Mohcine Jazouli: «L’attractivité du Maroc auprès des investisseurs internationaux est extrêmement forte»
Dans cette interview, Mohcine Jazouli analyse la position du Maroc dans le nouveau classement «Business Ready» de la Banque mondiale, avec un score de 62,41/100. Il salue les réformes en cours, tout en pointant les défis restants, notamment en fiscalité et justice commerciale. Jazouli insiste sur l’importance de la digitalisation des services publics et la feuille de route 2023-2026, visant à renforcer l’attractivité du Maroc, à mobiliser 550 milliards de DH d’investissements et à créer 500 000 emplois d’ici 2026.
Challenge : Après trois ans de suspension, la Banque mondiale a relancé son rapport sur l’environnement des affaires dans le monde sous un nouveau format, le rapport Business Ready. Le Maroc y obtient un score de 62,41 sur 100, à 14,3 points du leader mondial, Singapour. Comment évaluez-vous cette performance du Maroc dans ce nouveau classement Business Ready qui remplace Doing Business ?
Mohcine Jazouli : La Banque Mondiale a en effet dévoilé le 3 octobre dernier, les résultats de sa nouvelle évaluation de l’environnement des affaires baptisée « Business Ready ». Et le Maroc a été choisi parmi 50 pays pilotes pour la première édition de ce rapport.
Tout d’abord, je voudrai souligner que le Business Ready est différent du Doing Business, que ce soit sur la méthodologie ou sur le champ d’application. En effet, le Business Ready englobe de nouveaux domaines tels que le marché du travail, la protection sociale, les autorisations environnementales, la concurrence ou l’accès aux marchés publics. Il intègre également des données issues d’une enquête de perception des entreprises. On peut donc dire que ce nouveau système d’évaluation est plus complet et plus équilibré.
Et nous avons pu constater que cette première édition du Business Ready met en valeur les progrès réalisés par le Royaume en matière d’amélioration du climat des affaires. En effet, sous la Conduite éclairée de Sa Majesté le Roi que Dieu L’assiste, le Maroc a accéléré sa transformation au rythme de profondes réformes structurelles au rang desquelles la généralisation de la couverture sociale, la réforme de l’investissement, la mise en place d’un cadre réglementaire relatif à la liberté des prix et à la concurrence ou encore l’accélération du développement des services publics. L’obtention de scores bien supérieurs à la moyenne de l’échantillon sur plusieurs critères est le reflet des impacts de ces réformes.
Challenge : Le rapport de la Banque mondiale analyse dix domaines clés représentant les principales étapes du cycle de vie des entreprises. Si le Maroc affiche des performances positives dans plusieurs secteurs, des lacunes demeurent. Quels sont, selon vous, les points forts à souligner et les domaines à améliorer ?
M.J : En effet, ce sont 10 grandes thématiques liées au cycle de vie de l’entreprise qui y sont évaluées, réparties sur 3 piliers qui sont le cadre réglementaire, les services publics et l’efficacité opérationnelle.
Je tiens à souligner qu’un travail d’analyse très détaillé a été réalisé par le Ministère de l’Investissement, de la Convergence et de l’Evaluation des Politiques Publiques, en étroite collaboration avec le Comité National de l’Environnement des Affaires (CNEA).
Le Maroc fait partie du groupe ayant obtenu les scores les plus élevés sur les 50 pays dans la majorité des thématiques. Notre pays s’est particulièrement distingué dans l’implantation des entreprises, la création d’entreprise, la connectivité aux services publics et le commerce international.
Pour certains domaines cependant, tels que celui relatif au marché de travail, à la fiscalité et à la justice commerciale, des progrès sont à réaliser. Le gouvernement a conscience de ces domaines d’amélioration et s’attelle à faire progresser et aboutir ces réformes clés, tels le code du travail ou réforme de la fiscalité.
Néanmoins, il est important de préciser que certaines réformes adoptées récemment par le Royaume ne sont pas mesurées dans cette première édition du Business Ready, mais le seront dans sa deuxième édition.
Le potentiel d’amélioration est donc certain, sans compter les différentes réformes importantes en cours de finalisation dans le cadre de la feuille de route pour l’amélioration de l’environnement des affaires.
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Challenge : En tenant compte des résultats obtenus, quelles sont les réformes qui, selon vous, doivent être accélérées, sachant que le Maroc a déjà entamé un processus de réformes pour pallier certaines de ses lacunes ?
M.J : Ce qui illustre avant tout cette nouvelle évaluation de la Banque Mondiale, est la multitude de facteurs impactant le développement d’une entreprise tout le long de son cycle de vie, ainsi que la complexité de l’articulation entre la réglementation, les services publics et la perception d’une efficacité opérationnelle, et ce pour tous les pays.
Dès le début de son mandat, ce Gouvernement a décidé de faire face aux obstacles à travers un plan d’action pragmatique, concret et mesurable pour améliorer le climat des affaires.
C’est dans cet esprit, qu’a été élaborée la feuille de route 2023-2026 pour l’amélioration de l’environnement des affaires, qui a été lancée en mars 2023 par M. le Chef du Gouvernement. Les thématiques mesurées dans le Business Ready y sont d’ailleurs toutes incluses.
Le suivi mensuel de cette feuille de route, réalisé conjointement avec le CNEA, nous a permis d’identifier les chantiers à accélérer, qui sont confirmés par ce rapport : l’interopérabilité des services publics, la transformation digitale du système judiciaire et le renforcement des procédures d’insolvabilité, qui sont des réformes prioritaires du plan d’action d’amélioration du climat des affaires adoptées par le Gouvernement.
Challenge : Quelles seront les priorités de votre ministère pour préparer le Maroc au prochain cycle d’évaluation de la Banque mondiale ?
M.J : Notre priorité est la réalisation des objectifs fixés par Sa Majesté le Roi Mohammed VI que Dieu L’assiste : mobiliser 550 milliards de dirhams d’investissements et créer 500 mille emplois, au cours de la période 2022-2026.
Pour atteindre cet objectif, la Politique Nationale de développement des investissements privés se décline autour de plusieurs chantiers à la fois dans l’attractivité et la promotion de notre pays en tant que hub régional pour les investissements, dans l’amélioration du climat des affaires et dans la territorialisation des investissements. La mise en œuvre début 2025 du dispositif d’appui aux TPME relatif à la nouvelle charte de l’investissement sera également un levier d’accélération important de la dynamisation de l’investissement national et de la création d’emploi, et contribuera sans nul doute à une meilleure évaluation du Maroc dans ce rapport.
Ce rapport Business Ready confirme l’importance de ces chantiers que nous avons enclenchés dès le début du mandat gouvernemental.
A noter, que la lecture de cette nouvelle évaluation de la Banque mondiale amène trois constats importants : la place fondamentale de la data dans le pilotage du développement de l’investissement privé, l’importance de la transparence de l’information pour les entreprises, et le rôle essentiel des relais auprès des entreprises au sein des territoires pour améliorer la perception dans la mise en œuvre des réformes adoptées.
En ce qui concerne la data, nous sommes en phase finale pour le lancement de l’Observatoire National de l’Investissement. Son enjeu est de créer l’espace de convergence entre les différentes parties prenantes afin de collecter, d’analyser, d’encadrer et de piloter le développement des investissements privés en produisant des statistiques liées à l’investissement, au climat des affaires et à l’emploi au niveau régional et sectoriel.
Quant à la transparence de l’information pour les entreprises, notre objectif est de faciliter l’acte d’investir et d’entreprendre pour libérer le potentiel de l’investissement national privé. Ainsi, mon département en concertation avec toutes les parties prenantes, travaille sur le chantier essentiel de la simplification et de la digitalisation des parcours investisseurs. A ce sujet, nous devons opérer un vrai changement de paradigme en basculant de procédures élaborées du point de vue de l’administration à une approche orientée « usager ». Nous sommes actuellement en phase de finalisation de plusieurs outils et solutions permettant de simplifier ces parcours et d’améliorer l’accès à l’information aux entreprises sur tout le cycle de vie de leur projet d’investissement.
Mais tout ceci ne peut se faire sans les Centres Régionaux d’Investissement dont le rôle doit être renforcé. La nouvelle phase de réforme et de développement des CRI sera opérationnelle dès l’adoption au Parlement du projet de loi n° 22.24 modifiant et complétant la loi n° 47-18. Cela rejoint le 3ème constat à la lecture du Rapport Business Ready relatif au rôle essentiel des relais auprès des entreprises au sein des territoires.
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Challenge : Avec ce nouveau classement, pensez-vous que le Maroc a renforcé sa visibilité et son attractivité auprès des investisseurs internationaux ?
M.J : L’attractivité du Maroc auprès des investisseurs internationaux est d’ores et déjà extrêmement forte. Elle est le résultat d’une “Offre Maroc” robuste et quasi unique au monde : un environnement politique et financier stable avec de la visibilité long terme, un accès à un marché de plus de 2,5 milliards de consommateurs grâce à sa position géographique unique et à nos accords de libre- échange, des infrastructures de classe mondiale, une compétitivité avérée du fait d’un capital humain qualifié et d’un coût des énergies vertes parmi les plus bas au monde et des mesures incitatives performantes comme celles mise en place par la nouvelle charte de l’investissement.
Et je peux affirmer que dans un monde où les rivalités géopolitiques s’exacerbent et où les chaînes de valeur industrielles se réorganisent, le Maroc confirme jour après jour son positionnement en tant que «pays connecteur» et de «safe place», grâce à ces atouts et aux réformes déployées sous la conduite éclairée de Sa Majesté Le Roi Mohammed VI Que Dieu L»assiste»
Aujourd’hui les résultats sont là, les investisseurs étrangers dans les domaines de la mobilité électrique, de l’énergie verte et des infrastructures misent tous sur le Maroc. Après un ralentissement en 2023, les Investissements Directs Etrangers, ont d’ailleurs fortement augmenté lors du premier semestre 2024 : +9,5% en termes de recettes IDE et +48% en termes de flux nets d’IDE, ce qui est extrêmement encourageant.
Challenge : Comment prévoyez-vous d’impliquer les acteurs privés et les autres parties prenantes dans la mise en œuvre des réformes nécessaires pour améliorer le positionnement du Maroc dans les futurs classements ?
M.J : Le dialogue public-privé a toujours été au cœur de notre démarche. L’investissement étant une politique publique transversale par excellence, elle ne peut être conçue et opérationnalisée sans tous les acteurs, dont le secteur privé.
Les objectifs fixés par Sa Majesté Le Roi Mohammed VI que Dieu L’assiste, en matière de développement de l’investissement privé et de création d’emplois sont des objectifs communs au secteur public et privé. Nous collaborons ainsi fortement avec la Confédération Générale des Entreprises Marocaines, les fédérations, les Chambres de commerce mais également le secteur bancaire dès lors qu’il s’agit de déployer les dispositifs incitatifs de la nouvelle charte de l’investissement, les mesures du plan d’action gouvernemental d’amélioration du climat des affaires ou les dispositifs d’accès au financement.
Et le fait que le Maroc obtienne de bonnes performances dans les classements internationaux ne fait que consolider notre conviction à maintenir cette démarche de concertation public-privé et à accélérer ensemble le rythme des réformes.