Habillement

La fast fashion dans le collimateur

En matière d’habillement, les dernières tendances se caractérisent par l’essor du Fast fashion, une mode favorisée par les grandes marques européennes comme Primark, HM, Zara et surtout les deux mastodontes chinois du e-commerce, Shein et Temu. L’explosion des ventes des articles de la fast fashion a suscité des préoccupations environnementales en Europe, ce qui a poussé la France, l’UE et dernièrement le G7, à entamer un processus de restriction à l’encontre de cette mode, ce qui risque d’impacter les exportations du Maroc, qui occupe le 8ème rang des fournisseurs de l’Europe, en matière d’habillement.

L’industrie de la mode, autrefois rythmée par des saisons distinctes et des collections durables, a subi une mutation significative avec l’avènement de la Fast Fashion. Cette mode éphémère qui concerne surtout le domaine du prêt-à-porter, se caractérise par la mise sur le marché d’un très grand nombre de nouveaux modèles et un renouvellement quasi permanent des collections. Avec des cycles de production accélérés et des vêtements à bas prix, cette mode a bouleversé les normes de consommation, ce qui a entraîné une surproduction massive de vêtements fabriqués au bout du monde.

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Le nombre de vêtements vendus chaque année dans le monde est estimé à 100 milliards. Cette surproduction laisse un impact environnemental évalué à 10% des émissions de gaz à effet de serre (GES). Si le gros de la facture écologique se joue au moment de la production massive et industrielle de ces vêtements, leur transport n’est pas en reste. Les fournisseurs des marques se situent essentiellement au Bangladesh, en Birmanie, au Vietnam, au Pakistan, en Inde et surtout en Chine. Tous ces vêtements parcourent des milliers de kilomètres pour arriver en Europe et sont ainsi à l’origine de l’émission de tonnes de CO2. In fine, l’industrie textile mondiale représente environ 4 milliards de tonnes d’équivalent CO2 chaque année, un volume supérieur à ce qu’émettent les vols internationaux et le trafic maritime réunis.

A cause de ses impacts négatifs sur l’environnement, le modèle de la fast fashion commence à être décrié. En France, sur initiative des écologistes, l’Assemblée nationale a adopté, en 1ère lecture, une loi qui interdit la publicité pour les sites de vente en ligne à prix cassés et impose un malus environnemental renforcé pour rendre les produits de ces sites moins attractifs. Ce malus prend la forme de pénalité de 50% du prix hors taxe pour chaque article vendu, ce qui pourrait aller jusqu’à 10 € par produit d’ici 2030. Au niveau de l’Union européenne (UE) les eurodéputés se sont attaqués eux aussi au problème par le prisme des déchets textiles. En effet, le Parlement européen a voté, le 13 mars dernier, un texte visant à forcer les acteurs de l’habillement à assumer les frais liés à la collecte, au tri et au recyclage des textiles, vêtements et chaussures (12,6 millions de tonnes de déchets textiles dans l’UE). Le G7, n’est pas en reste, car, dans un communiqué publié le 30 avril dernier à l’issue d’une réunion en Italie consacrée au climat, à l’énergie et à l’environnement, le ministre français de la Transition écologique Christophe Béchu a déclaré que « Les pays du G7 vont s’attaquer au lourd impact environnemental et climatique du secteur de la mode et du textile… Nous devons faire face à la question de la fast fashion…Les ministres réunis à Turin espèrent freiner le développement incontrôlé de l’industrie textile, qui est responsable de beaucoup de pollution plastique et d’émissions de GES, facteur de réchauffement climatique ».

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Ces politiques restrictives auront sûrement un impact sur les exportations marocaines des produits d’habillement vers le marché européen. Le Maroc est un important fournisseur de l’Europe en matière de textile, car il occupe le 8ème rang des fournisseurs d’habillement de l’Europe, avec une part de 3,1%. Par pays, la France occupe la deuxième place du classement avec une part de 17% des exportations marocaines de ce secteur vers le marché européen, soit 1,75 MMDH en 2023. Les premières projections concernant l’impact sont optimistes et parlent d’une opportunité pour le Maroc pour développer davantage ses exportations, car la fast fashion se base sur la célérité et la réactivité, ce qui suppose une proximité géographique pour économiser, à la fois, les frais de transport et son emprunt carbone. On sait que le Maroc est concurrencé par les pays de l’Asie où les salaires sont très bas (au Maroc le SMIG est presque de 290 € par mois, au Bangladesh il n’atteint même pas 70 €), mais il lui reste un avantage de taille dont a besoin la mode éphémère : la proximité géographique au moment où le coût du transport explose dans le monde.

Selon l’avis de Karim Tazi, patron de l’enseigne de prêt-à-porter Marwa dont les propos ont été rapportés par le confrère Médias24 : « La pénalisation de la fast fashion en France pourrait avoir un impact sur l’industrie textile marocaine, mais il faudra attendre les textes d’application car cet impact dépendra du périmètre de la loi… Nous avons tout intérêt au Maroc, en tant que grand exportateur vers l’Europe, à ce que des lois comme celle-ci passent car elles ciblent des enseignes et des acteurs qui n’achètent rien au Maroc et exercent une concurrence déloyale, même aux produits industriels marocains »

La stratégie du groupe espagnol INDITEX en faveur de la délocalisation vers le Maroc
Selon le journal espagnol en ligne (clubinfluencers.com), la stratégie de la délocalisation de la firme espagnole INDITEX repose sur la délocalisation de la production de l’entreprise en dehors de l’Europe. « Elle a réduit de moitié le nombre de fournisseurs espagnols, tout en les augmentant dans les régions où la main d’œuvre est bon marché, surtout dans le cas du Maroc. De 2015 à 2023, le Maroc a doublé le nombre de fournisseurs qui servent INDITEX, passant de 106 à 216. Par ailleurs, le nombre d’usines de confection associées aux fournisseurs marocains est passé de 211 à 348 ». En fait, le Maroc reste l’un de ses points forts de la stratégie qu’INDITEX explique elle-même en ces termes «La proximité est l’un des critères clés de notre Supply Chain, qui permet de répondre rapidement au marché. Une partie très importante des usines de coupe, couture, teinture, lavage, impression ou finition, qui ont fabriqué nos vêtements en 2023, sont situées en Espagne ou dans des pays voisins comme le Portugal, le Maroc ou la Turquie».

Le fret aérien pour livrer toujours plus vite
Le secteur du fast fashion a de plus en plus recours au fret aérien pour livrer vite et assurer les tendances éphémères auprès de la clientèle. Les deux entreprises chinoises Shein et Temu bouleversent l’industrie mondiale du fret aérien, selon une récente étude de l’agence Reuters. Entre la Chine, où sont produits les articles dans un temps record, et le reste du monde, les géants de l’e-commerce font passer l’expédition des colis à quelques jours par les airs, contre 5 à 6 semaines en bateau. Une étude publiée en novembre par l’ONG Public Eye révélait que l’UE avait importé et exporté, en 2022, l’équivalent de 7.000 gros avions-cargos, rien que pour le transport d’articles de mode. En 2023, Temu a expédié par avion environ 4.000 tonnes d’habits par jour dans le monde entier et Shein 5.000 t. Toutefois, cette forte demande en transport par avion a fait grimper les prix du fret depuis l’été dernier. C’est une opportunité pour les pays les plus proches de l’Europe, tels le Maroc et la Tunisie, pour s’en saisir et élargir leurs parts du marché.

 
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