Délai de paiement : l’antériorité de la loi, on en parle ?
La réforme des délais de paiement a instauré une amende recouvrée par le fisc en cas d’impayé. Arrêtant l’hémorragie, la loi ne prend pas en compte le stock de factures établies avant le 1er juillet 2023, restées impayées.
À la fin de 2022, les délais de paiement se sont légèrement améliorés, avec une réduction progressive jusqu’à 194 jours, marquant une anticipation des entreprises pour se conformer à la nouvelle loi 69-21. Entrée en vigueur le 1er juillet 2023 pour les entreprises réalisant un chiffre d’affaires de plus de 50 millions de DH HT, cette loi répond à l’allongement des délais de paiement interentreprises, lequel contribue à la mortalité de nombreuses structures.
Même son de cloche du côté des délais clients des TPE, qui ont connu une légère amélioration tout en se maintenant à des niveaux très élevés, reculant de 7 jours à 217 jours en 2022. Le pic atteint en 2020, durant la période Covid-19, s’est réduit de plus de 17 jours. En parallèle, les délais fournisseurs des TPE n’ont diminué que de 2 jours en 2022. «Compte tenu de leurs difficultés d’encaissement, il est difficile pour les TPE de répercuter une réduction plus importante des délais fournisseurs», commente le rapport d’Inforisk.
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« Les PME marocaines, qui ont vu leurs délais fournisseurs baisser de 8 jours entre 2021 et 2022 pour atteindre 94 jours contre 102 jours un an auparavant, » nous confie Amine Diouri, directeur études & communication chez Inforisk. Cependant, au-delà de cette accalmie de l’hémorragie, une autre problématique se pose. La loi contre les mauvais payeurs ne prend pas en compte le stock de factures établies avant le 1er juillet 2023 qui, selon les derniers chiffres d’Inforisk, est de 337 milliards de DH. «La loi 69-21 ne concerne que les factures de plus de 10.000 DH émises depuis le 1er juillet 2023. Quid du stock de 337 milliards de DH?», explique Diouri. Et de préciser : «Ces factures ne sont pas prioritaires dans l’ordre de règlement des factures, du fait que leurs retards de règlement n’engendrent aucune sanction pécuniaire. Aujourd’hui, la loi en elle-même ne peut régler seule la question des délais de paiement.»
«C’est un problème économique et non légal!»
«La loi est un outil qui gère les flux. Elle est intervenue pour stopper l’hémorragie. Dans son esprit, elle n’a pas une disposition d’antériorité. Et il faut dire que la problématique du stock des impayés est un problème économique», nous confie l’économiste Mehdi Fakkir. Très attendue, la loi était perçue comme ce ballon d’oxygène qui allait solutionner une bonne partie du problème des délais de paiement. Pour l’économiste, c’est un «véritable problème qui pourrait nécessiter une autre loi spécifique pour ce stock de 337 MMDH».
«Il est nécessaire de préciser le traitement des dettes antérieures à la date d’entrée en vigueur de la nouvelle loi. En l’état actuel des choses, le texte ne précise pas quelles sont les conséquences en cas de non-règlement de ces impayés», précise l’économiste.
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Par ailleurs, selon Inforisk, même si grâce à la nouvelle loi certains secteurs ont vu une amélioration, d’autres ont connu une dégradation. Par exemple, dans le commerce de gros, une augmentation de 3 jours est constatée, tandis que dans l’immobilier, une hausse de 5 jours est observée, contre une réduction de 6 jours dans le transport. «La question des délais de paiement, ce n’est pas seulement la loi, il faut également au sein des entreprises un processus optimisé de facturation. Il y a également la question de la data qui se positionne comme une solution idoine. Avant de travailler avec un futur client, l’entreprise doit se renseigner sur sa santé financière, ses dirigeants. C’est avoir des informations sur le comportement de paiement de ses futurs clients», prévient Diouri.