Développement et perspectives de l’intelligence artificielle au Maroc : ce qu’en pense le CESE
En juin 2024, le Conseil Économique, Social et Environnemental (CESE) a publié son avis intitulé « Quels usages et quelles perspectives de développement de l’intelligence artificielle (IA) au Maroc ? ».
Adopté à l’unanimité, ce rapport met en lumière les opportunités, les défis et les recommandations stratégiques pour promouvoir un développement harmonieux et inclusif de l’IA dans le pays. Avec un potentiel de transformation économique et sociale, l’IA est reconnue comme un levier essentiel pour la croissance du Maroc. Cependant, son intégration nécessite une vision claire et des efforts coordonnés.
L’IA joue un rôle clé dans la modernisation des secteurs essentiels tels que la santé, l’éducation et l’agriculture, permettant une meilleure automatisation et l’analyse prédictive, ainsi que les services publics en simplifiant les démarches administratives et en optimisant la gestion des ressources.
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Selon des études internationales, l’IA pourrait augmenter le PIB mondial de 14 % d’ici 2030, et le Maroc peut capter une partie de ce potentiel en intégrant cette technologie dans ses processus productifs.
Initiatives marocaines prometteuses
Le Maroc a fait ses premiers pas dans l’écosystème de l’IA avec des initiatives marquantes, notamment l’AI Movement de l’Université Mohammed VI Polytechnique (UM6P), un centre d’excellence reconnu par l’UNESCO ; le programme Al Khawarizmi qui a déjà financé 45 projets de recherche en IA. Sur la scène internationale, le Maroc soutient l’IA éthique et a adopté les recommandations de l’UNESCO sur l’usage responsable de cette technologie.
Perspectives économiques et sociétales
L’IA peut révolutionner les secteurs productifs grâce à l’automatisation et l’innovation en contribuant à l’amélioration des produits et des services, et grâce au support apporté aux startups, favorisant ainsi l’émergence d’entreprises innovantes, capables de développer des solutions exportables.
Défis entravant le développement de l’IA
Malgré son potentiel, l’écosystème marocain de l’IA fait face à plusieurs défis : un cadre réglementaire insuffisant, car bien que des lois sur la protection des données et la cybersécurité existent, elles ne répondent pas entièrement aux spécificités de l’IA. De plus, les données publiques, essentielles pour alimenter les algorithmes, restent en grande partie non libérées, malgré la loi 31-13 sur l’accès à l’information ; la pénurie de compétences, le manque de talents qualifiés freinant le développement de l’IA. L’absence de coordination entre la recherche et les besoins industriels limite par ailleurs l’impact des initiatives existantes ; l’accès limité au financement, les startups en IA, souvent de taille modeste et orientées vers la recherche, ayant de la peine à répondre aux critères d’éligibilité des dispositifs d’investissement. Le financement est également insuffisant pour les phases de croissance comme les pré-séries A et séries A ; et les risques éthiques et sociaux, l’IA soulevant des préoccupations liées à la protection des données personnelles et l’impact sur l’emploi avec des métiers menacés par l’automatisation. Une régulation proactive est, à ce titre, essentielle pour garantir une utilisation équitable et sécurisée.
Recommandations clés du CESE
Pour bâtir un écosystème IA compétitif, inclusif et éthique, le CESE propose plusieurs actions, en l’occurrence : de réviser la loi 09-08 sur la protection des données pour intégrer les spécificités de l’IA ; développer un cadre réglementaire dédié à l’IA, en s’inspirant de l’AI Act européen, pour encadrer l’utilisation éthique et responsable des systèmes d’IA ; mandater une entité nationale pour piloter la stratégie IA, avec une approche multipartite incluant l’État, les entreprises et la société civile ; intégrer l’IA dans les programmes éducatifs dès le secondaire ; renforcer les formations universitaires spécialisées et les programmes de reconversion professionnelle pour accompagner la transition numérique ; accélérer la mise à disposition des données publiques (open data) pour favoriser l’innovation ; promouvoir des données fiables et interopérables, essentielles pour le développement d’applications IA ; Créer un fonds public-privé dédié pour financer les startups en IA et couvrir toutes les phases de développement, y compris les séries A ; proposer des incitations fiscales pour les PME et TPE adoptant ou développant des solutions IA ; concentrer les efforts sur 3 secteurs stratégiques : santé, éducation et agriculture. Ces domaines prioritaires pourraient bénéficier de centres d’excellence régionaux pour mutualiser les ressources ; aligner les pratiques nationales sur les normes internationales pour garantir une utilisation responsable de l’IA et enfin ; encourager une sensibilisation nationale aux risques et opportunités de l’IA, notamment par des campagnes éducatives.
Perception et priorités
Selon le rapport, les secteurs jugés les plus susceptibles de bénéficier de l’IA incluent : l’éducation (80,6%), les services publics (70,7%), la santé (65,7%), et l’industrie (67,5%).
Bien que beaucoup reconnaissent le potentiel de l’IA pour améliorer le quotidien, une part importante perçoit l’IA comme une menace pour l’humanité, notamment en raison de ses implications sur l’emploi et la vie privée.
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Les participants à la consultation citoyenne du CESE ont recommandé le renforcement du cadre éthique ; les meilleures sensibilisation et éducation sur les bénéfices et risques de l’IA ; et le soutien accru à la recherche et l’innovation, ainsi qu’une amélioration des infrastructures numériques.
Pour un écosystème IA performant et inclusif
Le Maroc dispose d’un potentiel significatif pour devenir un acteur régional majeur de l’intelligence artificielle. Toutefois, ce positionnement ne sera réalisable qu’avec une stratégie nationale claire, axée sur la gouvernance, le financement, la formation et la libération des données. En mettant en œuvre les recommandations du CESE, le Maroc pourrait non seulement tirer parti des avantages économiques et sociaux de l’IA, mais aussi s’assurer que cette révolution technologique se fasse de manière éthique et équitable, au service de tous les citoyens.