Tribune et Débats

Le 1er Mai a-t-il encore un sens ?

L’auteur de cette chronique questionne la pertinence actuelle du 1er Mai au Maroc, explorant les défis auxquels les travailleurs font aujourd’hui face, et pour lesquels les syndicats n’ont pas de réponses.

De Casablanca à Paris, en passant par New Delhi et São Paulo, des millions de travailleurs à travers le monde battent aujourd’hui le pavé des plus grandes artères des métropoles mondiales. Le monde célèbre la fête du Travail. Le Maroc aussi.

Chez nous, ce rendez-vous chargé de symboles, qui incarne la lutte des travailleurs pour l’amélioration de leurs conditions de vie, a pour le moins perdu de sa superbe. Il fut un temps où ce rendez-vous mobilisait des centaines de milliers de Marocains dans la rue. Ce n’est manifestement plus le cas. À l’avenue des FAR, à Derb Omar ou encore à Derb Soultane, fiefs des plus importants syndicats du Royaume, on ne remplit plus les rues de la même manière.

Est-ce à dire que le travailleur marocain baigne dans le bonheur ? N’y a-t-il plus d’acquis à glaner pour la classe ouvrière ? Les syndicats ont-ils répondu à toutes leurs attentes ? La réponse est évidemment non. Car en réalité, le travail, avec tout ce que ce mot peut comporter de sens, a changé.

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Aujourd’hui, le travailleur, y compris marocain, est confronté à de nouveaux défis : la mondialisation, la numérisation, l’ubérisation, la quête de sens et bien d’autres encore.

La mondialisation, si elle a bénéficié à certains secteurs clés de l’industrie marocaine, à l’instar de l’automobile, en a également fragilisé d’autres, comme le textile. Le travailleur est par conséquent constamment otage de la Loi de l’avantage comparatif, théorie prônée au XIXe siècle par l’économiste britannique David Ricardo et qui est, au XXIe siècle, plus que jamais d’actualité.

L’émergence de l’économie numérique a quant à elle entraîné son lot de bouleversements. Positifs, comme l’apport qu’a pu fournir la technologie dans la facilitation des process de travail. Mais aussi négatifs. Si la numérisation peut sembler offrir une flexibilité apparente aux employés, cette souplesse se fait bien souvent au détriment du temps libre dont le travailleur a besoin pour s’épanouir et maintenir un certain équilibre entre vie professionnelle et vie privée. Des mails à rédiger à pas d’heure, des tâches à accomplir chez soi le week-end, des appels à passer à tout moment. Les professionnels de la communication, du marketing, de l’événementiel, et de nombreux autres secteurs des services en savent quelque chose.

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Cela nous conduit à une problématique qui préoccupe de plus en plus dans le monde du travail : la quête de sens. De nos jours, on cherche à trouver un travail qui ait un sens pour soi, qui soit aligné avec nos valeurs personnelles, qui nous donne un sentiment de réalisation personnelle, qui contribue de manière positive à la société. Au Maroc, contrairement à ce que l’on pourrait croire, ce ne sont pas les syndicats mais les entreprises qui tentent de prendre les devants sur cette question. (Lire notre spécial Culture d’entreprise)

À l’ère de la mondialisation, de la numérisation et de la flexibilisation du travail, les modèles traditionnels de travail salarié à temps plein sont remis en cause par l’émergence de nouvelles formes d’emploi, comme le travail indépendant, le télétravail et l’économie des plateformes. Dans ce contexte, la notion même de travail et de salariat évolue, remettant en question les bases sur lesquelles le 1er Mai a été fondé.

Des bases sur lesquelles les syndicats marocains sont restés cramponnés. Leur logiciel est le même que celui des années 1970. Mis à part quelques luttes concernant quelques secteurs bien précis (médecine, enseignement), les centrales syndicales n’apportent aujourd’hui pas de réponses aux mutations profondes que connaît le monde du travail au Maroc. À elles de s’y adapter, pour que le 1er Mai continue d’avoir un sens.

 
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