Afrique

Adesina, quel héritage à la BAD ?

C’est la fin du mandat du Nigérian Adesina à la tête de la BAD. 51,76 M$ d’investissement en Afrique. L’Afrique du Nord venant en 3e position a capté près de 17,6 % de ses investissements… Décryptage !

En mai 2025, la Banque Africaine de Développement (BAD) aura un nouveau Président. Aujourd’hui, le caractère hautement stratégique de la BAD suscite de nombreuses convoitises, chaque État membre cherchant à placer ses pions. L’élection qui approche sur fond voit donc émerger de nombreuses candidatures, poussées par des intérêts et des parcours variés. Celui ou celle qui remplacera le Nigérian Akinwumi Adesina décidera ainsi de projets déterminants pour l’avenir de l’Afrique. Après l’annonce, à la mi-mars, de la candidature du Tchadien Abbas Mahamat Tolli, ancien gouverneur de la Banque des États de l’Afrique centrale (BEAC), soutenu par la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (CEMAC) ainsi que par l’Angola et la RDC, d’autres personnalités africaines se sont annoncées. Dans les couloirs des différentes officines africaines, ces noms sont sur toutes les lèvres : Rabah Arezki, ancien chef économiste de la BAD ; Bajabulile Swazi Tshabalala, première vice-présidente de la BAD ; Amadou Hott, ancien ministre de l’Économie ; Mateus Magala, ancien vice-président chargé des ressources humaines et des services généraux de la BAD ; Hassatou Diop N’Sele, vice-présidente en charge des finances de la banque. En attendant, le passage de témoin, il y a lieu de revenir sur l’héritage du président Adesina qui, pour beaucoup d’observateurs, a transformé le visage de l’organisation panafricaine.

Lire aussi | Cinq candidats à la succession du Nigérian Adesina Akinwumi à la tête de la BAD

Marquant une décennie de transformations significatives pour le continent, sous sa direction, la BAD a mobilisé des ressources sans précédent, avec un capital passant à 201 milliards de dollars en 2019, renforçant ainsi sa capacité à financer des projets ambitieux à travers l’Afrique. Cette période a été marquée par des initiatives stratégiques visant à stimuler le développement économique et social, notamment la mise en place de l’Africa Investment Forum, qui a facilité la mobilisation de 35 milliards de dollars lors de sa dernière édition à Marrakech. L’impact des investissements de la BAD sous la houlette d’Adesina est palpable : 127 millions de personnes ont désormais accès à de meilleurs services de santé, 61 millions à l’eau potable, 46 millions aux technologies de l’information et de la communication, et 25 millions à l’électricité. L’Afrique du Nord, en particulier, a bénéficié de près de 17,6 % des 51,76 milliards de dollars investis sur le continent, se positionnant ainsi en troisième position parmi les régions bénéficiaires. Cette allocation stratégique des ressources a permis de soutenir des projets structurants, renforçant les infrastructures et stimulant la croissance économique dans des pays clés de la région.

Une présidence pas si calme au début…

Dès son élection à la tête de l’institution, le Nigérian a mis en place cinq objectifs stratégiques, les High 5. Malgré un parcours critiqué – des accusations de violations éthiques et statutaires ont émaillé sa réélection en 2020 – Akinwumi Adesina a, de fait, laissé son empreinte sur l’orientation des investissements de la BAD. En poursuivant ses cinq grandes priorités, dites « High 5 » que sont « Éclairer l’Afrique », « Industrialiser l’Afrique », « Intégrer l’Afrique », « Nourrir l’Afrique » et « Améliorer la qualité de vie des Africains », le président de la BAD a priorisé ces cinq piliers lors de ses deux mandats. Les différents rapports annuels de la BAD permettent de comparer la répartition de ces objectifs. Au total, ce sont près de 67 milliards de dollars qui ont été approuvés par la BAD entre 2016 et 2023. C’est l’amélioration de la qualité de vie des populations qui arrive en tête avec 35 % des fonds attribués, suivie de l’industrialisation (21 %) et de l’intégration (16 %).

Côté mapping des projets financés par la Banque africaine de développement entre 2016 et 2023, selon le rapport de la BAD, on constate que l’Afrique de l’Ouest (28 % des approbations) et l’Afrique de l’Est (22 % des approbations) concentrent la majeure partie de ces projets. Viennent ensuite l’Afrique du Nord (avec 18 % des approbations), suivie de l’Afrique australe (14 %) et enfin l’Afrique centrale (10 %).

Adesina, un ami du Maroc…

« Personnellement, j’aime venir à Tanger. Le port de Tanger est une infrastructure de classe mondiale. Il est entouré d’immenses zones industrielles qui alimentent l’économie du Maroc dans les domaines de l’électronique, de la construction automobile et de la fabrication de pièces d’avions Airbus. Tanger illustre ce qu’est le Maroc : un pays qui avance ! », avait déclaré le président de la BAD, lors de la 16e reconstitution du Fonds africain de développement (FAD) en décembre 2022 à Tanger. Selon l’économiste Mehdi Fakkir, « la banque a financé près de 170 opérations pour un montant de 11 milliards de dollars ». « Fort d’une coopération historique, le Maroc a toujours été un collaborateur clé de la Banque Africaine de Développement. » Et d’ajouter : « La BAD, dans son action, a accompagné le Maroc dans plusieurs projets de développement. » Entre autres, ces financements couvrent différents secteurs, dont l’énergie et les mines, l’eau, les transports, l’agriculture, le secteur financier, le développement social… ainsi que l’appui aux réformes majeures, notamment dans l’éducation et la santé. Et il faut préciser que 84 % des opérations de la banque sont dédiées aux infrastructures de base de différents secteurs, à savoir l’énergie, les transports, l’eau et assainissement, et notamment l’agriculture. La contribution de l’établissement est d’ailleurs omniprésente dans l’application du « Plan Maroc Vert », ce qui a permis d’attirer plus d’un milliard de dirhams d’investissements privés dans les contrats programmes filières. Dans le secteur des transports, la BAD a également contribué au financement des grands projets, comme celui de la modernisation de l’aéroport de Marrakech-Menara afin qu’il puisse désormais accueillir 3 millions de passagers supplémentaires pour un total annuel de 9 millions. Sans oublier le dédoublement des voies ferroviaires entre Marrakech et Casablanca. La BAD a aussi soutenu la modernisation et l’extension de l’aéroport Mohammed V de Casablanca. Dans le secteur de l’énergie, la success story du programme d’électrification rurale global (PERG) a bénéficié à près de 13 millions d’habitants. L’appui de la Banque a couvert près de 3 300 villages, soit environ 500 000 habitants qui ont été raccordés au réseau national d’électricité. En seulement 20 ans, ce projet a permis de porter le taux d’électrification en milieu rural à plus de 99 % en 2018, alors qu’il n’était que de 18 % en 1995. La Banque Africaine de Développement a aussi contribué au financement du complexe solaire Noor, qui a permis d’accroître la capacité de production de source solaire de 580 MW.

Lire aussi | Dr. Samuel Munzele Maimbo: «Mon engagement est de faire de la BAD l’institution catalytique du développement africain»

Par ailleurs, au-delà des infrastructures, la Banque est également intervenue dans le secteur social, en l’occurrence l’éducation et la santé, contribuant ainsi à l’amélioration des indicateurs de développement humain et, partant, à celle des conditions de vie de la population des zones les plus reculées. D’autre part, au-delà des faits illustrant la bonne santé de ce partenariat, il faut quand même rappeler que tout est fait pour entretenir ce climat. « Le lien entre le Maroc et la BAD est solide, continu et présente des perspectives toujours intéressantes. C’est un partenariat gagnant-gagnant. La banque fructifie ses ressources de manière sûre et rentable envers un pays dynamique. Lequel Maroc présente à financement des projets utiles, correspondant à la charte de cette banque, particulièrement dans les secteurs prioritaires au développement, dont les infrastructures, le social et le développement territorial », nous confie l’économiste Ahmed Azirar. Nous apprenons d’une source anonyme exerçant à la BAD que « le Maroc a toujours répondu présent à chaque fois qu’il a été sollicité par l’institution. Soit pour contribuer aux augmentations de capital, soit pour soutenir les stratégies et les visions qui sont élaborées par les différents présidents qui se sont succédé à la tête de l’institution ».

« Un organisme financier régional important »

Inscrit dans un développement tout azimut, le modèle marocain a de l’aura dans les cercles financiers. Pour l’économiste Azirar, « La BAD s’est avérée être un organisme financier régional important. Elle a certes connu des turbulences, qui semblent aujourd’hui dépassées. Elle agit dans toute l’Afrique, du nord au sud, avec émergence au top des économies dynamiques, dont le Maroc qui caracole au sommet depuis des années. L’intérêt à venir est de financer l’eau, les énergies, le capital humain, l’industrie et le digital, tant ces secteurs sont cruciaux pour le développement du Royaume. Les projets des territoires décentralisés méritent aussi plus de soutien. L’effet de levier que jouent les financements BAD est à souligner, en particulier pour des projets coûteux ». De son côté, Mehdi Fakkir revient également sur l’apport de la banque dans la problématique de l’eau qui pèse sur le Maroc. « Le Maroc, depuis quelque temps, a impulsé un programme de 115 milliards de dirhams pour faire face au stress hydrique, et je suis convaincu que l’institution panafricaine sera au côté du Maroc dans ce chantier ».

Situation du portefeuille du Groupe de la Banque Africaine de Développement

Le portefeuille actif de la Banque au Maroc est composé de 25 opérations, dont 15 prêts et 10 dons pour des engagements nets s’élevant à environ 1,7 milliard d’€. Le secteur des infrastructures (transports, énergie et mines, eau et assainissement, irrigation) continue d’occuper une place prépondérante dans le portefeuille (17 opérations et 86,5 % des engagements), suivi de la gouvernance ou multi-secteur (4 opérations et 13,5 % des engagements) et le secteur social (1 opération, 0,1 % des engagements).

 
Article précédent

La CMR s’offre un répit après les augmentations de salaire dans le public

Article suivant

Ceci est l'article le plus récent.