Farid Mezouar : «Les secteurs liés au Mondial 2030 ont été les grands gagnants en 2024 à la Bourse de Casablanca»
2024 a été une année exceptionnelle pour le marché boursier marocain. Après une hausse de 12,8% en 2023, peu de prévisionnistes s’attendaient à ce que le MASI atteigne 22,16 % de progression, battant même son record historique. Dans cette interview, Farid Mezouar nous livre son analyse de cette performance impressionnante et nous éclaire sur les perspectives pour 2025 dans un contexte mondial incertain.
Challenge : Comment expliquez-vous la performance impressionnante en 2024 de la Bourse de Casablanca qui semble contrer les incertitudes économiques mondiales et qui reflète un regain de confiance parmi les investisseurs ?
Farid Mezouar : Le MASI a clôturé 2024 sur une performance annuelle à 22,16%. Ainsi, comme nous l’avons diagnostiqué, les actions marocaines ont tenu leurs promesses en 2024 surtout que le MASI a pu battre son record historique, en franchissant les 15.000 points en intraday. En 2024, le marché boursier a bénéficié d’éléments fondamentaux solides grâce à une baisse significative des taux obligataires (ex: plus de 70 pbs pour les 5 ans) dans le sillage de la désinflation et de la diminution de 50 pbs des taux directeurs de BAM. En particulier, l’inflation ressortirait au terme de l’année 2024 à 1% en moyenne, au lieu de 6,1% en 2023. Aussi, le MASI a bénéficié de l’annonce d’une masse bénéficiaire en hausse de 19% en S1. De même, les revenus des 9 premiers mois de 2024 ont affiché une hausse de 4,5% (+7% hors ajustement des prix de Taqa et de Lesieur). Cette hausse des revenus est à appréhender dans un contexte désinflationniste, potentiellement favorable aux marges.
Lire aussi | Terrorisme et Mondial 2030 au menu d’entretiens entre Hammouchi et le Commissaire général d’information espagnol
Challenge : Le 20 novembre 2024, le Masi a franchi un cap symbolique en battant son record historique de 2008, atteignant 15.049 points. Au-delà de l’aspect technique, quel message voyez-vous derrière cette réalisation ?
F.M : Il a fallu près de 16 ans au MASI pour retrouver son niveau de 2008, ce qui écarte l’hypothèse d’une bulle boursière. En effet, entre-temps, l’économie marocaine a connu plusieurs mutations positives. De plus, la Coupe du Monde 2030 ne sera pas seulement une compétition sportive, mais également une opportunité unique pour accélérer la dynamique de croissance de l’économie nationale au cours des prochaines années, créer davantage d’opportunités d’emploi et permettre de développer l’attractivité touristique du pays.
Challenge : Cette dynamique haussière peut-elle se poursuivre en 2025, selon vous ?
F.M : Tout à fait, le franchissement du record historique absolu, laisse clairement envisager une poursuite du retracement avec un nouvel objectif de 16.480 points. Ce scénario est étayé par les éléments fondamentaux comme la poursuite de la baisse des taux ou la hausse des bénéfices à annoncer en mars 2025. Aussi, la manne des dépôts issus de l’amnistie fiscale, pourrait être un stimulus inattendu pour les actions.
Challenge : En 2024, certains secteurs, comme l’immobilier (+222,35 %) et la santé (+112,1 %), ont fortement progressé, tandis que d’autres, tels que les télécommunications (-17,99 %), l’industrie pharmaceutique (-3,02 %) et les matériels et services informatiques (-0,94 %), ont reculé. Quelle analyse en faites-vous ?
F.M : La thématique d’investissement a porté sur les secteurs qui devraient profiter de l’organisation du Mondial et/ou de certains programmes publics d’aide directe. Ainsi, les secteurs plus traditionnels ont été moins prisés. De plus, des évènements externes ont pénalisé certaines grandes capitalisations comme IAM avec la condamnation judiciaire.
Lire aussi | Bourse de Casablanca: le MASI à un plus haut historique
Challenge : Cinq sociétés cotées à la Bourse de Casablanca ont procédé à des augmentations de capital en 2024. Quelle interprétation donnez-vous à cette tendance ?
F.M : La hausse des cours et son corollaire de bons ratios de valorisation, encouragent les émetteurs à lever des fonds. Surtout, certaines sociétés ont entamé des programmes assez ambitieux de croissance. De même, ces augmentations de capital ont dynamisé les cours boursiers, ce qui a encouragé les petits porteurs à y participer.
Challenge : L’année 2024 a également vu un retour massif des investisseurs particuliers, avec une multiplication par 4,8 de leurs transactions. L’introduction en bourse de CMGP Group, avec une demande 37 fois supérieure à l’offre, en est un exemple frappant. Qu’est-ce qui explique cet engouement pour les investisseurs particuliers ?
F.M : Avec la baisse des taux, les boursicoteurs n’avaient pas trop le choix en matière d’investissements. Aussi, la réussite des offres publiques a encouragé les personnes physiques à constituer des portefeuilles, notamment en réinvestissant les gains obtenus. En effet, historiquement, les OPV réussies sont le meilleur produit d’appel pour les petits porteurs.
Challenge : Depuis 2020, la Bourse de Casablanca a enregistré six introductions en bourse : Aradei Capital (2020), TGCC (2021), Disty Technologies (2022), Akdital (2022), CFG Bank (2023) et CMGP Group (2024). Peut-on envisager un retour en force des IPO cette année ?
F.M : Comme pour les augmentations de capital, le timing est idéal pour les IPO grâce aux bons ratios de valorisation et l’appétit des petits porteurs pour ces opérations. Toutefois, malgré la programmation de certaines opérations pour 2025, la prudence s’impose car l’habitude fait que les émetteurs n’annoncent leurs IPO qu’après l’obtention du Visa de l’AMMC.