Trafic «d’or sale» : Les saisies rebondissent
Traqué sur les frontières terrestres, l’or illégal rentre désormais par les aéroports et met les douaniers sous pression. Décryptage.
On connaissait les mules qui voyagent de continent en continent avec leurs cargaisons de cocaïne, mais le phénomène des trafiquants d’or est plutôt inédit. Les agents de la douane de l’Aéroport Mohamed V sont eux-mêmes surpris de la récurrence des saisies d’or et de bijoux sur des voyageurs apparemment sans histoires.
Sans remonter plus loin, c’est durant ce weekend dernier particulièrement chargé, où les services de la douane de l’aéroport ont été particulièrement étonnés de voir une quantité aussi importante de bijoux et de pierres précieuses que tentait de faire passer un voyageur qui venait d’Istanbul. Dimanche, c’est une Mauritanienne détenant un passeport diplomatique qui a été l’objet d’une enquête après la découverte dans ses bagages de 10 kilos de bijoux en or.
Et dans la même journée, c’est au tour d’une étudiante Marocaine à Londres de s’expliquer sur le kilo d’objets précieux en or en sa possession. Le lendemain, lundi 5 aout, c’est au tour d’un ressortissant en provenance d’Amérique de faire l’objet d’une saisie réglementaire après avoir été soumis au contrôle qui a donné lieu à la découverte d’un lingot d’or d’un kg.
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Si le rebond de l’activité́ s’explique par l’intensité du trafic aérien durant cette période, avec une forte affluence, on observe néanmoins un nouveau modus operandi des trafiquants qui semblent désormais privilégier des particuliers sans histoire pour faire passer l’or d’origine douteuse.
L’accélération est surtout visible depuis que les autorités du pays, douane mais aussi police et gendarmerie, ont mis la pression sur les barons de la drogue qui étaient jusqu’à présent les principaux donneurs d’ordre de cette contrebande, qui représente une bonne manière de blanchir les bénéfices dus au trafic de drogue.
En réalité, il y a un peu de tout et l’origine de cet or de contrebande se perd dans les méandres d’un trafic qui provient en partie du commerce illégal, en provenance tout particulièrement de pays d’Afrique, premier continent producteur de ce métal précieux.
« En 2022, environ 435 tonnes d’or non déclaré ont été sorties illégalement de pays africains, pour une valeur totale qui avoisine 31 milliards de dollars [soit 28,6 milliards d’euros] », d’après le dernier rapport de l’ONG Swissaid.
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Dans le détail, en moins d’une décennie, le volume de métal jaune extrait de mines africaines et sur lequel aucune taxe n’a pu être prélevée par les États concernés, revendu en toute illégalité a doublé, pour représenter aujourd’hui environ 40 % de la production totale du continent.
Pour les autorités chargées de lutter contre ces nouveaux fléaux, la tâche n’est pas aisée, d’autant plus que les flux ne sont pas qu’entrants puisque les saisies se font aussi en sens inverse comme ce fut le cas en septembre 2022 quand la douane de Tanger a mis la main sur un stock inestimable pièces d’or pur datant de Napoléon Bonaparte soigneusement dissimulées dans les bagages d’un ressortissant français. Ces 150 pièces d’or pur d’un poids de 964 grammes étaient cachées dans le sac de ce passager à destination de la France, sans autorisation préalable de sortie du territoire marocain.
Dans ce combat contre le trafic illégal de l’or, rien n’est gagné́, loin de là. Autant les trafiquants font preuve d’ingéniosité pour trouver de nouveaux procédés, autant les douaniers s’adaptent constamment à ce tempo pour ne pas être dépassés.