Pourquoi la Mauritanie finira par rejoindre le Maroc
La position actuelle de la Mauritanie dans le cadre de tension créée par l’Algérie autour de la question du Sahara marocain est marquée par une neutralité officiellement proclamée, mais de plus en plus mise à l’épreuve. Cette posture soulève des questions quant à sa soutenabilité à terme.
La neutralité mauritanienne commence à perdre ses raisons d’être dans un contexte où la géopolitique régionale est en pleine mutation, notamment sous l’effet de l’offensive diplomatique et économique marocaine. Une offensive soutenue par des partenaires stratégiques tels que les Émirats arabes unis.
Par ailleurs, et pas plus tard que ce 6 janvier 2025, le président français Emmanuel Macron, soutenait, lors d’une allocution devant les ambassadeurs, qu’“un des temps importants de ces derniers mois a été ce que nous avons réussi à bâtir avec Sa Majesté le roi Mohammed VI lors de la visite d’Etat », notamment, le rôle du Maroc en tant que partenaire clé pour une nouvelle approche du continent africain, un Maroc qui est désormais « un des relais pour une approche africaine réinventée. »
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Une posture fragile
Depuis l’accord de paix signé en 1979 avec le Front Polisario, la Mauritanie s’efforce de maintenir une neutralité de principe dans la question du Sahara marocain. Toutefois, cette neutralité est confrontée à des pressions grandissantes. Le Maroc, fort de son projet d’autonomie pour le Sahara et de son alignement avec des puissances internationales telles que les États-Unis et l’Union européenne, accentue son attractivité géopolitique. En parallèle, l’Algérie reste fidèle à son soutien au Polisario, s’appuyant sur des moyens financiers et militaires pour influencer ses voisins, bien que cette stratégie soit devenue inopérante et en plein essoufflement.
Pour la Mauritanie, rester neutre devient de plus en plus complexe face aux opportunités économiques offertes par le Maroc et ses partenaires, comme le projet Atlantique, en partie financé par les Émirats, et aux risques de déstabilisation que pourrait engendrer un changement d’alignement.
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L’attractivité économique du Maroc
Le Maroc mène une offensive diplomatique et économique qui trouve un écho favorable auprès de l’intelligentsia et des acteurs économiques mauritaniens. L’intégration régionale proposée par Rabat repose sur des projets concrets qui visent à renforcer les infrastructures, les échanges commerciaux et les partenariats stratégiques. La rencontre tripartite récente entre Sa Majesté le Roi Mohammed VI, l’Émir des Émirats arabes unis, et le président mauritanien Mohamed Ould Ghazouani symbolise un rapprochement et une volonté d’aller de l’avant. Cette dynamique, soutenue par des investissements émiratis, place la Mauritanie devant une opportunité de développement porteuse de grandes promesses de prospérité partagée, qui contraste avec le modèle algérien axé, lui, sur une politique de division et de soutien à des entités non étatiques.
En outre, l’alignement des grandes puissances sur le projet d’autonomie pour le Sahara marocain souligne un mouvement global en faveur de la stabilité et de l’intégration régionale, renforçant ainsi la crédibilité du Maroc comme partenaire stratégique.
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Les freins mauritaniens : risques et calculs
La Mauritanie, malgré le caractère hautement attractif de ces opportunités économiques, conserve une certaine prudence qui va s’amenuisant, mais une prudence tout de même que justifie la crainte des représailles algériennes avec une Algérie confrontée à des défis internes, qui conserve une capacité de nuisance dans la région, notamment par des pressions économiques ou des actions de déstabilisation. Il ne faut pas oublier que la proximité géographique et la dépendance historique de la Mauritanie à l’égard de l’Algérie en matière de sécurité expliquent en partie cette prudence.
Cette prudence est aussi motivée par la volonté de Nouakchott de ne pas s’aliéner le Polisario, dont la présence dans des zones proches de la Mauritanie crée un facteur de tension. Dès lors, un rapprochement trop marqué avec le Maroc pourrait inciter cette entité à mener des manœuvres dans les territoires frontaliers.
Elle pourrait également être motivée par une volonté mauritanienne de tirer profit de la rivalité maroco-algérienne en négociant des avantages des deux côtés. Cependant, cette stratégie d’équilibre devient difficile à maintenir face à la dynamique proactive du Maroc. Cela surtout que l’Algérie ne propose rien d’autre qu’un projet commun de repli sur soi, alors que le Maroc propose d’associer la Mauritanie à un projet d’avenir ouvert sur toute la région et sur le monde.
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Une intelligentsia consciente de l’intérêt mauritanien
Au-delà des calculs politiques, l’intelligentsia mauritanienne semble de plus en plus convaincue que l’avenir du pays est étroitement lié à celui du Maroc. La presse et les médias mauritaniens soulignent fréquemment les opportunités économiques et stratégiques offertes par une alliance renforcée avec Rabat, tout en critiquant l’approche idéologique et archaïque de l’Algérie. Cette prise de conscience reflète un désir de pragmatisme dans les relations internationales, où la coopération et le développement priment sur les rivalités héritées du passé.
Vers un tournant dans la politique mauritanienne ?
La neutralité mauritanienne semble de plus en plus éprouvée, et pour cause. Le Maroc a démontré la durabilité de son modèle de partenariat économique. Il a démontré également que le processus d’alignement international en faveur du projet d’autonomie va se poursuivre. Quant à la gestion des tensions avec l’Algérie, qui indispose tant les Mauritaniens, le Maroc est en mesure de l’assumer.
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Pour peu que la Mauritanie arrive à évaluer les bénéfices concrets d’un rapprochement avec le Maroc, notamment en matière de développement des infrastructures, d’accès aux marchés internationaux et de renforcement de la stabilité régionale, la première chose à pâtir de cette évaluation, c’est la neutralité.
Dans un contexte où le Maghreb est appelé à dépasser les divisions pour construire un socle économique complémentaire et solidaire, la Mauritanie pourrait jouer un rôle central en favorisant une dynamique de coopération. Pour cela, un rapprochement stratégique avec le Maroc semble une voie prometteuse. Cependant, ce choix nécessite de savoir placer sa confiance dans un partenaire fiable et solide comme le Maroc, et un courage politique pour surmonter les pressions et les défis immédiats.