Observatoire des commandes publiques. Des pistes pour aller au-delà de l’effet d’annonce
Lancer un Observatoire des commandes publiques : une réelle avancée ou simplement un coup de communication ? Cette initiative vise à améliorer la transparence et l’efficacité des marchés publics, mais certains experts soulignent la nécessité d’aller plus loin. Détails.
Le Maroc est en passe de franchir une nouvelle étape dans la modernisation de ses procédures de passation des marchés publics avec la création de l’Observatoire marocain des commandes publiques : une solution miracle ou une illusion de transparence ? S’il est encore trop tôt pour répondre à cette question, on peut souligner que cette instance, adoptée lors du Conseil de gouvernement du 14 mars 2024, vise à renforcer la transparence, améliorer la compétitivité et optimiser l’ensemble du processus.
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L’un des principaux objectifs de cet Observatoire est d’améliorer la transparence globale du système marocain des commandes publiques. Comme l’explique Hafid Aderdour, Purchasing Manager : « La commande publique nécessite une vaste réflexion sur tout le processus, de l’expression des besoins aux réceptions définitives en passant par la mise en concurrence et le suivi de réalisation. »
Pour y parvenir, l’Observatoire publiera régulièrement des indicateurs et données détaillées. Il collectera, traitera et analysera l’ensemble des données relatives aux marchés publics dans une base de données nationale centralisée. Cette base permettra un suivi en temps réel et favorisera les études économiques approfondies.
Consultation renforcée et performance accrue
Au-delà de la transparence, l’Observatoire vise à promouvoir la consultation et les échanges entre toutes les parties prenantes (Administration, entreprises, experts…). Cela permettra d’identifier les difficultés, de proposer des améliorations et d’impliquer davantage les acteurs économiques.
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L’Observatoire définira également des indicateurs de performance clés pour mesurer l’efficacité du système à chaque étape. Ces données objectives aideront à cibler les points à optimiser en termes de délais, de budgets, de qualité des prestations…
Vers un accès facilité pour les TPE et startups ?
Si les ambitions de l’Observatoire sont prometteuses, certains experts appellent à aller plus loin. Comme le souligne Hafid Aderdour : « Il reste à améliorer les conditions d’accès pour les startups et les TPE en recherche de leviers de croissance. »
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Le développement économique passe en effet par un accès équitable aux marchés publics pour tous les acteurs, quels que soient leur taille ou leur ancienneté. L’Observatoire devra se pencher sur cette problématique afin de favoriser un écosystème entrepreneurial dynamique et innovant.
La nécessité de dématérialisation des procédures
Badreddine Farissi, dirigeant de cabinet conseil, insiste sur un autre aspect clé : l’automatisation permise par le numérique. Selon Farissi, »La libération automatique et instantanée des cautions provisoires » est une fonctionnalité cruciale qui doit être mise en place sur le portail des marchés publics relevant de la Trésorerie Générale du Royaume (TGR). Il souligne que « les administrateurs du portail avaient promis de doter le programme du portail d’un système permettant la libération automatique, instantanée et sans intervention humaine de toutes les cautions provisoires produites dans le cadre des offres écartées à l’exception des cas de saisie des cautions conformément à la réglementation en vigueur. »
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Cette automatisation permettrait de « mettre fin au calvaire des soumissionnaires et soulager la charge des fonctionnaires concernés », selon Farissi. En effet, la gestion manuelle des cautions provisoires peut s’avérer chronophage et source d’erreurs, retardant ainsi le processus d’attribution des marchés publics.
Génération et publication des extraits de PV
Au-delà de cette fonctionnalité spécifique, l’intervenant plaide pour une digitalisation plus poussée du processus, affirmant que « les responsables [devraient] prévoir la mise en place dans le portail des programmes similaires en ce qui concerne la génération et la publication des extraits de PV des commissions et des résultats définitifs afin qu’il joue pleinement son rôle de simplificateur des procédures et de soutien au respect des délais réglementaires. »
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Il faut dire que l’enjeu de la dématérialisation des marchés publics est d’importance, tant sur le plan de l’efficacité que de la transparence. D’un point de vue juridique, l’automatisation des procédures permet de garantir une application stricte et uniforme de la réglementation en vigueur, réduisant ainsi les risques de litiges et de contestations. De plus, la traçabilité numérique des processus facilite les audits et le contrôle, renforçant la confiance des citoyens et des entreprises dans le système.
Sur le plan de la gestion des processus et des systèmes, la dématérialisation offre une opportunité unique de rationaliser et d’optimiser les flux de travail, éliminant les tâches redondantes et les goulots d’étranglement. L’automatisation intelligente, basée sur des règles prédéfinies et des données en temps réel, permet de prendre des décisions plus rapides et plus précises, accélérant ainsi le cycle de vie des marchés publics.
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Cependant, la réussite d’une telle transformation numérique nécessite une approche globale et une stratégie cohérente. Comme le souligne Farissi, « les solutions techniques existent bel et bien à l’ère de l’intelligence artificielle et les compétences ne manquent pas. » L’Intelligence Artificielle (IA) et les technologies de l’information (TI) modernes offrent un large éventail d’outils et de méthodologies pour concevoir, déployer et gérer des systèmes d’information performants et évolutifs.
En effet, l’utilisation de l’IA dans le processus de passation des marchés publics peut aller bien au-delà de l’automatisation des tâches répétitives. L’analyse prédictive et l’apprentissage automatique peuvent être exploités pour optimiser l’allocation des ressources, détecter les anomalies et les risques potentiels, et même suggérer des améliorations aux processus existants.
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Néanmoins, l’intégration réussie de l’IA et des technologies numériques dans le domaine des marchés publics nécessite une approche prudente et équilibrée. Il est essentiel de veiller à la protection des données personnelles et sensibles, ainsi qu’à la transparence et à l’explicabilité des algorithmes utilisés. Une gouvernance solide, impliquant toutes les parties prenantes, est indispensable pour garantir la confiance et l’adhésion du public.
Une nécessaire modernisation globale
En somme, il apparait que la création de l’Observatoire constitue un pas important mais ne représente qu’une étape dans la refonte du système marocain des marchés publics. Pour pleinement bénéficier des retombées économiques escomptées, une modernisation globale de l’ensemble des procédures et un renforcement des capacités seront indispensables.
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La transparence, la performance ainsi que l’ouverture aux nouveaux acteurs économiques doivent demeurer les maîtres mots. Seule une approche holistique, s’appuyant sur l’expertise technique et l’innovation technologique, permettra d’atteindre durablement ces objectifs majeurs pour la compétitivité du Royaume.