L’huile d’olive est-elle devenue un produit de luxe ?
La crise de l’eau impacte sévèrement les récoltes d’oliviers. Réduisant considérablement l’offre, le prix de ce produit de cœur des Marocains connaît des flambées jamais atteintes. Décryptage !
« L’un de ces défis majeurs est la problématique de l’eau, qui ne cesse de se complexifier du fait de la sécheresse, de l’impact du changement climatique et de la croissance naturelle de la demande. Cette situation est également imputable au retard accusé dans la réalisation de certains projets programmés dans le cadre de la politique de l’eau. De fait, six années consécutives de sécheresse ont profondément affecté les réserves hydriques et les eaux souterraines, rendant la situation hydrique plus précaire et plus complexe. » Le discours du Souverain à l’occasion de la fête du Trône a mis au centre la problématique de l’eau. Pour beaucoup d’experts, ce discours a ouvert une brèche de réflexion profonde sur ce fléau qui pèse sur la vie agricole.
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Cette année, le secteur de l’olivier a connu une période difficile en raison des externalités liées aux dérèglements climatiques. En effet, en raison de la crise de l’eau sévère dont souffre le Maroc, la production d’olives a été considérablement réduite, contraignant les agriculteurs à pratiquer des prix élevés pour essayer d’assurer une survie économique incertaine. Cette année, le prix de l’huile d’olive a atteint un niveau record, atteignant jusqu’à 140 DH le litre dans certaines régions du Royaume, alors qu’il variait jusque-là autour de 90 DH le litre. Il est important de préciser ici que, selon les données du Conseil oléicole international, le Maroc arrive en tête du monde arabe pour la consommation d’huile d’olive et se classe au cinquième rang mondial avec 4 % de la consommation mondiale totale d’huile d’olive. Les Marocains consomment en moyenne jusqu’à 4 litres par an. Ces chiffres permettent de comprendre les effets préoccupants de cette conjoncture sur l’olivier. Contacté par Challenge, le président de la Comader, Rachid Benali, déclare : « Depuis presque 6 ans, nous sommes dans ce contexte de sécheresse, de manque d’eau et de températures extrêmes. Cette incidence sur l’olivier ne nous surprend guère. Cela a commencé par une diminution de la floraison, puis ensuite une diminution considérable de la production. Aujourd’hui, l’enjeu se trouve dans la préservation de l’arbre en lui-même pour les prochaines années. »
Les eaux non conventionnelles, une alternative ?
« Aujourd’hui, des réflexions sont en cours sur l’utilisation de l’eau dessalée pour compenser l’utilisation des ressources douces », explique le président de la Comader. Même si le dessalement se positionne comme une alternative, comme c’est le cas en Israël, où l’eau de mer traitée est utilisée pour alimenter certaines cultures, cette solution, selon l’expert en agronomie Abdelmoumen Guennouni, présente une certaine contrainte.
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Certaines cultures demeurent très exposées à de moindres degrés de salinité. Même si l’eau est dessalée, il reste toujours un pourcentage de salinité qui pourrait influencer la saveur du produit final, explique l’expert. C’est peut-être un problème qui a poussé des pays comme Israël à délocaliser la production de certaines de leurs cultures dans des pays comme le Maroc, bien qu’ils soient très avancés sur la technologie du dessalement. Abordant dans le même sens, l’agro-économiste Larbi Zagdouni déclare : « Dans notre contexte, l’eau produite par ce procédé ne peut en aucun cas se substituer aux eaux conventionnelles, qui sont irremplaçables pour l’agriculture. Le dessalement n’est pas la panacée ! Sa raison d’être est surtout de produire de l’eau potable pour la population. Quant à la question sur les effets de l’eau dessalée sur le goût des produits qui en seraient irrigués, je n’ai pas la compétence pour y répondre. »
La filière olivier au Maroc
Selon une note du CIRAD, la filière couvre 60 % de la surface arboricole du Maroc. L’olivier est ainsi la première culture pérenne du pays avec environ 784 000 ha, soit 11 % de la SAU (Ministère de l’Agriculture et de la Pêche Maritime, 2011) avec une production moyenne de 1 500 000 t d’olives et une contribution de l’ordre de 5 % au PIB agricole. Le Maroc est le 2ème exportateur mondial d’olives de table après l’Espagne, avec une moyenne annuelle de près de 65 000 t, mais seulement le 10ème exportateur d’huile d’olive avec 21 000 t, soit 2 % des exportations mondiales.