Fiscalité

Situation fiscale des personnes physiques : Un contribuable averti en vaut deux

C’est bientôt la fin de l’année budgétaire. Et le moindre centime de plus dans les recettes fiscales est le bienvenu. C‘est d’ailleurs l’un des principaux objectifs du contrôle fiscal (CF) que de permettre à l’administration fiscale (AF) de collecter des recettes fiscales supplémentaires. Et, à cet égard, l’examen de l’ensemble de la situation fiscale (EESF) des personnes physiques (PP) est un mécanisme relativement simple et plus souple que la vérification de comptabilité. C’est aussi l’un des rares  mécanismes proches de l’esprit et de la lettre de l’article 39 de la Constitution qui consacre le principe d’équité fiscale.

Le CF est inhérent au caractère déclaratif du système fiscal. L’EESF des PP est un mode spécifique de CF qui permet d’apprécier la cohérence entre les revenus déclarés et les dépenses et avoirs liquides effectifs. Ce mécanisme de CF, revu et complété par la Loi de finances de l’année 2024 (LF-2024), est cependant soumis à des procédures prévues dans le Code Général des Impôts (CGI) et que tout contribuable PP est censé connaitre. Ainsi, l’AF peut évaluer le revenu global annuel d’une PP, en tenant compte de ses avoirs liquides déposés dans ses comptes bancaires ou dans les comptes bancaires de toute autre personne ayant un lien avec elle, lorsque ladite PP est le bénéficiaire effectif desdits comptes, et de ses dépenses évaluées dont le montant est supérieur à 240 000 DH par an, pour tout ou partie de la période non prescrite (Voir dans l’encadré ci-contre, la méthode d’évaluation des dépenses, telle que prévue par le CGI).

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A noter, par ailleurs, que même si la PP n’est pas identifiée fiscalement, l’AF peut lui attribuer un identifiant fiscal (IF), avant d’entamer un EESF. L’AF doit tenir compte des dépenses pouvant être effectuées par des ressources issues de plusieurs années. Dans ce cas, l’évaluation doit porter sur la seule fraction du montant global de la dépense correspondant à la période non prescrite. Mais pour procéder à l’EESF d’une PP, l’AF doit notifier à la PP concernée un avis d’examen selon les formes de notification prévues par le CGI (Art. 219). Cet avis d’examen doit être accompagné de la Charte du contribuable qui rappelle les droits et obligations prévus en matière de CF. Au cours de l’EESF, l’AF peut demander à la personne concernée de fournir toutes les justifications nécessaires et présenter tout document clarifiant les discordances et incohérences relevées, dans un délai de 30 jours suivant la date de réception de la demande de l’AF. L’examen en question ne peut pas durer plus de 6 mois, à compter de la date de notification de l’avis d’examen. Ce délai peut être interrompu par des demandes de renseignements adressées à des administrations fiscales étrangères, sans que cette suspension de délai puisse dépasser 180 jours. Dans ce cas, l’AF est tenue d’informer la personne concernée de la date d’envoi de la demande de renseignement (DR), dans un délai de 15 jours, à compter de la date d’envoi de ladite DR.

Avant la clôture de l’EESF, l’AF procède à un échange oral et contradictoire concernant les éléments de comparaison sur la base desquels le revenu global annuel est susceptible d’être réévalué. A cet effet, la personne concernée est informée dans les formes prévues par le CGI (Art. 2019), de la date fixée pour l’échange oral et contradictoire précité et de la date à laquelle l’EESF sera clôturé. Les observations formulées par la personne concernée, lors de cet échange, sont prises en considération, si l’AF les estime fondées. L’AF établit un procès verbal (PV) mentionnant la date à laquelle a eu lieu l’échange précité et les parties signataires. Une copie de ce PV est remise à la PP concernée. L’AF notifie à ladite PP, dans les 3 mois qui suivent  la date de clôture de l’EESF, dans les formes prévues par le CGI (Art ; 2019), les éléments de comparaison devant servir à la rectification de la base annuelle d’imposition. La lettre de notification demeure le seul document ayant pour effet de fixer les montants de redressements notifiés et de constater l’engagement de la procédure de rectification des impositions. L’AF invite la PP concernée à produire ses observations dans un délai de 30 jours, suivant la date de réception de ladite lettre de notification.

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La PP peut justifier  dans sa réponse ses ressources par tout moyen de preuve et faire notamment état : des revenus de capitaux mobiliers soumis à la retenue à la source libératoire ou ceux afférents aux « distributions occultes » de point de vue fiscal, c’est-à-dire  résultant des redressements des bases d’imposition (BI) des sociétés passibles de l’IS ; des revenus exonérés de l’IR sous réserve du dépôt des déclarations y afférentes (telles que les déclarations de revenus agricoles exonérés) et nonobstant toutes dispositions contraires ; des produits de cession de biens meubles ou immeubles ; d’emprunts contractés auprès des banques ou auprès des tiers pour des besoins autres que professionnels ; et/ou de l’encaissement des prêts précédemment accordés à des tiers. Si, dans un délai de 30 jours suivant la date de réception de la notification, la PP donne son accord sur les BI notifiées, l’impôt est émis par voie de rôle. A défaut de réponse dans le délai prescrit, l’imposition est établie et ne peut être contestée que dans le cadre du contentieux administratif, et conformément aux procédures prévues dans le CGI.

Dans le cas où les observations ont été formulées par l’intéressé dans le délai de 30 jours, et si l’AF les estime non fondées, en tout ou partiellement, l’AF envoie dans un délai maximum de 60 jours, une deuxième notification motivant le rejet total ou partiel, ainsi que les BI retenues, tout en  faisant connaitre au contribuable son droit de pourvoi devant l’une des commissions de recours fiscal compétente, dans un délai de 30 jours. A défaut de pourvoi, l’imposition ne peut être contestée que par voie de contentieux administratif. Lorsque l’AF a procédé à un EESF d’une PP pour une période déterminée, elle ne peut procéder ultérieurement à un nouvel examen pour la même période (prescription acquisitive).

A noter, que la LF-2024 a presque totalement verrouillé la procédure de l’EESF. Les procédures mises en place renforcent la traçabilité des échanges et donc une meilleure transparence contre les risques de pratiques non éthiques. De même, la LF-2024 a complété le dispositif de l’EESF pour éviter la confusion avec les autres modalités du CF. Ainsi, l’analyse des données figurant sur les déclarations ou des informations recueillies dans le cadre du droit de communication et d’échange d’informations, ou dans le cadre de la vérification comptable, ne constitue pas un EESF. De même, au cours d’un EESF, l’AF peut examiner les opérations figurant sur des comptes financiers personnels ou professionnels, et demander aux personnes concernées tous les éclaircissements et justifications sur les opérations, sans que cet examen puisse être assimilé à une vérification de comptabilité. L’AF a la faculté d’exploiter l’ensemble des informations collectées pour optimiser sa démarche en matière de CF, dans le respect des procédures fiscales prévues dans le CGI.

L’évaluation des dépenses des PP lors d’un EESF
Les dépenses, dont le montant global est supérieur à 240 000 DH par an, s’entendent :
1°- des frais afférents à la résidence principale dont la superficie couverte est supérieure à 150 m, ainsi qu’à chaque résidence secondaire, déterminés par application à la surface des constructions des tarifs au m, comme suit :
2°- des frais de fonctionnement et d’entretien des véhicules de transport des personnes fixés à :
– 12 000 dirhams par an en ce qui concerne les véhicules dont la puissance fiscale ne dépasse pas 10 C.V ; 
– 24 000 dirhams par an en ce qui concerne les véhicules d’une puissance supérieure ;
3°- des frais de fonctionnement et d’entretien des véhicules aériens et maritimes fixés à 10% du prix d’acquisition ; 
4°- des loyers réels acquittés par la personne physique pour ses besoins privés ; 
5°- du montant annuel des remboursements en principal et intérêts des emprunts contractés par la personne physique pour ses besoins autres que professionnels ; 
6°- du montant des sommes versées par la personne physique pour l’acquisition des biens meubles ou immeubles non destinés à un usage professionnel, y compris les dépenses de livraison à soi-même des mêmes biens immeubles ; 
7°- des acquisitions de valeurs mobilières et de titres de participation et autres titres de capital et de créance ; 
8°- des avances en comptes courants d’associés et en compte de l’exploitant et des prêts accordés aux tiers ;
9°- tous les frais à caractère personnel, autres que ceux visés ci-dessus ainsi que toutes les dépenses supportées par la personne physique pour le compte des ascendants, descendants, conjoints ou autres personnes ayant un lien avec lui.
Ainsi, si le revenu global annuel déclaré est égal à X, et si l’AF dispose d’informations indiquant que le montant global des dépenses et avoirs est égal à Y, et que Y > X, le contribuable PP est invité à justifier l’écart. La non justification de cet écart est susceptible de générer un redressement fiscal et donc des droits supplémentaires à payer par la PP concernée, en application des procédures prévues dans le cadre de l’EESF. 

 
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