Paris : des jeux olympiques sans leur sens originel
Chaque Etat compte ses médailles et se compare aux autres. Les jeux olympiques (JO) se sont déroulés sous haute surveillance. Il a fallu mobiliser presque toutes les meilleures polices du monde, en particulier les « services antiterroristes » les plus expérimentés dans l’organisation des rencontres sportives mondiales. Avec le temps, les JO ont perdu de leur âme et de leur noblesse.
10 500 athlètes dont la moitié de sexe féminin. La parité est là, en tous cas arithmétiquement. Le démarrage, au premier jour, a connu quelques « croche-pieds », à travers des images intrusives traduisant surtout les séquelles d’un « eurocentrisme culturel ». Bien que de nature universelle, l’évènement a été débordé par une volonté de marquage excessivement spécifique. Ce qui n’est pas accepté pour d’autres peuples, voire perçu négativement, comme signes rétrogrades, est exprimé localement avec violence par une vision loin d’être partagée, même au sein de ce que l’on appelle l’Hexagone. Néanmoins, un rattrapage a été observé lors de la clôture.
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Par ailleurs, les athlètes russes ont été exclus de ces jeux. L’athlète, en tant qu’individu, représente-t-il forcément et absolument l’Etat d’où il vient ? Est-ce un divorce total entre l’universel et le spécifique. Pourtant, pour la France, et les Etats européens en général, la liberté individuelle, et donc l’individu, prime. Paradoxalement, le traitement appliqué à la Russie n’a guère été appliqué à Israël, malgré les nombreuses décisions émanant des plus hautes instances onusiennes telles que la Cour Internationale de Justice et la Cour Pénale Internationale, face à un processus dont le caractère et l’objectif génocidaires se confirment de plus en plus pour la quasi-totalité des Etats dans le monde. Israël est même allée jusqu’à bombarder une école et à faire une hécatombe, à quelques jours de la clôture des JO, moment hautement symbolique de la paix.
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A l’est de l’Europe, depuis plus de deux ans, une guerre s’est durablement installée, avec un grand risque nucléaire. Pendant ce temps, pour toute la planète, le réchauffement climatique avance et les Etats du Sud sont souvent les plus exposés aux conséquences. Les « grandes puissances » ont d’autres priorités, parmi lesquelles le réarmement. Des armes plus sophistiquées, plus intelligentes, plus destructives et plus meurtrières. Dans ce contexte si sombre, quels messages, quels impacts peuvent avoir les JO. Presque une routine. Même la mort la plus cruelle et la plus injuste a été médiatiquement banalisée. On meurt tous les jours en Méditerranée, en essayant de la traverser, à Gaza, parce que des êtres humains, traités d’animaux, sont nés sur une terre devenue enfer, au Soudan, où la politique a été abolie et remplacée par le langage des armes (…). Les catastrophes dites naturelles, et qui ne le sont plus, de toute évidence, que de nom, se multiplient et deviennent plus destructives, touchant en particulier des êtres qui ne vivent pas mais essaient juste de survivre.
Certes, les capacités de résistance, face à ces tendances lourdes, n’ont heureusement pas été totalement annihilées. Mais les conditions réelles de lutte deviennent beaucoup plus difficiles et plus complexes, exigeant plus de courage et de forces innovatrices. Disposer d’eau potable et d’un peu de nourriture. Lutter contre la soif, la faim et certaines maladies que l’on croyait en voie d’éradication et qui reviennent avec force, telles que la tuberculose (…). La « solidarité internationale » a cédé la place au « chacun pour soi ». Le meilleur test mondial de cette dégradation a certainement été le moment de la crise sanitaire due au Covid-19. Les « souverainismes » ont été de retour avec tous leurs excès et les risques de plus en plus probables de résurgence de cette « bête immonde » qu’a été le nazisme ou le fascisme, au cœur même de l’Europe. Et c’est là que se sont déroulés les JO cette année. Là où l’extrême droite, hier collaboratrice des pratiques criminelles et génocidaires, est aujourd’hui « normalisée », acceptée et présentée avec une nouvelle virginité si artificielle. Les JO ont été presque une « trêve politique » à l’intérieur de la France. La démocratie demeure menacée dans ce pays qui a donné au monde une « belle armée » de penseurs libres et d’humanistes comme Voltaire, Jean Jacques Rousseau, Diderot, Victor Hugo, Jean Jaurès (…).
Les prochains JO sont prévus aux Etats Unis d’Amérique. Serait-ce avec un Donald Trump, symbole d’un monde régi avant tout par la force la plus brutale, ou avec une Kamala Harris, plus modérée, première femme, qui plus est de couleur, à la tête de la Maison Blanche ? Serait-ce dans un monde plus apaisé, dans une paix restaurée et durable, aussi bien en Europe que pour le monde entier, et en particulier au Moyen Orient, avec un Etat Palestinien indépendant et souverain, premier pas décisif vers une réconciliation entre tous les peuples de cette région embrasée depuis plusieurs décennie ? Dans ce monde de paix tant rêvé et espéré, les JO pourront, à nouveau, reprendre leur premier sens et redevenir une source de solidarité et de fraternité humaines.