Malgré les progrès, le cancer du sein tue encore 3 000 femmes chaque année
A l’occasion d’Octobre rose, une table ronde médiatique sous le thème : « Parlons ensemble du cancer du sein : sensibiliser et soutenir le parcours des roses », a eu lieu, hier, au Hyatt Regency de Casablanca.
La Dre Loubna Bousselham, de la Direction d’épidémiologie et de lutte contre les maladies au ministère de la Santé et de la Protection sociale, le Professeur Hassan Errihani, chef du département d’oncologie médicale à l’Institut national d’oncologie, et Mme Majda Gherbi, responsable de l’association Dar Z’hour qui accompagne et soutient les personnes atteintes du cancer, ont composé le panel qui a animé les débats.
Le cancer du sein est la forme de cancer la plus répandue chez les femmes au Maroc, représentant environ 23% de tous les cas de cancers, comme l’a précisé Dre Loubna Bousselham. Avec une incidence de 49 cas pour 100 000 femmes, cela signifie que près de 12 000 femmes sont diagnostiquées chaque année.
Détection précoce
Elle a souligné l’importance de la détection précoce dans la prise en charge de cette maladie, qui touche majoritairement les femmes âgées de 40 à 69 ans. Cependant, 10% des cas surviennent chez des femmes plus jeunes, souvent en raison de facteurs héréditaires. La prévention et la sensibilisation sont donc des enjeux cruciaux pour limiter l’ampleur de cette maladie qui continue, tout de même, de tuer 3 000 femmes chaque année.
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L’évolution de la prise en charge du cancer au Maroc a été également un des axes évoqués. « En 1970, on ne pouvait soigner au Maroc que 20% des cas de cancer, aujourd’hui, nous arrivons à soigner entre 75 et 80% des patients », a déclaré le Pr Hassan Errihani, illustrant ainsi les progrès réalisés en matière de soins. Grâce à un renforcement des infrastructures et des capacités médicales, notamment avec la mise en place de 85 accélérateurs pour la radiothérapie dans tout le pays, le Maroc se positionne désormais comme un modèle dans la région MENA en termes de lutte contre le cancer. « Le processus de développement de la stratégie de lutte contre le cancer au Maroc est une véritable success story », a-t-il ajouté.
Le plan cancer 2010-2019 a permis d’améliorer considérablement les infrastructures, et le plan 2020-2029 s’oriente désormais vers une optimisation des soins et une plus grande efficacité des thérapies. « Il s’agit de mettre la personne malade au cœur de la stratégie de santé », a insisté Dre Loubna Bousselham, en expliquant que cette approche centrée sur le patient permet une prise en charge plus humaine et efficace.
Stigmates et tabous
La sensibilisation a également été un thème central. Majda Gherbi, responsable de l’association Dar Z’hour, a témoigné des difficultés rencontrées, autrefois, par les femmes atteintes de cancer du sein, notamment à cause des stigmates et tabous encore associés à la maladie. « Auparavant, les femmes malades refusaient de parler de cette maladie, aujourd’hui, elles témoignent et sensibilisent d’autres femmes », a-t-elle expliqué, soulignant l’importance du partage d’expérience pour lever le voile sur ce sujet. Selon elle, le rôle des associations est primordial, notamment dans l’accompagnement des patientes et leur famille. En effet, plusieurs études montrent que le soutien familial est déterminant dans le parcours de guérison.
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La prévention reste un des piliers dans la lutte contre le cancer. C’est grâce aux campagnes de dépistage et aux efforts de sensibilisation, que le Maroc a réduit de manière significative le pourcentage de cancers diagnostiqués à un stade métastatique : « Aujourd’hui, seulement 7% des cas arrivent aux soins en situation métastatique, contre 60% auparavant », a précisé le Pr Errihani. Ce chiffre démontre une meilleure prise de conscience des malades et des progrès dans la prévention et le dépistage précoce.
Les actions de Dar Z’hour vont également dans ce sens. Mme Gherbi a partagé les initiatives de l’association, qui, en plus de sensibiliser près de 5 millions d’internautes via des campagnes sur les réseaux sociaux, vise désormais à toucher 10 millions de personnes. Dans les quartiers défavorisés de Casablanca et Marrakech, l’association a pour objectif, dans le cadre d’une action en cours, de sensibiliser directement 300 femmes.
Enfin, le coût des traitements reste un enjeu majeur. Si le Maroc s’est doté de toutes les thérapies nécessaires, la couverture sociale pour tous les malades constitue toujours un défi à relever. « Le grand défi, c’est le coût des thérapies », a reconnu Pr Errihani, avant d’ajouter que ce défi peut être surmonté grâce à une coopération entre les différents acteurs du secteur professionnel, institutionnel et associatif.
Les progrès réalisés au Maroc en matière de lutte contre le cancer du sein, ne font que mettre en exergue les défis qu’il reste encore à relever. La sensibilisation et la mobilisation autour de cette cause sont cruciales pour faire de cette maladie une pathologie qui, détectée tôt et bien prise en charge, ne tue plus ses victimes.