Dossier

Visite d’Emmanuel Macron au Maroc. L’économie est reine

Quelle que soit l’évolution des relations entre les deux pays, la visite d’Emmanuel Macron à Rabat nourrit désormais l’espoir de faire entrer le royaume dans la cour des grands. Le Chef de l’État français qui reprend ainsi langue avec le Maroc, a été accueilli avec tous les honneurs. Inscrivant ses pas dans ceux de Jacques Chirac, il mise sans détours sur le royaume pour sceller une réconciliation totale. Pour chasser tous les nuages qui se sont accumulés entre Paris et Rabat, le Président français avait choisi de répondre à l’exigence du Maroc en reconnaissant sa souveraineté sur le Sahara. Il a été bien payé en retour, en témoigne la moisson d’accords signés à Rabat. 

C’était écrit. Il y a des dates qui marquent l’histoire d’un pays. 1956 : la France rendait au Maroc «sa liberté» après un protectorat injuste et bien mouvementé. 2024: la France finit par reconnaître la Marocanité du Sahara et s’apprête à restituer au royaume des archives de première importance sur ce dossier artificiel. Le tapis rouge déroulé au Président Emmanuel Macron témoigne de l’importance de ce virage dans les relations entre les deux pays. Ce sont désormais deux nations aux relations apaisées qui se font face et regardent l’avenir ensemble.

Dès son arrivée, accueilli avec les honneurs en compagnie de personnalités de premier plan qui l’accompagnaient, le Chef d’Etat a aussitôt signé  avec sa Majesté le roi Mohammed VI, la «Déclaration relative au Partenariat d’Exception Renforcé», un jalon important pour sceller définitivement la reprise du dialogue stratégique bilatéral entre les deux nations. Pour assurer le suivi rigoureux de ce partenariat d’exception, les deux Chefs d’État ont décidé de créer un comité stratégique bilatéral, qui jouera un rôle clé dans l’évaluation et l’approfondissement continus de cette coopération. Ce comité aura pour mission d’orienter et de superviser les efforts déployés, en veillant à la mise en œuvre de projets répondant aux intérêts communs des deux nations. Sa gestion s’appuiera sur des échanges réguliers et un pilotage concerté, destiné à pérenniser les résultats et à maximiser l’impact de ce partenariat d’exception qui inclut désormais une coopération tous azimuts sur le Sahara et le développement régional. D’où le soin apporté par Emmanuel Macron à ne pas laisser passer l’occasion sans rappeler la position française concernant les provinces du sud, affirmant que «le présent et l’avenir du Sahara s’inscrivent dans le cadre de la souveraineté marocaine.»  Un «Partenariat d’Exception Renforcé» qui témoigne de la volonté commune de ces deux nations de construire un avenir partagé, non seulement au service de leurs peuples, mais aussi pour la stabilité, la prospérité et le développement du continent africain et de la région atlantique. «Ce jour à Rabat, nous ouvrons un nouveau chapitre de la longue histoire entre le Maroc et la France pour la prochaine génération» a commenté Emmanuel Macron sur X. Effectivement, après un cycle de désamour en dents de scie qui a duré près de trois ans, il était temps de tourner la page avec une visite en grande pompe pour fêter l’embellie.

Une embellie qui profite aux deux parties, en témoigne la moisson d’accords et de conventions signées dès l’arrivée du gotha diplomatique, ministériel et du monde des affaires français à Rabat. Sans aucun doute, les moments forts n’auront pas manqué au cours de cette visite historique, que ce soit la fameuse allocution au Parlement qui fut l’occasion rêvée de revenir sur les liens historiques entre les deux pays et la question du Sahara. Devant les députés, Emmanuel Macron a ainsi évoqué, le mardi 29 octobre, solennellement, que «nos opérateurs et nos entreprises accompagneront le développement de ces territoires au travers d’investissements, d’initiatives durables et solidaires au bénéfice des populations locales». N’oublions pas aussi la rencontre avec le Premier ministre Aziz Akhannouch ainsi que les Présidents des deux Chambres ou encore les réunions be to be entre les ministres français et leurs homologues Marocains sur des thématiques communes comme la lutte contre l’immigration illégale dont le ministre français de l’Intérieur, Bruno Retailleau, a fait son cheval de bataille, s’est mis à table avec Abdelouafi Laftit pour débattre de la gestion des retours de Marocains en situation irrégulière incarcérés en France. Mais c’est le volet économique qui a retenu le plus l’attention des observateurs. Au total, les contrats commerciaux, investissements et prêts conclus portent sur un montant allant «jusqu’à dix milliards d’euros», avait annoncé l’Élysée, portant sur le transport ferroviaire, les énergies renouvelables dont le Maroc est fermement décidé à en devenir un champion, l’eau, le secteur portuaire ou encore la transition énergétique.

A cet égard, l’accord concernant un Protocole d’Accord portant sur la création d’un accélérateur d’investissements Maroc est très intéressant. Il s’agit d’un Protocole d’accord de près de 3 milliards de Dirhams de capitaux portant sur la création d’un accélérateur d’investissements Maroc-France. Partenariat à parts égales visant à stimuler l’investissement sur l’ensemble du territoire marocain y compris les provinces du sud. Création d’une joint-venture à 50/50 dédiée aux infrastructures durables, dotée d’un capital de 300 millions d’euros, le neuvième accord, portant sur une Déclaration d’intention relative au renforcement de la coopération en matière de protection civile. Conformément à cet accord, les signataires ont clairement l’intention de développer leur coopération bilatérale dans le domaine de la protection civile, à travers l’échange de bonnes pratiques et le partage d’expériences sur les dispositifs prévisionnels lors de crises de sécurité civile, la mise en place de groupes conjoints de travail, et l’élaboration des projets structurants. Plaçant la barre très haut dans de nombreux secteurs, le Chef d’Etat français était accompagné de tout le gotha politique et économique de l’hexagone. Pour ceux qui ne le savent pas encore, il faut rappeler que toutes les entreprises du CAC 40 sont aujourd’hui solidement implantées au Maroc, ce qui témoigne de l’attrait et du potentiel de la plateforme marocaine pour des investissements dans des secteurs clés et qui explique aussi pourquoi tous les patrons des grands groupes tricolores ont tenu à être du voyage.

Ainsi sur les 22 accords qui portent sur divers secteurs, un bon paquet a profité aux patrons des deux côtés de la Méditerranée. Henri-Poupart Lafarge, le DG d’Alstom avec la fourniture juteuse de rames à haute vitesse et leurs éléments de soutien qui seront fournis à l’ONCF. Dans la foulée, le DG de l’ONCF Mohamed Rabie Khlie a aussi paraphé un contrat d’assistance entre la société Sistra Egis et l’ONCF et par la même occasion, un contrat de fourniture d’appareils de voies entre l’ONCF et Vossloh Cogifer. Pour la filière de l’hydrogène vert où le Maroc est leader, c’est Patrick Pouyané le PDG de Total Energies qui a signé l’accord paraphé d’un côté par le ministre délégué chargé de l’Investissement, de la Convergence et de l’Évaluation des politiques publiques, Karim Zidane et du côté Marocain par la ministre de la Transition énergétique et du développement durable, Leila Benali et le ministre de l’Intérieur, Abdelouafi Laftit. Safran consolide aussi sa présence dans le royaume avec un contrat signé pour la mise en place d’un site de maintenance et de réparation des moteurs d’avions. Le patron d’Engie repart avec un accord de développement avec le groupe OCP dans le domaine de la Transition énergétique signé par Mostafa Terrab et Catherine MacGregor. Rodolphe Saadé, grand ami du Maroc, a fait une jolie prise avec le protocole d’accord signé entre CMA-CGM et Tanger Med.  En réalité, la quarantaine de dirigeants d’entreprises qui ont fait le déplacement à Rabat n’avait pas seulement l’objectif de repartir avec quelques contrats signés en bonne et due forme, mais ils étaient là aussi pour plaider une « sorte de principe d’exclusivité » qui leur permette de conclure un partenariat pérenne. L’occasion de promouvoir une logique de «colocalisation» depuis que le monde des affaires français a pris conscience que le Maroc est devenu un hub entre l’Europe et l’Afrique, en témoignent les réussites des groupes français dans l’automobile et dans l’aéronautique. A la veille de la visite de Macron, Philippe Delleur, Vice-président d’Alstom et délégué permanent du comité stratégique de la filière ferroviaire, n’a pas caché sa volonté de plaider pour la constitution d’un écosystème de sous-trai- tants, à l’image de ce qu’ont fait Airbus, Renault et PSA. Au terme de son voyage d’État au Maroc, Emmanuel Macron peut être fier d’avoir gagné son pari : celui de montrer que l’hexagone était encore capable de renouer au plus haut niveau avec le premier pays ami de la France en Afrique. Il redore ainsi la réputation d’une grande nation, de cette France reconnaissante, celle qui le 18 juin 1945, lors du défilé des combattants à Paris, Mohammed V fut fait compagnon de la Libération des mains du général de Gaulle, en reconnaissance des sacrifices consentis par son peuple pour soutenir l’effort de guerre de
la France. 

 
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