Compétitivité industrielle

Comment le textile marocain peut tirer profit de l’accord de libre-échange Inde-UE

L’exonération imminente des droits de douane pour les textiles indiens sur le marché européen, dans le cadre des négociations d’un accord de libre-échange entre l’Inde et l’Union européenne (UE), représente un tournant décisif pour le secteur textile mondial. Ce contexte incite les acteurs marocains du textile à réévaluer leurs stratégies pour s’adapter.

Loin d’être une menace insurmontable, cette situation offre une opportunité unique pour le Maroc de se repositionner en exploitant ses avantages compétitifs et sa proximité géographique avec l’Europe.

Une pression croissante sur le textile marocain

Le secteur textile marocain, qui se classe au huitième rang des fournisseurs de l’UE, a traversé, en 2023, une période de vulnérabilité. Ses exportations vers l’Europe ont enregistré une baisse de 14,2%, atteignant 2,55 milliards d’euros. Cette diminution s’explique par une contraction de la consommation européenne, elle-même impactée par l’inflation et d’autres facteurs économiques. Dans ce contexte, l’arrivée des textiles indiens, soutenus par des coûts compétitifs, pourrait intensifier la pression sur les acteurs marocains.

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Cependant, selon Anass El Ansari, président de l’Association marocaine des industries textiles et de l’habillement (AMITH), « c’est là une opportunité, car le Maroc est très bien coté dans le monde en matière d’aval textile ». Ce constat traduit une résilience et une capacité d’adaptation du secteur marocain, qui dispose d’un savoir-faire reconnu et d’une position stratégique au carrefour des échanges commerciaux internationaux.

La durabilité comme levier stratégique

Face aux nouvelles exigences européennes, notamment la mise en place, en 2026, de la taxe carbone, le Maroc peut capitaliser sur sa proximité géographique et sa capacité à répondre aux normes environnementales renforcées. Cette situation pousse de grandes nations textiles comme la Chine, l’Inde, le Bangladesh et la Turquie à envisager des redéploiements vers le Maroc, afin de maintenir leur compétitivité sur le marché européen.

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« L’arrivée en 2026 de la taxe carbone européenne pousse ces industries à courtiser le Maroc en vue de s’y redéployer, à travers l’activité aval, vers l’Europe », explique cet expert du secteur. Cette taxe, combinée aux attentes croissantes des consommateurs européens en matière de durabilité, offre au Maroc une occasion de se positionner comme un fournisseur écoresponsable.

Les efforts marocains en faveur d’une production durable ne sont pas négligeables. Ils incluent des investissements dans les énergies renouvelables pour alimenter les usines, la réduction de l’utilisation d’eau dans les processus de teinture et le recyclage des matériaux textiles. Ces initiatives non seulement répondent aux attentes des marchés internationaux, mais bénéficient également du soutien institutionnel de l’UE.

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Une opportunité d’intégration triangulaire

Pour certains experts, l’exonération des textiles indiens pourrait être transformée en opportunité grâce à un modèle d’intégration triangulaire. En collaborant avec l’Inde et l’Union européenne, le Maroc pourrait importer des tissus indiens à bas coût pour les transformer localement avant de les exporter vers le marché européen. Cette stratégie s’inspire de précédents accords conclus avec des pays comme la Turquie.

Ce modèle est d’autant plus pertinent que le secteur marocain continue d’attirer des investisseurs internationaux. « L’année 2025 sera l’année du textile au Maroc, car de plus en plus d’opérateurs s’installent, sachant ce que cela représente comme enjeu pour l’avenir de leurs parts de marché en Europe et aux Amériques », affirme Anass El Ansari. La visite récente d’une délégation indienne au siège de l’AMITH, “pour inviter l’association à participer à leur salon international du textile en février, illustre également l’importance stratégique que l’Inde accorde à un partenariat avec le Maroc”.

Saisir l’élan de la durabilité

Pour tirer parti de cette nouvelle donne, une collaboration accrue entre les pouvoirs publics et les industriels est essentielle pour accélérer la transition énergétique et favoriser les investissements verts. Par ailleurs, la diversification des débouchés au-delà de l’Europe, notamment en Afrique et en Amérique du Nord, devrait être une priorité.

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Anass El Ansari souligne les priorités immédiates : « Relancer l’investissement et créer de l’emploi », tout en insistant sur l’ambition à long terme de développer l’amont textile. Le Maroc dispose ainsi d’une occasion unique de transformer un défi en levier de modernisation et de croissance. En plaçant la durabilité et la compétitivité au cœur de sa stratégie, le secteur marocain peut s’imposer comme un acteur incontournable du textile mondial, tout en consolidant sa position sur le marché européen et au-delà.

 
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