Eau

La Cour des comptes épingle les lacunes en matière de gestion hydrique au Maroc

La Cour des comptes, dans son dernier rapport annuel, a mis en lumière les défis majeurs auxquels le Maroc est confronté dans le secteur de l’eau.

Entre stress hydrique croissant, changements climatiques et retards dans la mise en œuvre des grands chantiers hydriques, la Cour plaide pour une rationalisation stratégique des ressources disponibles et des efforts concertés pour atteindre les objectifs fixés.

Une situation préoccupante

Face aux effets combinés de la sécheresse persistante et du changement climatique, le Programme national d’approvisionnement en eau potable et d’irrigation (PNAEPI) pour la période 2020-2027 a été lancé avec un budget initial de 115 milliards de dirhams (MMDH), porté par la suite à 143 MMDH pour répondre aux besoins croissants en eau.

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Ce programme ambitieux vise à augmenter l’offre hydrique par la construction de barrages et le dessalement de l’eau de mer ; à renforcer l’approvisionnement en eau potable, notamment en milieu rural ; à optimiser la gestion de la demande par l’irrigation localisée et la modernisation des réseaux ; et à valoriser les ressources non conventionnelles par la réutilisation des eaux usées et la collecte des eaux pluviales.

Progrès et retards

Malgré les avancées notables dans le développement des infrastructures hydriques, les retards enregistrés dans certains projets clés et les défis persistants en matière de gestion des ressources limitent l’efficacité globale des efforts engagés pour répondre au stress hydrique. Ces retards, combinés à des problématiques structurelles, nécessitent des actions renforcées pour garantir l’atteinte des objectifs fixés.

Construction des barrages : le PNAEPI prévoit la construction de 21 grands barrages et 330 petits barrages pour augmenter la capacité de stockage nationale. Depuis 2020, la capacité de stockage a progressé, passant de 18,7 milliards de m³ à 20,7 milliards de m³ fin 2023, avec une prévision de 24 milliards de m³ d’ici 2027. Cependant, plusieurs projets, comme les barrages M’dez (Sefrou) et Targa Ou Madi (Guercif), ont accusé des retards en raison de résiliations de marchés, nécessitant le lancement de nouveaux contrats d’achèvement.

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Irrigation localisée : la superficie équipée en irrigation localisée a atteint 794 000 hectares en 2023, soit 50 % des terres irriguées, contre seulement 9 % en 2008. Toutefois, malgré ces efforts, la demande en eau agricole reste élevée en raison de la surexploitation des nappes phréatiques, accentuant le déficit en ressources hydriques.

Dessalement de l’eau de mer : pour répondre au déficit hydrique, le Maroc a misé sur le dessalement. Le nombre de stations de dessalement est passé de 8 à 15 entre 2020 et 2024, portant la capacité de production annuelle de 46 à 192 millions de m³. Six autres stations, dont celle de Casablanca (d’une capacité de 300 millions de m³/an), sont en cours de réalisation pour atteindre une production totale de 438,3 millions de m³/an d’ici 2027.

Réutilisation des eaux usées : bien que le volume des eaux usées réutilisées ait progressé pour atteindre 37 millions de m³ en 2023, cet usage demeure principalement limité à l’industrie et à l’arrosage des espaces verts. La réutilisation agricole reste quasi inexistante en raison de l’absence d’un cadre institutionnel et juridique clair pour réguler le partage des coûts et définir les normes de qualité.

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L’interconnexion des bassins hydrauliques : l’achèvement de l’interconnexion entre les bassins de Sebou et de Bouregreg en août 2023, avec un budget de 6 MMDH, marque une avancée majeure. Ce projet fait partie d’une stratégie plus large visant à connecter les bassins Sebou, Bouregreg et Oum Er-Rbia. D’autres projets, comme l’interconnexion des barrages Oued El Makhazine et Dar Khrofa, sont en cours pour sécuriser l’approvisionnement du Grand Tanger et irriguer une surface de 21 000 hectares.
Recommandations de la Cour des comptes

Pour garantir l’efficacité et la pérennité de la politique de l’eau, la Cour des comptes formule plusieurs recommandations :

Renforcer la gestion intégrée des ressources en eau afin de préserver les réserves stratégiques en eaux souterraines ; et encourager les solutions non conventionnelles comme le dessalement, la réutilisation des eaux usées et la collecte des eaux pluviales.

Accélérer la réalisation des projets prioritaires afin de finaliser les projets de barrages et d’interconnexion des bassins hydrauliques ; de réduire les pertes dans les réseaux de transport et de distribution de l’eau ; et de protéger les barrages contre l’envasement pour maintenir leur capacité de stockage.

Mobiliser les financements nécessaires, le ministère de l’Économie et des Finances étant invité à assurer les financements adéquats pour mener à bien les programmes hydriques et répondre aux défis climatiques et économiques.

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Accélérer les programmes d’irrigation localisée, le ministère de l’Agriculture devant intensifier ses efforts pour moderniser les systèmes d’irrigation et stabiliser la demande en eau agricole.

Créer des synergies intersectorielles, les ministères de l’Intérieur, de l’Équipement, de l’Agriculture et de la Transition énergétique devant développer des synergies entre les secteurs eau, énergie et agriculture pour une gestion plus efficace et intégrée des ressources.

A l’épreuve des défis climatiques

La réduction des retards, l’accélération des projets de dessalement et d’interconnexion, ainsi que la gestion durable des nappes phréatiques sont des préalables essentiels pour relever les défis posés par le stress hydrique. À l’heure où les effets du changement climatique s’intensifient, la rationalisation et l’optimisation des ressources en eau s’imposent comme un impératif.

Il faut souligner que le rapport de la Cour des comptes souligne que la réalisation de ces objectifs nécessite une vision stratégique claire, une mobilisation continue des financements, et un engagement ferme des acteurs concernés.

 
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