Diplomatie

Maroc : Les angles morts de la diplomatie économique !

Afrique de l’Ouest, Europe… La diplomatie économique du Maroc a un espace stratégique. N’est-il pas temps de penser à d’autres espaces ? Décryptage.

« L’océan Atlantique, dans sa partie sud, qui demeure un espace géopolitique inexploité, peut servir de nouvelle plateforme de dialogue entre le Nord et le Sud. Le Royaume du Maroc, stratégiquement placé dans cet espace, peut exploiter sa façade atlantique afin d’insuffler une nouvelle dynamique à sa relation avec l’Amérique latine pour le renforcement des échanges politiques et économiques dans le Sud global. » Tel est le plaidoyer du Policy Center.

Voisin privilégié de l’Europe, le Maroc, sous la houlette du souverain et à travers sa réintégration de l’Union africaine ces dernières années, a renforcé son aura sur le continent. Aujourd’hui, toujours sous le mantra royal, le Maroc continue de se distinguer par sa diplomatie équilibrée et pragmatique. Dans ce contexte de nouvelle mondialisation, l’hémisphère latino-américain s’impose comme un autre espace d’équilibre où le Maroc demeure dépendant dans une certaine mesure de certains marchés, alors qu’il dispose de ressources et de potentialités énormes qui peuvent être compétitives.

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Selon un rapport de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), publié en août 2022, la moitié de la population du Pérou est en situation d’insécurité alimentaire modérée, soit 16,6 millions de personnes. Et plus d’un habitant sur cinq, soit 6,8 millions, est en situation d’insécurité alimentaire sévère. La logique politique voudrait donc que le Pérou, en pleine crise alimentaire, se dirige vers des partenaires fiables et à même d’aider à régler cette question.

Les échanges économiques comme fer de lance du Maroc en Amérique latine

Rappelons que le phosphate est le noyau qui a fait du Brésil un client stratégique du Maroc, qui lui-même devient le 5e partenaire économique du Brésil en Afrique et dans le monde arabe. L’ambition marocaine dans ce contexte vise à créer un partenariat commercial utile et stratégique, faisant du Royaume une plateforme pour le Brésil vers les marchés européens, arabes et africains.

En contrepartie, le Royaume essaie de faire aussi du Brésil sa future plateforme vers les autres pays de l’Amérique latine. « Avec plus d’un million et demi de locuteurs en 2018, le Maroc se classe comme le deuxième pays non hispanophone, après les États-Unis, à compter le plus grand nombre de personnes disposant de notions en espagnol sans que ce soit leur langue maternelle. » « L’Atlantique Sud, en plus d’être une route commerciale et un espace géoéconomique important, est aussi un pôle de développement. Dans ce contexte, il convient de rappeler que la projection sud-américaine, surtout brésilienne, vers l’Afrique et l’Asie est suivie par celle de la Chine et de l’Inde vers l’Afrique et l’Amérique du Sud », expliquent les experts du Policy Center.

L’Afrique de l’Est, pourquoi pas ?

« Le Maroc, aujourd’hui, doit penser à aller vers d’autres marchés. Le projet de la Zlecaf, par exemple, peut être une lucarne idéale pour investir dans d’autres régions du continent », explique l’économiste Mehdi El Fakir. Ce constat a été partagé par l’économiste Hicham Alaoui. Pour l’économiste, le Maroc doit saisir la lucarne de la Zlecaf pour aller à la rencontre des régions africaines où il n’est pas encore présent afin d’y exporter son expertise. Il précise par contre que : « Le Maroc n’a pas attendu la ZLECAF pour exporter son savoir-faire sur le continent. Aujourd’hui, le Maroc doit poursuivre son élan et penser une diplomatie économique qui doit anticiper les freins de la ZLECAF. Face aux défis économiques et juridiques, il faut construire la ZLECAF par région », alerte l’économiste. En Afrique de l’Est, un pays comme le Rwanda peut être un allié stratégique du Maroc. C’était en octobre 2021 que le ministre des Affaires Étrangères, de la Coopération Africaine et des Marocains Résidant à l’Étranger, M. Nasser Bourita, avait été reçu en audience par SE Paul Kagame, Président de la République du Rwanda. L’enjeu de cette rencontre était, bien entendu, le développement de la coopération.

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Selon l’Amsex, à ce jour, le Maroc exporte principalement des conserves de sardines au Rwanda. Mais il y a énormément de potentiel non exploité, particulièrement en ce qui concerne le phosphate d’ammonium que le Royaume n’exporte pas pour l’instant et dont le potentiel d’exportation peut atteindre les 2,1 millions de dollars. Et aujourd’hui, au travers du chantier de la ZLECAF, ce rapprochement est d’autant plus crucial. « D’entrée, il faut dire que le Maroc et le Rwanda sont des acteurs très actifs dans la recomposition de l’Afrique », explique l’économiste Driss Aissaoui. Et de préciser que : “Dans ce pays, tout a été fait au niveau de la jeunesse pour aller vers cette nouvelle Afrique. Cette nouvelle Afrique à laquelle Sa Majesté, que Dieu l’assiste, avait appelé. Il a dit une chose qui est restée gravée dans les mémoires collectives : l’Afrique n’a besoin que de l’Afrique. » Pour l’économiste Mehdi Fakkir, à la lumière du positionnement stratégique du Rwanda et surtout sa stabilité dans cette région, souvent encline à des troubles, le Maroc doit renforcer davantage sa coopération avec le Rwanda.

Un pays très attractif…

Depuis 2022, le nombre d’entreprises françaises qui y sont présentes a quasiment doublé, passant de 25 à 45. Parmi les principaux groupes français actifs au Rwanda figurent TotalEnergies et Duval. L’autre partenaire clé du pays demeure le Qatar, qui est désormais propriétaire à 60 % du futur aéroport de Bugesera, qui sera mis en service en 2026. Le tourisme haut de gamme est aussi un autre volet, directement piloté par Visit Rwanda, sur lequel le pays a fortement misé et qui lui permet d’engranger d’importantes recettes. Avec une offre de complexes hôteliers de luxe et de safaris « exclusifs », le tourisme représente aujourd’hui 10 % du PIB, soit 620 millions de dollars de revenus générés, ayant accueilli plus de 1,48 million de visiteurs en 2023. Par ailleurs, avec sa Holding Crystal Ventures, le Rwanda, dans la région des Grands Lacs, a pu asseoir un véritable empire. En Centrafrique, au Mozambique, où Paul Kagame déploie son armée, mais aussi en République du Congo ou encore au Zimbabwe, elle investit dans des mines de diamants et de graphite, des usines de jus de fruits ou propose des services de sécurité…

 
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