Viber, MSN, Skype… le web aussi à son cimetière!
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Autrefois incontournables, de nombreuses plateformes ont peu à peu disparu, emportant avec elles les souvenirs numériques d’une génération. Zoom sur ces géants du web tombés dans l’oubli.
À l’ère du numérique, la pérennité est un mythe. Des plateformes autrefois omniprésentes, qui ont façonné notre manière de communiquer et d’interagir, ont fini par sombrer dans l’oubli. Qui se souvient encore de MSN Messenger, ce service de messagerie instantanée qui a marqué toute une génération avant d’être balayé par l’essor des réseaux sociaux ? Ou de Myspace, autrefois leader des plateformes sociales, éclipsé par Facebook et Twitter ? L’histoire du web est jonchée de ces mastodontes déchus, ces outils révolutionnaires qui ont été dépassés par l’évolution des usages, les erreurs stratégiques ou la montée d’acteurs plus innovants. Un succès éclatant ne garantit rien : en quelques années, voire quelques mois, un leader peut devenir un souvenir lointain.
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Mais pourquoi certaines plateformes disparaissent-elles alors que d’autres s’adaptent et prospèrent ? L’innovation technologique joue un rôle clé, mais elle ne suffit pas. L’essor du mobile, l’intelligence artificielle ou les nouveaux modes de consommation du web ont précipité la chute de services qui semblaient indéboulonnables. Parfois, c’est une acquisition mal gérée, comme celle de Skype par Microsoft, qui sonne le glas d’une plateforme. D’autres fois, c’est un modèle économique mal anticipé, comme ce fut le cas pour Vine, incapable de monétiser son audience face à la montée de YouTube et Instagram. Loin d’être un simple cimetière d’applications, l’histoire du web est une succession d’ascensions fulgurantes et de chutes brutales. Dans un communiqué officiel, le géant Skype a annoncé fermer définitivement fermer en mai prochain après 22 ans de service. Fondé par des entrepreneurs scandinaves en 2003, Skype avait été racheté en 2011 par Microsoft pour 8,5 milliards de dollars. Pour beaucoup, le logiciel symbolise l’émergence des appels par Internet au début des années 2000 et des premières webcams. Aujourd’hui dépassé par la généralisation de cette technologie et l’émergence d’autres services plus performants.
Une longue liste…
Lancé à l’aube des années 2000 par Microsoft, MSN Messenger s’est vite imposée comme l’application de messagerie instantanée par excellence, qui a marqué toute une génération d’adolescents et de jeunes adultes. Les réseaux sociaux étaient alors à leur premier pas, et MSN permettait de discuter et de connecter des amis entre eux. L’essor des smartphones puis celui de nouvelles messageries instantanées (Facebook, WhatsApp, Skype…) ont progressivement rendu le logiciel obsolète. Microsoft a finalement tranché en 2013, fusionnant MSN avec Skype. Après ce fut autour de Skyblog. Plus de 23 millions de blogs créés, 653 millions d’articles publiés, 4,5 milliards de commentaires rédigés… Skyblog était également un précurseur du web social.. Mais avec l’essor des réseaux sociaux, la plateforme a progressivement perdu de son attrait. Après plus de 20 ans d’existence, Skyblog a fermé définitivement en août 2023.
Autrefois incontournable dans le paysage des applications de messagerie, Viber a aussi progressivement perdu du terrain face à des concurrents plus agressifs et mieux intégrés aux écosystèmes numériques. Lancé en 2010, il s’était imposé grâce à ses appels gratuits et sa simplicité d’utilisation, séduisant des millions d’utilisateurs à travers le monde. Mais son modèle n’a pas su évoluer avec les nouvelles attentes du marché. Face à la domination de WhatsApp, la montée en puissance de Telegram et l’intégration poussée de Messenger dans Facebook, Viber a souffert d’un manque d’innovation et d’un positionnement flou. Racheté par le géant japonais Rakuten en 2014, il n’a jamais réussi à capitaliser sur cette acquisition pour se réinventer. Son déclin s’est accéléré avec la généralisation des appels vidéo sur ses concurrents et l’essor des super-apps comme WeChat.
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« L’innovation ne pardonne pas. Effectivement, Messenger, Skype, Viber sont autant de plateformes qui ont marqué une génération ont disparu ou sombré dans l’oubli. Mais elles ne sont que la partie visible de l’iceberg. Derrière ces noms familiers, une multitude d’entreprises Marocaines, parfois pionnières, ont aussi disparu sans laisser de trace, souvent parce qu’elles étaient trop en avance sur leur temps, parce qu’elles ont manqué de soutien, ou parce qu’un cadre réglementaire inadapté les a freinées. Le secteur du numérique est impitoyable. Être à l’affût des innovations qui transforment nos habitudes de consommation est une nécessité absolue – et cela ne pardonne pas. Ce qui fonctionnait hier est dépassé aujourd’hui. Et ce qui semble innovant maintenant pourrait être obsolète demain. L’intelligence artificielle accélère encore ce cycle d’innovation, remodelant nos usages à une vitesse jamais vue et redéfinissant en permanence les règles du jeu », explique Redouane Elhaloui, président de l’Apebi.
« Au Maroc, comme ailleurs, plusieurs entreprises technologiques ont tenté d’innover, souvent avec des idées visionnaires, mais n’ont pas survécu. Pas forcément par manque de pertinence, mais parce que le marché n’était pas prêt, le cadre réglementaire trop rigide, ou les financements insuffisants. Des startups de la fintech ont émergé avant que l’environnement légal ne permette réellement leur expansion. Des entreprises spécialisées dans le cloud computing et la cybersécurité ont souffert d’un manque d’adoption, avant que la transformation digitale ne devienne une priorité nationale. D’autres ont simplement manqué de relais pour se structurer et atteindre la maturité commerciale nécessaire. Ce phénomène est d’autant plus marqué avec l’arrivée de l’IA. Les entreprises doivent non seulement innover, mais le faire au bon moment, avec le bon modèle économique et en anticipant des évolutions qui ne laissent aucune place à l’erreur. Le web enterre des marques, mais rarement des entrepreneurs. Ce qui distingue les acteurs qui survivent de ceux qui disparaissent, ce n’est pas seulement la technologie, c’est la capacité à s’adapter, à pivoter, à s’intégrer dans un écosystème qui soutient l’innovation et qui lui permet de grandir. Aujourd’hui, un entrepreneur ne peut plus uniquement miser sur l’innovation technique : il doit penser régulation, financement, adoption, internationalisation et scalabilité dès le départ. Finalement, le web enterre des marques, mais rarement des entrepreneurs. Ceux qui ont vu leur projet échouer hier sont souvent ceux qui bâtissent les solutions de demain. Mais pour éviter de remplir un peu plus ce cimetière numérique, il est essentiel que l’écosystème accompagne mieux ces acteurs, en adaptant les réglementations, en favorisant l’accès aux financements et en accélérant la transformation des usages. Dans ce monde numérique en perpétuelle mutation, l’innovation seule ne suffit pas. Encore faut-il qu’elle rencontre son marché au bon moment », insiste Redouane Elhaloui.