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Brics: la Turquie lorgne le Sud sans perdre le nord

Pour la première fois, un membre de l’Otan, la Turquie, frappe à la porte des Brics, réunis autour de Vladimir Poutine à Kazan jusqu’à jeudi. Un calcul d’abord économique, en ligne avec « l’autonomie stratégique » recherchée par Ankara, soulignent des observateurs.

A l’invitation du président russe avec lequel il doit s’entretenir, le président turc Recep Tayyip Erdogan retrouve mercredi en Russie les autres pays de ce bloc dont le Brésil, la Russie, l’Inde, la Chine et l’Afrique du sud, pour la plupart en profond désaccord avec les Occidentaux sur le conflit au Proche-Orient et, pour Pékin et Moscou, sur la guerre en Ukraine.

De plus, le récent élargissement des Brics à quatre pays, dont trois du Moyen-Orient, a fait entrer l’Iran, pays rangé dans le camp ouvertement anti-occidental et qui fournit des drones à Moscou contre l’Ukraine.

Cependant, estiment les chercheurs interrogés, la Turquie ne va pas tourner le dos à l’Occident ni à l’Ukraine, dont le ministre des Affaires étrangères se trouvait encore lundi à Ankara, et encore moins à l’Otan.

Certes, « le gouvernement (turc) continue ainsi d’enraciner ses relations avec les pays qui ne sont pas membres de l’alliance occidentale, s’inscrivant dans la ligne de l’autonomie stratégique que suit la Turquie », note Sinan Ülgen, chercheur associé au centre Carnegie Europe.

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« Mais l’initiative est aussi en partie économique: il en escompte un impact positif sur les relations économiques bilatérales avec ces pays », relève-t-il.

Le bloc des Brics représente près de la moitié de la population mondiale et près du tiers du PIB de la planète.

Toutefois, rappelle le chercheur, les Brics forment une « plateforme » économique sans engagement, qui n’impose pas une intégration de ses membres comme le fait l’Union européenne, à la porte de laquelle Ankara frappe en vain depuis 1999.

M. Erdogan n’a d’ailleurs pas manqué, le mois dernier, de le faire remarquer: « Ceux qui disent (ne rejoignez pas les Brics) sont les mêmes qui nous ont fait attendre pendant des années à la porte de l’UE », a-t-il déclaré à son retour des Nations unies à New York.

« Nous ne pouvons pas nous déconnecter du monde turc et islamique simplement parce que nous sommes un pays de l’Otan: les Brics et l’Asean sont des structures qui nous offrent des opportunités de développer notre coopération économique », avait-il ajouté.

Pour Sinan Ülgen, « la Turquie n’aurait pas fait ces démarches (vers les Brics) si elle avait pu poursuivre les négociations d’intégration avec l’Europe ».

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C’est aussi que le centre de gravité du monde se déplace, insiste Soli Özel, professeur de relations internationales à l’université Kadir Has d’Istanbul.

« Comme tout le monde, le gouvernement turc estime que l’hégémonie incontestée de l’Occident ne peut pas continuer ainsi et comme beaucoup d’autres, il essaie de se positionner pour avoir davantage son mot à dire si un nouvel ordre devait émerger dans un monde multipolaire asymétrique ».

« La Turquie veut tirer parti de l’affaiblissement de l’emprise occidentale, en particulier des Etats-Unis, et tenter de se créer une plus grande marge de manoeuvre », poursuit l’universitaire. « Mais elle fait bien sûr partie de l’Occident sécuritaire. Et son économie reste assurément partie de l’économie européenne », en termes d’échanges commerciaux et d’investissements notamment.

En somme, « la Turquie veut deux choses: profiter de la proximité de l’Occident mais sachant qu’elle ne fera jamais partie (de l’UE), nouer un partenariat étroit avec les non-Occidentaux », estime Gokul Sahni, analyste indien basé à Singapour.

Un « en même temps » sans risque, puisque les Brics n’ont aucune dimension sécuritaire, insiste-t-il.

Depuis l’invasion russe de l’Ukraine en février 2022, la Turquie a ainsi su ménager ses relations avec les deux belligérants.

Après l’adoption de sanctions occidentales envers Moscou, elle est devenue un des principaux clients de la Russie pour le gaz, dont ses approvisionnements dépendent. Tout en fournissant parallèlement à l’Ukraine des drones et frégates.

« La Turquie ne quittera jamais l’Otan », affirme Soli Özel. Mais ce rapprochement traduit « la volonté des puissances émergentes régionales d’obtenir davantage ».

Challenge (avec AFP)

 
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