Pourquoi le retrait de la Société Générale du Maroc est une bonne chose pour le Royaume
En 2023, la banque française a annoncé la cession de ses filiales au Burkina Faso et au Mozambique, cinq mois après l’annonce de sa sortie du Congo, de la Mauritanie, de la Guinée Équatoriale et du Tchad. En Tunisie, une opération semble en cours. De même qu’au Maroc.
« C’est plutôt un repli stratégique », alerte l’économiste Abdelghani Youmni. En effet, depuis un certain moment, la banque française a enclenché une véritable opération de retrait sur le continent. Seulement l’an dernier, le groupe français a annoncé la cession de ses filiales au Burkina Faso et au Mozambique, dont il détient respectivement 52,6 % et 65 % du capital. Dans la même période, la banque avait déjà indiqué qu’elle quittait le Congo, la Guinée Équatoriale, le Tchad et la Mauritanie. Une de nos sources auprès du groupe nous confirme qu’une opération est toujours en cours en Tunisie, où elle est présente via l’UIB, dont elle possède 52,3 % du capital.
« Retraits stratégiques »
Présente dans 17 pays et possédant trois banques, la Société Générale reste un acteur de premier plan en Afrique, représentant 8 % de l’activité de la sixième banque d’Europe. Très récemment, c’est du côté du Maroc que les signaux de repli ont commencé à retentir. L’annonce du 7 mars dernier du rachat de la Société Générale Marocaine de Banques (SGMB) par l’ancien ministre Moulay Hafid Elalamy vient confirmer davantage ce que notre expert en politique publique qualifie de « retraits stratégiques ».
« L’Afrique est une zone géographique à potentiel de croissance où le Groupe a bâti une présence historique et entend concentrer ses ressources sur les marchés où il peut se positionner parmi les banques de tout premier plan, en synergie avec les autres métiers du Groupe et avec une taille critique permettant une contribution satisfaisante et durable à la création de valeur », explique le groupe bancaire dans un communiqué publié le 8 juin 2023. Implantée sur le continent depuis plus de 100 ans avec une présence marquée au Maroc et depuis plus de 50 ans en Côte d’Ivoire et au Cameroun notamment, la Société Générale commence à lever progressivement le pied.
Un retrait bienvenu pour le Maroc
« Le motif du retrait de la Société Générale du continent se trouve dans la rentabilité de l’activité bancaire. En Afrique, on a un dualisme économique formel versus économie informelle qui est très loin différent de celui des banques européennes qui sont dans un autre paradigme : économie réelle versus économie financière », explique Youmni. Et de poursuivre : « Par contre, pour un pays comme le Maroc qui a une véritable maturité dans ce secteur, ce retrait est un atout indéniable ».
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Car la Société générale est le quatrième banque du Maroc, dont le produit net bancaire a dépassé en 2021 les 5 milliards de dirhams. Le rachat de la banque par des capitaux marocains est non seulement bénéfique pour la souveraineté financière du royaume mais permettra également à la banque de se débarrasser des contraintes liées aux règles prudentielles européennes, beaucoup plus strictes que celles appliquées aux banques marocaines.
« La réglementation européenne ne permet pas à la Société générale d’utiliser ses fonds propres de la même façon que les banques marocaines », avait à ce propos souligné un spécialiste du marché bancaire africain au quotidien Le Monde.
Rencontre avec Abdellatif Jouahri
Pour la petite histoire, il faut noter qu’au tout début, le continent africain était vu par les financiers occidentaux comme le terrain où investir. Aujourd’hui, « nous sommes dans un nouveau paradigme financier où les banques vont vers des marchés plus rentables comme l’Asie », précise l’économiste Youmni. Depuis 2022, avec la vente de 7,4 % du capital qui lui restait dans le sud-africain Absa, la banque britannique Barclays n’a plus aucune participation en Afrique. À la même période, son concurrent direct Standard Chartered a quitté cinq pays (Angola, Cameroun, Gambie, Sierra Leone et Zimbabwe).
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BNP, le groupe BPCE et Crédit Agricole se sont aussi massivement désinvestis de leurs zones historiques: l’Afrique de l’Ouest et le Maghreb. C’est maintenant au tour de la banque française qui du côté du Maroc a exprimé au Wali de Bank Al-Maghrib son intention de retrait. Abdellatif Jouahri a rappelé au top management de la banque que la loi bancaire marocaine exige pour tout changement de contrôle d’une banque un nouvel agrément à demander par l’acquéreur. L’examen de cette demande doit vérifier si cette opération est profitable à la fois pour la banque et le système bancaire marocain, a-t-il précisé.