Algérie, Sahara, Afrique… la masterclass d’Abdelmalek Alaoui au Sénat français
Un colloque consacré à la relation franco-marocaine s’est tenu il y a quelques jours au Sénat français. L’occasion pour Abdelmalek Alaoui de rappeler quelques évidences…
Le colloque « France-Maroc : quelles solutions et quelles ambitions pour un partenariat d’avant-garde ? » s’est récemment tenu au Sénat français. Un rendez-vous qui s’est déroulé alors que le ballet des ministres se poursuivait entre la France et le Maroc dans l’optique de réchauffer les relations bilatérales.
Le colloque a vu la présence du président du CESE, Ahmed Reda Chami, du président du groupe d’amitié France-Maroc au Sénat, Christian Cambon, de Karim Bencheikh, président du cercle d’amitié France-Maroc à l’Assemblée nationale, et du lobbyiste Abdelmalek Alaoui, CEO de GUEPARD GROUP.
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Dans son intervention remarquée où il s’est adressé aux sénateurs français, Abdelmalek Alaoui s’est étalé sur les raisons qui doivent pousser la France à reconnaître rapidement et clairement la marocanité du Sahara. Verbatim.
Impossibilité de dialoguer avec Alger
« Ce que nous constatons, à l’échelle du Maroc, que ce soit les pouvoirs publics ou la société civile, c’est quand vous voulez la paix, vous avez besoin d’un interlocuteur. Je mets au défi quiconque dans la salle de me trouver le numéro de téléphone d’un interlocuteur à Alger.
Le Roi du Maroc, très publiquement, a dit, redit, sa main tendue. Qu’il y ait des tensions entre les deux pays, qu’elles soient exacerbées par les médias, par la société civile. Même nous Marocains nous ne sommes pas exempts d’aggraver les blessures. Et je l’admets, même nous société civile on est parfois excessifs dans la manière dont nous appréhendons l’Algérie. Mais si vous ne faites pas la paix avec votre adversaire, avec qui vous allez la faire ? On ne fait pas la paix avec nos amis. On ne convainc pas ceux qui sont déjà convaincus.
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La réalité. C’est que cet empressement de faire basculer le dossier vers l’irréversibilité est aussi dictée par le fait qu’on n’a pas d’interlocuteurs. En stratégie et en géopolitique, vous avez besoin d’avoir un interlocuteur. Vous pouvez avoir des conversations très dures. D’autant plus que l’histoire nous rappelle qu’en 1984, c’est dans les archives du sénat américain, les Algériens avaient très publiquement fait une proposition à la diplomatie américaine pour donner une large autonomie au Sahara. »
Intérêt économique
« On ne peut plus appréhender le Maroc uniquement comme un client final, pour qui on va vendre des machines, mais comme la porte d’entrée d’un marché de 450 millions de consommateurs en Afrique de l’ouest. Le Maroc a changé. Le sud global a changé. Il réclame et revendique une relation d’égal à égal. Au-delà de ça, le Maroc se montre impatient parce qu’il est en train de changer de modèle économique.
Nous avons eu plusieurs périodes :
Une période d’arrivée sur le trône de SM le Roi Mohammed VI entre 1999 et 2006, qu’on appellera Taza avant Gaza. C’est le chantier intérieur. C’est la construction des 2000 km d’autoroute. C’est le rail. C’est le lancement de Tanger-Med.
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Puis arrive la crise financière internationale en 2007-2008. Conséquences : l’érosion de la croissance européenne. Et la décision, régalienne, de se tourner vers le Sud à un moment où tous les acteurs des services financiers français vendent leurs actifs en Afrique de l’ouest sous prétexte que c’est très compliqué, c’est trop petit, ça nous coûte trop cher en compliance.
Le Maroc a pris cette place. Il ne l’a pas volé. Il a payé pour. Il a acheté les entreprises. Et il a mieux réussi. Parce qu’il a des coûts de structures qui sont beaucoup moins chers. Parce qu’un expatrié marocain coûte beaucoup moins cher qu’un expatrié français. Et parce que parfois il y a une culture commune comme la religion musulmane qui nous relie à des pays comme le Mali ou le Sénégal.
Et donc mon message est extrêmement simple. Si on part du principe que les grandes puissances n’ont pas de convictions mais que des intérêts. À ce moment-là la voie est extrêmement claire. L’intérêt vital et existentiel de la France et de l’Europe c’est de miser sur le pays qui est en capacité de travailler avec elle. De l’aider sur les questions migratoires qui sont des sujets internes chez vous mais sur lesquelles nous on peut aider. Qui peut aider sur la déradicalisation. Qui peut vous donner les marchés d’avenir. Et qui vous permet de pouvoir vous projeter sur cet espace euro-africain rénové dans lequel, si on ne bouge pas rapidement, on va avoir 20 millions de migrants climatiques.
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Faites les choses qui servent vos meilleurs intérêts. Parce que de toutes les manières, votre meilleur intérêt est extrêmement clair, c’est de faire la somme des avantages que vous allez avoir à prendre ce pas décisif à l’endroit d’un partenaire historique, fiable, qui paie ses factures à la PHP pour ses ressortissants qui viennent se faire soigner ici contrairement à un autre payer que je ne citerai pas ».
Poids de la culpabilité
« Et puis, sortez du poids de la culpabilité que vous avez vis-à-vis de l’Algérie. Oui la France a fait des choses en Algérie. Il faut le solder. Il ne faut pas qu’à chaque fois ça revienne comme le sparadrap du capitaine Haddock et que ça oblitère votre capacité à pouvoir leur dire les choses les yeux dans les yeux ».