Immobilier

IMMOSCOPIES. Crise du foncier résidentiel. Entre croissance démographique et pression immobilière

À Casablanca, la croissance démographique soutenue, exerce une pression sur le marché du foncier résidentiel. Cette urbanisation effrénée est exacerbée par l’afflux de migrants internes vers la métropole, alimentant une demande de logements sans précédent. Les prix exorbitants, incompatibles avec le pouvoir d’achat des Marocains, poussent les promoteurs à réduire la taille des habitations, privilégiant les petits appartements et studios. De plus, les tensions foncières dans certaines zones de la ville, limitent la construction de nouveaux logements. Panorama.

La crise du foncier résidentiel à Casablanca, constitue un obstacle majeur à l’accès au logement pour de nombreux ménages. Les prix de vente des terrains destinés à la construction de logements ont atteint des niveaux inabordables pour la majorité de la population, créant un fossé important avec le pouvoir d’achat des ménages. Cette situation engendre des tensions foncières dans certaines zones de la ville.
Malik Belkeziz, PDG d’Agenz explique à cet effet, « qu’il est crucial de rappeler que la population marocaine croît d’environ 1% par an, ajoutant près de 300 000 nouveaux habitants chaque année. Cette croissance démographique crée une demande accrue de logements, que la production actuelle peine à satisfaire. Casablanca, en tant que métropole du Maroc, attire une grande part des flux migratoires internes, augmentant ainsi la demande en logements. Dans ce contexte, la réserve foncière, qui constitue la matière première des promoteurs immobiliers, devient de plus en plus difficile à trouver ».

Pour ce dernier « les grandes réserves foncières se situent principalement à l’Est, avec le projet de développement de l’éco-cité de Zenata, et à l’Ouest, dans des zones comme Nouaceur, Dar Bouazza et Bouskoura, notamment grâce au projet d’aménagement de Dar Bouazza. Dans ces zones d’aménagement structurantes, l’accès au foncier est régi par des cahiers des charges stricts, ce qui restreint leur acquisition aux promoteurs immobiliers de grande envergure. En dehors de ces zones, les opportunités foncières appartenant à des particuliers sont rares, et la spéculation y est très forte. Il est donc nécessaire d’être extrêmement vigilant pour saisir ces opportunités ».

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De son côté Amine Beqqali, Directeur développement & Asset Management chez Anfa Realties, explique que « le problème n’est pas tant la rareté du foncier que le décalage entre le prix demandé par le vendeur et le prix que peut offrir un acheteur sérieux. Ce problème a même augmenté ces dernières années suite à la hausse des coûts de construction et la baisse du pouvoir d’achat des ménages. Même en réduisant ses marges, le promoteur peine à trouver un foncier à un prix adéquat ».

Pour ce qui est des zones de tension foncière dans la région de Casablanca, Malik Belkeziz nous fait savoir qu’aujourd’hui «pour un promoteur immobilier, il est devenu quasiment impossible de trouver du foncier dans le centre-ville, notamment dans des arrondissements comme Maarif ou Anfa, où les prix dépassent largement les 25 000 Dhs/m². Ce niveau de coût foncier rend difficile la fixation des prix de vente compétitifs pour le m² habitable, ce qui freine le rythme de commercialisation des biens ».
« Cependant, il est encore possible de réaliser de bonnes affaires dans certains quartiers centraux comme l’Oasis, où l’offre reste relativement disponible. Autrement, il est nécessaire de se tourner vers les périphéries, par exemple à l’Est vers Aïn Sebaâ (allée des Mimosas), une zone soutenue par une dynamique positive grâce à la zone industrielle et l’éco-cité de Zenata. À l’Ouest, Dar Bouazza continue d’être une zone attractive pour les promoteurs en raison de son développement soutenu», souligne-t-il.
Abondant dans le même sens, Amine Beqqali explique que « les zones de tension foncière sont les zones les plus densément peuplées ou les plus demandées, telles que :Gauthier, Maarif, Route d’El Jadida, Bouskoura ville verte etc.. »

Côté prix, Beqqali souligne que « cela dépend du zoning, le prix dépend de la constructibilité du terrain, sa destination, la hauteur permise etc. Mais les prix demandés peuvent aller bien au-dessus des 50 000 dhs / m² pour certaines zones». Toujours selon ce dernier, « le prix du foncier est élevé dans les zones sous tension, résidentielles, contenant des commerces en pied d’immeuble et qui permettent une grande hauteur supérieure à 7 étages ».

Même constat de la part de Malik Belkeziz expliquant que « plus le plan d’urbanisme, autorise un développement de surface importante (plus le Foncier sera intéressant et plus le prix par m2 augmente). Les fonciers les plus chers sont également les fonciers dans des zones situées sur des linéaires commerciaux, très recherchés par les investisseurs car elles offrent des potentiels de rentabilité importants. Au val d’Anfa par exemple, quartier ou le linéaire commercial est important, le foncier atteint près de 33 700 dirhams par m2 ».

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Au vu de toute cette pression sur les prix, la question de savoir s’il est toujours possible de construire son logement se pose d’office. Une question à laquelle Malik Belkeziz répond de manière détaillée.
En effet selon l’expert, « La construction de nouveaux logements collectifs dans Casablanca intra-muros (hors Nouaceur), si l’on exclut le projet d’aménagement de Casa Finance City, reste très faible. Au cours des dix dernières années, les constructions se sont largement orientées vers des studios, seuls produits permettant d’absorber la hausse du coût du foncier et la spéculation évoquée précédemment». «Aujourd’hui, les immeubles exclusivement composés de studios sont interdits, ce qui est positif puisque cette offre ne répondait absolument pas aux besoins des consommateurs, mais plutôt aux désirs d’une poignée d’investisseurs friands de ce type de produits », souligne-t-il.

La question qui se pose maintenant, est de savoir comment les promoteurs vont innover et réinventer leur métier pour continuer à opérer dans le centre-ville. Qu’en est-il des nombreux immeubles de bureaux vides et des immeubles de logements désuets ? « Je pense qu’aujourd’hui, le marché est assez mature pour opérer un pivot vers la rénovation du Parc ancien, c’est également une nécessité pour nos villes et ce sujet doit être pris en main », explique ce dernier.

Du côté d’Amine Beqqali, « Tout d’abord, il faut commencer par dire que le besoin en logements sociaux a été en grande partie résorbé dans le grand Casablanca grâce à une surproduction de ce type de logements. On peut y ajouter à cela, le programme de recasement de 62 000 ménages dans le cadre du programme villes sans bidonvilles. Toutefois, le besoin en logements est toujours là. La pression foncière a poussé les Casablancais à choisir. Réduire leurs exigences en termes de surface ou s’éloigner du centre pour chercher des plus grandes surfaces, notamment à Mediouna, Bouskoura ou Dar Bouazza ».

Toujours selon ce dernier, « à l’intérieur du périphérique de Casablanca, la pression sur le foncier a poussé les promoteurs à développer majoritairement des studios, produit qui a connu un très grand succès ces dernières années. Les grandes surfaces peinent à trouver preneurs».

Rappelons, que cette tendance à la réduction de la superficie des logements a des répercussions directes sur la qualité de vie des habitants de Casablanca. Les espaces de vie plus restreints impactent le bien-être des résidents, limitent leurs possibilités d’aménagement et vont à l’encontre du concept de logement décent et adéquat. De plus, cette situation compromet le développement urbain de la ville en favorisant la densification excessive de certaines zones et en freinant la diversification des offres de logements disponibles.

Pour conclure, le Directeur développement d’Anfa Realties précise que « les exigences souvent insensées, du vendeur restent le frein majeur à l’acquisition du foncier. A ce titre, la transparence des transactions serait une avancée majeure pour le secteur immobilier et aiderait à débloquer le marché. Il faut saluer le travail de l’agence urbaine de Casablanca qui permet d’avoir des informations sur l’urbanisme et sur le zoning. Mais il ne faut pas s’arrêter là, des avancées sont encore possibles ».

Malik Belkeziz explique pour sa part, que « dans le diffus (acquisition de foncier auprès de particuliers), même lorsque la situation juridique du foncier est claire, le défi suivant est souvent celui du prix. Les attentes des vendeurs sont fréquemment déconnectées de la réalité du marché. Ils tendent à valoriser leur foncier en se basant sur le chiffre d’affaires potentiel des promoteurs, tout en sous-estimant les coûts réels. Heureusement, de plus en plus d’acteurs savent convaincre ces propriétaires en présentant des analyses financières détaillées qui révèlent tous les coûts cachés ».

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« La rareté du foncier entraîne une diminution de l’offre de logements, ce qui se traduit par une augmentation du prix au mètre carré. Dans le neuf notamment, les prix des logements à Casablanca ont augmenté de près de 8% depuis 2022 selon nos analyses. Cette hausse des prix impacte directement les primo-accédants, qui ne peuvent plus se loger dans la ville. Cette situation exacerbe les inégalités d’accès au logement et pousse de nombreux ménages à se tourner vers des zones périphériques, éloignant ainsi la population des centres urbains dynamiques », fait-il savoir.

En surmontant la crise du foncier résidentiel à Casablanca, la ville pourra offrir à ses habitants des conditions de vie dignes et favoriser un développement urbain équilibré et inclusif. En plaçant l’accessibilité au logement au cœur de ses priorités, Casablanca pourra renforcer son attractivité, améliorer la qualité de vie de sa population et contribuer à l’émergence d’une ville plus juste et équilibrée pour tous ses citoyens.

Analyse du coût moyen du foncier by Agenz

Dans nos graphiques, nous avons recensé les transactions de 2023, que nous avons classées par quartier au sein de chaque commune de Casablanca.

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Le prix du foncier doit être analysé en fonction de son potentiel de développement. Est-il situé en zone de logement individuel (villas) ou collectif (immeubles) ? Quel est le nombre d’étages autorisé ? La réglementation urbaine ? Ces facteurs influencent grandement le coût.
Par exemple, au sein d’une même commune au Maarif, le prix moyen du foncier est à 26 000 DH / m2 dans le quartier des princesses, qui est un quartier en zone immeuble, contre 10 600 DH / m2 au Polo qui est un quartier en zone Villa.

Pour une bonne lecture des graphes d’Agenz, il faut d’abord trouver le quartier qui vous intéresse puis déterminer le zoning correspondant en vous reportant au site suivant : https://e-auc.org/karazortal/

Avis d’expert

Malik Belkeziz, PDG d’Agenz
Je pense qu’il est nécessaire d’encourager davantage d’innovation de la part des opérateurs publics et privés, et de lancer une réflexion approfondie sur nos modes de vie et notre façon d’habiter. Le logement individuel et les villas sont-ils encore adaptés à nos modes de vie actuels ? Il suffit de regarder les plans d’aménagement pour constater qu’ils occupent encore une place disproportionnée par rapport aux autres métropoles mondiales.
En tant qu’opérateurs dans la transaction immobilière, nous sommes confrontés quotidiennement à des vendeurs de villas de 500 à 1000 m², qui ne peuvent plus supporter le coût de leur logement et n’occupent souvent qu’environ 15% de la surface. Toute cette réserve foncière pourrait être utilisée pour développer des milliers de nouveaux logements. Il est crucial d’injecter plus de dynamisme dans les plans d’aménagement et de favoriser une approche plus verticale au cœur de la ville, et ce, de manière accélérée.
De plus, une réflexion doit être menée concernant le parc de logements anciens. Il existe des centaines de milliers de mètres carrés à rénover à Casablanca, qui peuvent être acquis à moindre coût et redynamisés pour répondre à la demande actuelle. Le dispositif fiscal d’aide à l’acquisition actuel doit être étendu à l’acquisition d’un logement de seconde main afin d’encourager les opérateurs privés à prendre ce sujet en main.

Amine Beqqali, Directeur développement&Asset Management chez Anfa Realties
La pression foncière pousse les promoteurs à s’adapter de plusieurs manières. A l’intérieur de Casablanca, on proposera des surfaces plus petites, des studios à l’investissement ou des appartements plus compacts. La pression foncière a également entrainé le développement des périphéries et des nouvelles zones. La pression foncière a maintenant également touché des zones périphériques telles que Bouskoura ville verte, ou Dar Bouazza où les promoteurs redoublent de créativité pour proposer aux Casablancais des surfaces convenables à des prix accessibles. On voit maintenant apparaitre des villas de 200 m², des studios de 40 m² et des 2 chambres de 65 m² dans le haut standing.
Le problème n’est pas insoluble, mais il n’est pas simple. La ville de Casablanca s’attelle à ce sujet tant bien que mal. La transparence du marché aidera l’immobilier à continuer à se professionnaliser et tout le monde en sortira gagnant.
On ne peut pas oublier le sujet d’une loi relative aux droits de succession. Un sujet qui n’est pas nouveau.

 
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