Economie

Rentrée scolaire : quand l’inflation pointe son nez

Si les stocks suffisent pour répondre à la demande, les coûts des manuels ont sensiblement augmenté du côté des libraires, ce qui, ipso facto, impacte le pouvoir d’achat des parents. Le président de la fédération nous éclaire.

Une rentrée pas comme les autres. À quelques jours de la rentrée, le vent de l’inflation souffle très fort sur les parents. Partout à Casablanca, et dans bien d’autres villes du Maroc, c’est le rush dans les librairies, qui croulent sous les commandes de fournitures scolaires et leur achat sur place.

Même si cette année, le pouvoir d’achat des ménages semble être en souffrance du fait de la conjoncture, c’est en revanche une aubaine pour les libraires et les éditeurs, qui se préparent bien à ce pic d’activité et d’affluence. Challenge, pour comprendre ce phénomène, est allé à la rencontre de l’Association des libraires indépendants du Maroc. D’après son président-adjoint, Hassan El Kamoun, « cette augmentation des prix est directement liée aux coûts d’importation de ces ouvrages ».

Selon notre interlocuteur, « les prix des manuels homologués par le ministère de l’Éducation nationale, du Préscolaire et des Sports sont restés stables depuis le début de l’opération de fixation des prix ». « Ils varient de l’ordre de 7 à 35 dirhams ». Pour le président-adjoint, c’est dans le privé qu’on observe cette inflation. « La plupart des livres sont importés de France. Du côté de la France, beaucoup de mécanismes sont activés pour que les prix des livres soient abordables, sans oublier les subventions pour le transport. Alors, on ne comprend pas d’où vient cette majoration ». Et de préciser : « Au Maroc, c’est dans la conversion que le coût du livre monte en flèche ». Par exemple, le prix du livre Croque-feuilles a grimpé de 11 dirhams, atteignant désormais 359,50 dirhams, contre 338 dirhams l’année dernière.

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Sur le plan local, selon notre interlocuteur, le secteur est aux mains de « trois éditeurs, qui ne sont motivés que par des logiques de rente ». « Au Maroc, on compte près de 8000 établissements privés. Cela représente beaucoup quand on pratique la concurrence déloyale ».

Rappelons qu’en octobre 2023, l’institution pilotée par l’ancien patron du CIH, Ahmed Rahhou, avait publié un avis sur le fonctionnement monopolistique du marché du livre scolaire. Il ressortait de ce rapport que le modèle économique sous-tendant le marché du livre scolaire est devenu contre-productif, reposant sur une offre et une demande artificiellement soutenues par des fonds publics et semi-publics, en total déphasage avec les réalités économiques du marché. Le Conseil de la Concurrence relevait une production du livre scolaire massifiée oscillant entre 25 et 30 millions d’exemplaires de manuels « jetables », conçus pour être utilisés une seule fois, soit une « consommation » de 3 à 4 livres en moyenne par élève et par an. Contacté par Challenge, Hassan El Kamoun, président-adjoint de l’ALIM (Association des Libraires Indépendants du Maroc), a déclaré : « Aujourd’hui, l’un des problèmes majeurs du secteur, comme l’a si bien révélé la note du Conseil, ce sont bien les pratiques déloyales et le monopole de certains acteurs ».

Et d’expliquer : « La diversité des méthodologies et des programmes tue également l’activité. Avant 2002, on avait un seul programme que tout le monde devait respecter. Aujourd’hui, depuis la réforme, tout le monde produit à sa guise son programme ».

Quatre groupes d’éditeurs contrôlent plus de 53 % du secteur !

Parmi les principales conclusions de cet avis figure la forte concentration du marché du livre scolaire, malgré la multiplicité apparente des maisons d’édition, avec une forte concentration géographique à Casablanca, et dans une moindre mesure à Rabat. En effet, les quatre premiers groupes d’éditeurs contrôlent plus de 53 % du marché. Pour le Conseil, le marché du livre scolaire est entièrement verrouillé en amont, donnant lieu à la création de véritables positions de rente acquises par les mêmes éditeurs, sélectionnés depuis une vingtaine d’années, dont les parts de marché sont restées quasiment inchangées durant cette période. Face à cette bulle qui ne cesse de grossir, « le rôle du ministère de l’Éducation doit être réformé en profondeur pour faire du manuel scolaire une priorité nationale ». « Un nouveau cadre légal est nécessaire pour plus de transparence et de sécurité juridique ».

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Par ailleurs, le Conseil plaidait pour que l’État affirme sa souveraineté sur la production des manuels officiels. Les programmes scolaires doivent être révisés avec la participation de toutes les parties prenantes. Les professeurs doivent être responsabilisés dans le choix des manuels. Il faut aussi réorienter l’allocation des ressources publiques. De même, est-il suggéré, les gaspillages doivent être réduits et les nouvelles technologies mises à contribution pour moderniser le manuel scolaire. « Aujourd’hui, le constat est que nous avons affaire à des conflits d’intérêts patents. On retrouve certaines personnes en charge du curricula qui détiennent des actions dans certaines maisons d’édition », souligne notre interlocuteur. « Aujourd’hui, il faut un véritable cadre réglementaire dans le secteur du livre au Maroc ».

Les propositions de Kamoun !

Pour l’expert, d’entrée, le gouvernement, par l’intermédiaire du ministère de tutelle, doit mettre en place une veille sur la maîtrise des taux de convertibilité. De plus, il propose la mise en place d’une commission chargée de lutter contre la spéculation sur les livres importés. Enfin, selon lui, le ministère doit prendre des mesures fortes contre les pratiques déloyales observées dans le secteur, qui sont l’un des moteurs de cette bulle haussière, pesant de tout son poids sur les ménages.

 
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