Comment protéger les professionnels marocains contre le « dragon » Airbnb ?
En Europe, dans certains pays, les propriétaires de maisons préfèrent louer sur de courtes durées pour générer beaucoup de gains. En France, en Italie, en Espagne, se loger est un luxe. Au Maroc, à la veille du Mondial 2020, certaines voix appellent à ce que l’État permette la location par les particuliers…
Aujourd’hui, en Europe, la crise du logement a pris une dimension sévère. Dans plusieurs grandes villes européennes et même occidentales, la plateforme Airbnb est à la base de l’amplification de la crise du logement. Fondée en 2008, la plateforme de réservations s’est développée sur une idée simple : puisque le marché hôtelier est saturé dans certains lieux et inexistant dans d’autres, utilisons les chambres et logements laissés vacants par leurs propriétaires. La formule Airbnb est désormais présente dans plus de 220 pays et plus de 100 000 villes.
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Avec la prolifération de l’offre et surtout les enjeux de rente que cela représente pour les heureux propriétaires, dans plusieurs villes, il est difficile de se loger aujourd’hui en Europe. À Barcelone (Espagne), où des manifestations ont éclaté dès 2014 contre le surtourisme, les locaux sont poussés à vivre en périphérie. En Italie, 1 000 à 1 500 Vénitiens seraient contraints chaque année de quitter leur ville pour s’installer sur la terre ferme.
Récemment, en réponse, l’Europe a décidé d’entrer en guerre contre la plateforme. Pour remédier à la pénurie de l’offre locative de longue durée, Barcelone a ainsi décidé d’interdire la location de 10 000 logements sur Airbnb d’ici 2029. À Londres, les locations Airbnb sont limitées à 90 nuitées par an pour les logements entiers, situés dans la capitale et dans sa proche périphérie. En Italie, alors que les villes de Rome, Florence et Milan limitent les locations de type Airbnb dans leurs centres historiques, le gouvernement, lui, souhaite légiférer au niveau national pour réglementer les locations touristiques à court terme.
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Un projet de loi a ainsi été publié l’an dernier et impose une durée minimale de deux nuitées dans les villes à haute densité touristique, ainsi qu’un code d’identification national pour les différents types d’établissements d’hébergement de courte durée. Ces décisions ont été prises à la lumière de conséquences réelles : selon la Commission européenne, le sans-abrisme a considérablement augmenté dans toute l’Europe au cours de la dernière décennie.
Maroc : comment prévenir la crise ?
Ces dernières années, le Maroc a fait du tourisme un levier de son économie ; et surtout à la veille du Mondial 2030, les ambitions dans ce secteur sont grandes. En chiffres, le Maroc compte accueillir les 26 millions de touristes prévus d’ici 2030. Bien qu’étant louable pour l’économie, la stratégie du “tout touristique” peut provoquer à l’avenir une véritable crise du logement.
Car, comme en Europe, une grande partie de l’activité sera captée par les plateformes Airbnb, ou encore les propriétaires de locations alternatives s’adonneront à des pratiques spéculatives au fil du temps. Il faut d’ailleurs rappeler que, pour le moment, les Airbnb se pratiquent par seulement une petite niche, une niche d’ailleurs sous l’œil vigilant des autorités.
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Même si, pour l’heure, les autorités, à travers le fisc, surveillent ce secteur, il doit cependant y avoir une régulation spécifique à la lumière des externalités négatives qui peuvent découler de l’activité. Selon les données de la plateforme au Maroc, les Marocains louant leurs biens via Airbnb touchent en moyenne 1 200 dollars par an.
« Airbnb est une formule qui arrange tout le monde, lorsqu’elle est encadrée. Ce n’est pas parce que les hôteliers disent que c’est une concurrence déloyale que cela est vrai. Chacun a sa clientèle. Ce qui manque, comme je l’ai dit plus haut, c’est l’encadré juridique qui régit l’activité », explique Amal Karioun, président de la Fédération nationale des agences de voyages. Et d’ajouter : « Et pour répondre directement à la question : oui, l’État doit encadrer cette offre et sévir contre les personnes qui ne respectent pas la législation. Mais attention, il ne faut pas que nous tombions dans la situation inverse et que nous favorisions le surtourisme. »
De son côté, l’expert en politique touristique Zoubir Bouhoute estime qu’au Maroc, la niche de la location alternative est très réduite. « En chiffres, au Maroc, même si on a près de 4 000 hôtels face à 13 000 logements particuliers, le rapport entre les deux offres est assez éloigné. L’offre hôtelière cumule près de 150 000 chambres. Ceci étant, je pense que le Maroc doit opter pour une approche d’ouverture et de contrôle. Je rappelle que la loi sur les locations alternatives est en cours de traitement. »