Batterie électrique : Un potentiel considérable pour le Maroc
Selon les experts, le potentiel du Maroc dans cet écosystème est énorme. Pas seulement cela, c’est aussi un enjeu de partenariat stratégique avec des pays comme la France et la Chine. Tour d’horizon d’un secteur qui cherche son modèle de croissance.
Lors d’une interview accordée à la chaîne « Asharq Business » (Bloomberg) en mai 2024, le ministre de l’Industrie et du Commerce, Ryad Mezzour, a affirmé que le Royaume compte sur des engagements d’investissement qui s’élèvent à 45 milliards de dollars dans l’écosystème des batteries électriques. Rappelons que sur ce terrain, les propos du ministre n’ont rien d’un effet d’annonce, car dans ce secteur, le Maroc dispose de véritables atouts.
« Le Maroc deviendra le centre régional de fabrication de véhicules électriques dans la région Moyen-Orient et Afrique du Nord (MENA), car il développe rapidement une économie circulaire (production de véhicules électriques de bout en bout) dans sa chaîne d’approvisionnement nationale. La croissance du secteur marocain du cobalt suscitera l’intérêt des entreprises minières et automobiles à court terme (2022-2026), ce qui constituera un avantage pour le développement de la chaîne d’approvisionnement locale des véhicules électriques au Maroc (fabrication de batteries pour véhicules électriques) », selon une étude du célèbre cabinet Fitch Solutions qui, depuis 2022, avait annoncé les couleurs.
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En mars 2024, le Maroc a lancé son écosystème des batteries électriques avec une convention d’investissement de 3 milliards de dirhams entre le gouvernement et le groupe chinois BTR New Material Group. Ce projet prévoit la construction d’une usine de production de cathodes, élément clé des batteries électriques, avec une capacité annuelle de 50 000 tonnes, générant plus de 2 500 emplois. Le groupe chinois, fournisseur de grands constructeurs automobiles comme Tesla et Volkswagen, a ouvert la voie à d’autres projets, tels que celui d’Hailiang, qui investira 450 millions de dollars dans une usine de pièces automobiles, et celui de Shinzoom, spécialisé dans la production d’anodes pour batteries, avec un investissement de 460 millions de dollars. En parallèle, en septembre 2023, le fonds panafricain Al Mada a signé un accord avec CNGR Advanced Material Company pour construire un complexe industriel au Maroc, avec un investissement massif de 20 milliards de dirhams. Située à Jorf Lasfar, près des installations du groupe OCP, cette usine commencera à produire des composants de batteries à partir de 2025. Ces investissements, centrés sur des installations de pointe, marquent une étape importante pour l’industrie automobile marocaine, renforçant son poids dans l’économie nationale.
« En quelques années seulement, le Royaume du Maroc s’est hissé au rang de premier producteur automobile sur le continent africain, se plaçant également en tant que deuxième exportateur vers l’Europe depuis 2021. Aujourd’hui, le secteur automobile marocain compte 250 équipementiers et affiche une capacité de production annuelle de 700 000 véhicules. Cette réussite est d’autant plus remarquable que de nombreux pays se sont lancés dans l’industrie automobile à combustion bien avant nous. Notre positionnement dans la chaîne de valeur des batteries automobiles nous offre des perspectives prometteuses pour devenir un acteur majeur à l’échelle régionale. Nous bénéficions d’avantages significatifs, notamment un accès aux matières premières, une transition vers une électricité propre à court terme, le développement de la filière de l’hydrogène vert pour la production de combustibles synthétiques destinés au secteur des transports et de la mobilité à moyen terme, un climat propice à l’investissement et une main-d’œuvre qualifiée et accessible. Cette stratégie ouvrira la voie à la création de milliards de dirhams supplémentaires et à la génération d’emplois à forte valeur ajoutée », nous confie Badr Ikken, Président exécutif de Gi3.
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Il faut d’ailleurs noter que cette question demeure au cœur de la diplomatie économique du Maroc. On se souvient de la dernière visite du ministre de l’Économie française, Bruno Le Maire, qui avait mis cette question au centre de la coopération économique entre le Maroc et la France, notamment sur les chantiers à fort potentiel. « Accélérer les projets communs, y compris dans l’industrie automobile, avec la construction des voitures, la fabrication des batteries électriques et la recherche, notamment en chimie pour ces dernières », annonçait Le Maire.
Un futur hub régional ?
« Le Maroc, dans le cadre de sa stratégie de décarbonation du secteur du transport, prévoit de créer une véritable industrie de véhicules électriques compétitive. La proximité avec l’Europe et l’entrée en vigueur de la future taxe carbone début 2026 poussent les investisseurs à se tourner vers d’autres marchés comme celui du Maroc. Une batterie fabriquée en Inde ou en Chine, par exemple, coûtera plus cher pour entrer sur le marché européen qu’une batterie produite à presque 10 km des frontières », nous confie Samir Rachidi, Président de l’IRESEN. Il ajoute : « À l’aune de la ZLECAf, le Maroc pourrait également exporter ces véhicules électriques vers le marché africain, renforçant ainsi la balance commerciale et la compétitivité économique de notre pays ».
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Selon le CESE, dans l’une des études sur la croissance verte publiées en 2022, « en 2018, la production mondiale de batteries lithium-ion était de 160 GWh, dont 106 GWh pour le secteur automobile. Cette production devrait atteindre 500 GWh en 2025 et 1 200 GWh en 2030, dont 1 020 GWh pour le secteur automobile. Rien que pour le véhicule électrique, le marché mondial est estimé à 45 milliards d’euros en 2027, dont 20 à 30 % seront captés par l’Europe. En tant que 10e producteur mondial de cobalt, le Maroc dispose d’atouts non négligeables pour développer la filière de production de batteries ». Par ailleurs, la branche des bornes électriques constitue aussi un vaste chantier. Selon Adil Benani, président de l’AIVAM, le Maroc pourrait devenir une véritable plateforme de fabrication de bornes. « Les besoins en fabrication de bornes vont être exponentiels, et vous savez qu’aujourd’hui, les ventes de véhicules électriques suivent une tendance croissante, avec une prévision de dépasser la barre des 20 millions en Europe d’ici 2025, ce qui représente 20 % des VE dans le monde ». Il poursuit : « Tant que la demande est forte, il y aurait bien une opportunité pour créer ce système industriel ».
Qu’est-ce qu’une batterie ? De quoi est-elle constituée ?
Bien que la batterie soit devenue un élément ordinaire du quotidien dans nos smartphones, appareils électriques, ou encore véhicules, il convient de rappeler son principe de fonctionnement et ses composants. Il existe aujourd’hui plusieurs types de batteries rechargeables : batteries au plomb, lithium-ion (Li-ion), nickel-hydrure métallique (NiMH), nickel-cadmium (NiCd)… Les batteries lithium-ion sont cependant les plus mises en avant, en raison de leurs performances techniques élevées, leur légèreté, leur petite taille, leur durée de vie, et surtout, leur haut potentiel de réduction des coûts. Notons que la batterie lithium-ion est bien partie pour devenir la technologie dominante au cours des prochaines décennies, surtout sur le marché de la mobilité électrique.