Politique

Maroc-Espagne: Quand l’économie sert de bouclier contre les volte-face politiques [Vidéo]

La qualité des relations entre les Etats finit par déteindre sur l’économie. Ce paradigme s’applique parfaitement au Maroc et à l’Espagne. Au cours des dernières années, les deux voisins ont réussi à construire une telle interdépendance économique qu’il sera presque impossible pour quiconque de la remettre en question.

Les deux Royaumes sont devenus indispensables, pour l’un comme pour l’autre. La coopération sécuritaire, essentielle pour l’Espagne dans sa lutte contre les flux des clandestins et le terrorisme, et les rapports politiques sont au beau fixe. Mais là où les deux pays ont accompli les progrès les plus notables, ce sont les échanges commerciaux qui culminent à des niveaux historiques.

Par la force de la géographie et de l’histoire, Rabat et Madrid sont condamnés à travailler ensemble. Cependant, cela n’a pas toujours été le cas. Si l’action diplomatique au Maroc se distingue par sa constance, puisqu’elle relève du domaine réservé du Souverain, la politique extérieure en Espagne dépend des orientations du parti au pouvoir, voire des caprices de l’une de ses composantes.

La démarche disruptive de Pedro Sanchez

Cette ambivalence a souvent provoqué des crises diplomatiques entre les deux voisins, exacerbées parfois par les calculs électoralistes des formations politiques espagnoles. Le Maroc est un thème central à chaque cycle électoral dans le royaume ibérique, déchaînant les envolées les plus extrémistes chez les partis en mal de popularité, qu’ils soient de gauche (Podemos) ou de droite (Vox).

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Il a fallu l’arrivée au Palais de la Moncloa, siège du gouvernement espagnol, de Pedro Sanchez pour que les relations bilatérales connaissent un moment de rupture. Contre la volonté de ses alliés de la coalition de gauche, spécialement les radicaux de Podemos, le patron du PSOE (Parti socialiste ouvrier espagnol) et chef de gouvernement a inauguré, en mars 2022, une nouvelle ère dans les relations avec le Maroc.

Dans une lettre adressée à Sa Majesté le Roi Mohammed VI, Pedro Sanchez a exprimé son soutien au plan d’autonomie du Sahara et sa volonté de construire une « nouvelle relation » avec le Maroc. Cette démarche disruptive met un terme à des décennies de relations conflictuelles à cause des positions négatives des gouvernements espagnols successifs au sujet de la souveraine du Maroc sur ses provinces du Sud, d’autant que l’Espagne est l’ancienne force coloniale et connaît mieux que quiconque les vérités historiques de la région.

Le Maroc fait mieux que le Royaume-Uni et les Etats-Unis

 « Aujourd’hui, nous vivons le meilleur moment dans l’histoire des relations bilatérales », tranche le ministre espagnol des Affaires extérieure, José Manuel Albares, dans une interview diffusée, lundi, par la radio en ligne Onda Cero.

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Les échanges avec le Maroc « ont atteint des records et se rapprochent des 24 milliards d’euros, ce qui dépasse la relation commerciale de l’Espagne avec le Royaume-Uni ou les Etats-Unis», soutien M. Albares, l’un des fervents défenseurs du partenariat stratégique entre les deux pays.

L’Espagne confirme, ainsi, sa position de premier partenaire commercial du Maroc, avec un volume d’échanges en constante progression. Durant la profonde crise économique des années 2010 qui a mis l’Espagne à genoux, le Maroc a offert une bouffée d’oxygène à ses PME. Un bon nombre d’entre elles avaient délocalisé leurs activités dans le Royaume pour échapper à la faillite et s’assurer des débouchés vers le continent africain.

Quelques années plus tard, l’Espagne a eu l’occasion de renvoyer l’ascenseur, en approvisionnant le Maroc en quantités suffisantes de gaz via le pipeline Maghreb-Europe, suite à la décision de l’Algérie de suspendre ses livraisons vers ses voisins de l’Ouest. Grâce au mécanisme de l’inversion du flux, Madrid a fait montre d’une solidarité agissante envers son partenaire.

« Les liens entre les deux Royaumes reposent sur une coopération fructueuse et un dialogue permanent, fondés sur le respect mutuel et une feuille de route ambitieuse », a assuré l’ambassadeur du Maroc en Espagne, Mme Karima Benyaich, qui participait, vendredi 17 janvier à Madrid, à une conférence sur la situation et les perspectives de cette relation.

Complémentarité et prospérité mutuelle

Quelque 1.000 entreprises espagnoles sont présentes au Maroc, avec des investissements de 2 milliards d’euros générant environ 20.000 emplois dans des secteurs stratégiques. Au total, elles sont 20.000 entreprises espagnoles à avoir des échanges réguliers avec le Royaume.

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Les entreprises marocaines, dont des acteurs majeurs comme l’OCP, intensifient leurs investissements en Espagne, reflétant un dynamisme économique fondé sur la complémentarité et contribuant à la prospérité mutuelle des deux pays, a fait remarquer Mme Benyaich.

En 2024, le Maroc est devenu le principal fournisseur de produits horticoles pour l’Espagne. D’après des statistiques officielles, les producteurs marocains ont exporté des de fruits et légumes d’une valeur de 801 millions d’euros vers l’Espagne entre janvier et octobre, soit une hausse de 13 % par rapport en glissement annuel.

La dimension humaine en appoint

Si l’idylle économique poursuit sereinement son bonhomme de chemin, les rapports entre les deux pays prennent une dimension humaine bien prononcée, ce qui pourrait prévenir le réveil des démons du passé. L’année dernière, trois millions de ressortissants espagnols ont visité le Maroc, représentant une hausse de 16% en glissement annuel. De ce fait, l’Espagne est le deuxième marché émetteur de touristes vers le Royaume.

Cette évolution remarquable est rendue possible grâce la densification des échanges entre les deux pays, connectés par 260 vols hebdomadaires et 60 liaisons maritimes quotidiennes. Le plus symbolique de ces connexions est l’inauguration d’une route aérienne entre Madrid et Dakhla, le joyau du Sahara marocain.

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De l’autre côté de la Méditerranée, les Marocains occupent la première position parmi les étrangers inscrits à la sécurité sociale en Espagne pour l’année 2024. D’après les données du ministère de l’Intérieur, plus de 342.318 ressortissants marocains, sans compter les binationaux, y sont affiliés.

La perspective de la co-organisation de la Coupe du Monde 2030, avec le Portugal, place les relations bilatérales sous des auspices plus prometteurs. La densification des liens est à même d’épargner aux deux partenaires les accès de fièvre coutumiers à la veille de chaque cycle électoral en Espagne.

 
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