zakaria Alaoui, expert en assemblage industriel, confirme ce point de vue. « Le Maroc dispose de véritables atouts pour relever ce défi. Ces dernières années, il a développé un véritable maillage en termes de maîtrise des métiers clés de l’aéronautique. » Il a ajouté : « Cependant, le défi majeur réside dans la chaîne de production des réacteurs d’avion, car c’est un autre domaine qui nécessite un transfert de technologie. »
« Smart strategy »
Pour rappel, les opérateurs se souviennent encore des débuts du secteur avec l’arrivée en 1999 de Safran, à l’époque Snecma. Aujourd’hui, le groupe français emploie 3 400 personnes à travers ses huit filiales marocaines. Dans son ensemble, le Gimas recense de grands noms, notamment Thales, le spécialiste de la maintenance, Aerotechnic Industries, des ETI et des PME (Daher, Figeac Aero, Latécoère) ainsi que des fournisseurs de Boeing et du motoriste Rolls-Royce comme Collins Aerospace, Spirit, Eaton.
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Tout cela est le résultat d’une « smart strategy » industrielle mise en place par le Maroc ces dernières années. Le pays a misé sur une politique industrielle attrayante pour se démarquer des autres zones de sous-traitance aéronautique telles que l’Europe de l’Est, le Mexique, l’Inde et le Brésil. L’autre atout principal du Maroc réside dans une main-d’œuvre qualifiée abondante. Avec son écosystème de constructeur dynamique et son capital humain, le Maroc semble avoir toutes les cartes en main pour faire décoller son avion.