Patrimoine

Comment Emmanuel Macron a clos le débat sur le zellige

Lors de sa visite d’État au Maroc du 28 au 30 octobre 2024, Emmanuel Macron a marqué un tournant symbolique dans les relations culturelles franco-marocaines par un discours poignant devant le Parlement marocain.

Loin de se contenter d’évoquer les thèmes habituels de coopération, le Président français a souligné le rôle du Maroc dans le riche héritage de l’Andalousie et a mis en lumière l’influence durable de la culture marocaine sur l’Espagne et le sud de la France. Par cette allocution, Macron a tacitement répondu à plusieurs tentatives de réappropriation culturelle menées par l’Algérie, en rappelant les racines marocaines de plusieurs éléments emblématiques du patrimoine andalou, notamment le zellige.

Un hommage au Maroc et à sa place dans l’histoire culturelle européenne

Dans son discours, Emmanuel Macron a affirmé que le Maroc et la France « ne sont pas tout à fait étrangers l’un à l’autre ». En rappelant l’héritage d’Al-Andalous, le Président a mis en avant l’influence décisive de la culture marocaine sur l’architecture, l’artisanat, et même la poésie européenne. Avec des exemples tels que La Giralda de Séville, les zelliges bleus, et les patios du sud de l’Espagne, Macron a souligné la contribution marocaine à un patrimoine partagé, enraciné dans l’art andalou. Cet hommage au Maroc comme source d’inspiration et de beauté était aussi une manière de revendiquer la filiation marocaine des zelliges, ces carreaux de céramique aux motifs géométriques complexes qui ornent les plus belles cours et demeures d’Andalousie.

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En citant Louis Aragon, poète français et fervent admirateur de la culture andalouse et marocaine, Macron a aussi rappelé l’attachement profond que de nombreux artistes et intellectuels français portent à cet héritage. Les vers du Fou d’Elsa sont devenus une référence qui unit le Maroc et la France à travers une esthétique partagée : « Dans ce pays d’or et d’argent, travaillé comme une timbale… » Ces mots rappellent non seulement l’héritage matériel, mais aussi l’imaginaire commun forgé entre les deux nations.

Le zellige : un héritage marocain

Depuis plusieurs années, l’Algérie tente de revendiquer l’origine de nombreux éléments du patrimoine architectural et artisanal marocain, et le zellige n’échappe pas à cette démarche. En s’attribuant cet art ancestral, l’Algérie cherche à renforcer sa visibilité culturelle et son influence. Pourtant, l’art du zellige a des racines profondes au Maroc, où il a été perfectionné dans des villes comme Fès et Meknès, véritables berceaux de cet artisanat. Le Maroc a longtemps valorisé cet héritage, en formant des maîtres-artisans capables de transmettre des techniques séculaires qui se perpétuent encore aujourd’hui.

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Le discours de Macron est venu, subtilement, réaffirmer cette identité culturelle marocaine. En attribuant les zelliges du sud de l’Espagne à une influence marocaine, il a mis fin à une appropriation culturelle en cours, en rappelant leur origine historique. En effet, au XIIe siècle, les dynasties marocaines Almoravide et Almohade ont joué un rôle central dans l’architecture andalouse, introduisant des motifs géométriques uniques, des mosaïques colorées et des techniques de décoration qui perdurent aujourd’hui.

L’influence marocaine en Andalousie et dans le sud de la France

Outre les zelliges, l’influence marocaine s’étend à de nombreuses autres expressions culturelles et artistiques dans le sud de l’Europe. Au cœur de l’Andalousie, des monuments comme l’Alhambra à Grenade ou la mosquée-cathédrale de Cordoue témoignent de cet échange culturel intense. Ces œuvres, conçues dans le style des médersas et mosquées marocaines, reflètent un art de vivre et un raffinement qui ont inspiré l’Europe. Le Maroc a également influencé des régions comme la Provence ou l’Aquitaine, où les interactions économiques et culturelles avec le monde arabo-andalou ont laissé des empreintes dans l’art, la cuisine, et même l’urbanisme.

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Le discours de Macron a souligné que ce patrimoine est à la fois marocain et européen, marquant une appartenance commune qui résiste aux divisions géographiques. L’imaginaire partagé évoqué par Aragon et d’autres poètes, tout comme les œuvres d’artisans et de bâtisseurs marocains, témoignent d’une époque où le Maroc était un pont culturel entre l’Afrique et l’Europe. Macron a ainsi souligné que cet héritage ne peut être revendiqué par un seul pays, comme l’Algérie tente de le faire, mais doit être honoré comme le fruit d’une histoire collective où le Maroc joue un rôle de premier plan.

Un message de coopération culturelle

En rappelant les racines marocaines de l’art du zellige et des œuvres architecturales andalouses, Macron a célébré l’interdépendance culturelle franco-marocaine. Ce geste symbolique montre la volonté de la France de reconnaître et de protéger cet héritage commun, face à des tentatives d’appropriation. Cette position pourrait ouvrir la voie à une coopération renforcée pour préserver le patrimoine artisanal marocain et le promouvoir à l’international, mettant fin aux revendications injustifiées.

Le discours du président français a donc été bien plus qu’un simple hommage : il a été un acte politique et culturel pour défendre la légitimité du Maroc à revendiquer le zellige comme élément central de son patrimoine, tout en célébrant son rayonnement au-delà de ses frontières.

 
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