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Smart grid : que vaut l’écosystème au Maroc ?

C’était en début d’année que l’ONEE lançait la première plateforme smart grid d’Afrique. En termes d’efficacité énergétique, cette technologie, pour beaucoup, est une alternative… À ce jour, que vaut ce secteur ?

Tout le monde se rappelle de la grande organisation de la COP 22 tenue à Marrakech, où le Maroc, devant le monde, a démontré son engagement pour la transition écologique… C’est à la suite de cette grande messe climatique que le Royaume, sous le mantra du souverain, a impulsé de grands investissements dans le domaine de la transition écologique. C’est donc vers 2016 qu’à travers l’ONEE, la piste des smart grids a été ouverte. Il faut d’ailleurs notifier que l’adoption des smart grids est l’une des recommandations du Nouveau Modèle de Développement (NMD), visant à « développer la production décentralisée, efficace et intelligente, pour donner accès à une électricité compétitive dans les territoires ». En 2023, l’ONEE s’est doté de la première plateforme smart grid en Afrique au Centre des Sciences et Techniques de l’Électricité (CSTE).

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Financé par la BAD, ce projet a nécessité un investissement total de plus de 373 000 euros (soit plus de 4 millions de dirhams). Pour marquer davantage son action dans ce secteur en gestation, le Maroc a également lancé un centre de recherche et développement sur les réseaux électriques intelligents unique en Afrique, le Smart Grids Test Lab, situé dans la ville verte de Benguerir et faisant partie de la plateforme Green & Smart Building Park. Côté avantages, il faut préciser que ces réseaux intelligents permettent une gestion plus efficace des flux d’électricité en temps réel. Grâce à des technologies avancées de surveillance et de contrôle, les opérateurs peuvent ajuster rapidement la distribution d’électricité pour maintenir l’équilibre entre l’offre et la demande. Ils permettent également le mix énergétique, notamment l’intégration des énergies renouvelables intermittentes, telles que l’énergie solaire et éolienne, dans le réseau. Les smart grids facilitent aussi la décentralisation de la production d’électricité : certains consommateurs peuvent produire leur propre électricité. Grâce à leur éolienne ou à leurs panneaux photovoltaïques, l’électricité est directement injectée sur le réseau ou dans le circuit énergétique de leur maison, de leur résidence ou de leur usine.

Pour mieux comprendre la technologie, nous nous sommes dirigés vers le consultant en transition énergétique, Said Guemra. « Les smart grids constituent le lien entre l’électricité et l’Internet. L’outil de base est un compteur intelligent qui transmet les consommations électriques à des intervalles de 10 à 15 minutes à une Big Data. L’utilisateur a donc un accès en temps réel à ses consommations en se connectant à la Big Data. Au niveau des ménages et de l’industrie, l’utilisateur peut identifier des pertes énergétiques pouvant atteindre jusqu’à 40 % de la consommation totale, ce sont les aspects de la sobriété énergétique. En matière d’efficacité énergétique, l’utilisateur peut apprécier les économies réalisées par le passage à un équipement plus efficace, changer un vieux réfrigérateur par un nouveau A+++, la baisse de la consommation est très visible, de même pour la climatisation et autres consommateurs d’électricité. Il en est de même pour les consommations d’eau : la nuit, quand aucun usage de l’eau n’est fait, la consommation n’est pas nulle, et de ce fait, on peut identifier assez rapidement les fuites d’eau qui peuvent durer des années, surtout quand elles sont souterraines. Le record de fuite d’eau que nous avons identifié est de 68 % dans un bâtiment à Casablanca. »

Un secteur en gestation

Bien que vantée par de nombreux experts, cette technologie est toujours en phase d’expérimentation au Maroc. Son déploiement à grande échelle ne semble pas être pour aujourd’hui, nous confie l’expert en énergie Amine Bennouna. « Les smart grids supposent une triple action au niveau de la gestion de l’électricité : de la production, de la demande et du stockage. À part la gestion de la demande, le reste est déjà fait par tous les opérateurs systèmes dans tous les pays du monde, mais les smart grids supposent une réalisation des trois actions au niveau local, et il me semble que nous en soyons très loin, à moins de faire cela au niveau d’un logement ou d’un petit groupe de logements. La gestion de la demande n’exige pas seulement des investissements spécifiques pour le faire, mais l’adhésion forte des consommateurs ou du groupe. Un vrai challenge ! », insiste l’expert.

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Dans les détails, il faut expliquer que l’un des plus grands défis est celui des infrastructures. « Il faut dans un premier temps équiper tout le réseau de l’infrastructure et des systèmes de gestion à distance, afin de faire remonter l’information en temps réel, ainsi que de permettre le pilotage de la production, du transport et de la distribution… » Il faut clarifier que le premier palier de cette phase commence par l’équipement des consommateurs de compteurs intelligents, permettant de recueillir et de transmettre des données en temps réel. Cela facilite la gestion précise de la consommation, mais aussi l’optimisation de la production et de la distribution d’énergie. Rappelons que depuis 2021, l’ONEE équipe ses gros consommateurs (THT, HT et MT) de ce type de compteurs. « Pour le distributeur de l’électricité, les compteurs intelligents vont permettre une connaissance plus fine des consommations des clients. En France, le distributeur peut agir à distance sur les équipements de chauffage de l’eau des ménages, ou tout autre consommateur, pour baisser la demande électrique nationale en cas de difficultés sur le réseau : pointe électrique, mais également pour mieux intégrer les renouvelables dans le réseau. Le distributeur peut créer une demande électrique afin de ne pas perdre l’électricité renouvelable. »

Il faut dire que cette technologie peut permettre des économies très importantes, et elles ne sont pas très appréciées par les distributeurs qui voient une baisse de leur chiffre d’affaires. Nous allons continuer à vivre avec les bons vieux compteurs mécaniques et muets, qui ont plus de 120 ans d’âge. Ce sont les mêmes obstacles rencontrés pour les renouvelables en basse et moyenne tension. Plusieurs pays ont doté les ménages et industries de compteurs intelligents, plus d’un million en Jordanie, en Égypte, en Tunisie… Nous avons un important retard en la matière. Pour sa part, l’ONEE a lancé un premier support de démonstration des smart grids. Espérons qu’à partir de cette première expérience, les compteurs intelligents, électricité et eau, soient généralisés à l’échelle de tout le Maroc, surtout que le prix de ces compteurs a largement baissé. Il faut donc une loi pour obliger les distributeurs à équiper les ménages de compteurs intelligents pour l’électricité et l’eau, avec mise à disposition des informations sur les GSM des clients. C’est la tendance mondiale, et nous ne pouvons pas faire exception », précise l’expert en transition énergétique, Said Guemra.

Taille du marché Smart Grid

Selon le dernier rapport de Global Market Insights, la taille du marché a dépassé 60,2 milliards de dollars en 2023 et devrait augmenter de 10,7 % entre 2024 et 2032. L’industrie gagnera en traction en raison du vieillissement de l’infrastructure du réseau électrique et du besoin croissant de numérisation dans le secteur de l’électricité. Les gouvernements accordent progressivement la priorité à la durabilité de l’environnement et appliquent des règlements stricts pour réduire les émissions de carbone, ce qui favorisera l’adoption du produit. En outre, les investissements dans l’infrastructure du réseau numérique sont en hausse, sous l’impulsion de la volonté de réduire le temps de restauration et de tirer parti des technologies de pointe comme l’Internet des objets.

 
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