Géopolitique

Ukraine, vers un New Deal ?

La scène a fait le tour du monde. Un passage en force de Trump pour faire la paix. L’Ukraine semble considérer la posture de la Maison-Blanche. Même si la pilule demeure amère, une probable paix aura des conséquences économiques… On vous explique.

L’image a fait le tour du monde : Donald Trump, fidèle à sa stratégie de négociation agressive, semble sur la voie d’imposer un cessez-le-feu en Ukraine. Après deux ans de guerre, Washington veut donner une note de fin à ce conflit qui pèse sur l’économie mondiale. « Mais pour Kiev, cette paix sous pression américaine représente un dilemme. Accepter un accord précipité, c’est potentiellement acter des concessions territoriales et politiques, au risque de fragiliser le pouvoir en place et de diviser l’opinion publique », alertait le politologue Pascal Boniface dans l’une de ses tribunes.

Et pourtant, le maintien de l’effort de guerre devient de plus en plus difficile pour l’Ukraine. Le soutien occidental s’essouffle, les stocks d’armes diminuent et l’économie ukrainienne tourne au ralenti sous le poids des destructions. Face à ces contraintes, la fin des hostilités pourrait être perçue comme un mal nécessaire, ouvrant la voie à une reconstruction massive. Au-delà du cas ukrainien, c’est toute l’architecture économique mondiale qui pourrait être transformée par ce nouveau chapitre.

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« L’un des premiers effets d’un cessez-le-feu serait une stabilisation des marchés de l’énergie. Depuis 2022, l’Europe s’est détournée des hydrocarbures russes, provoquant une envolée des prix et accélérant la transition vers d’autres fournisseurs. Une paix, même partielle, pourrait rebattre les cartes : la Russie chercherait à réintégrer ses exportations de gaz et de pétrole sur le marché européen, mettant l’UE face à un dilemme entre principes politiques et impératifs économiques. Les grandes multinationales, qui ont quitté la Russie ou gelé leurs investissements en Ukraine, pourraient aussi revoir leur stratégie. La reconstruction ukrainienne, chiffrée à plusieurs centaines de milliards de dollars, représenterait un gigantesque marché pour les secteurs du BTP, de l’énergie et des infrastructures numériques », nous confie Yves Derai, journaliste politique.

« Mais tout dépendra de la manière dont cette relance sera financée et orchestrée. L’Ukraine pourra-t-elle s’appuyer sur un plan d’aide occidental structuré, ou devra-t-elle composer avec une implication plus forte de puissances comme la Chine et les États du Golfe, prêts à investir dans sa reconstruction en échange d’intérêts stratégiques ? »

Une baisse du prix du gaz de 15 %

Selon l’analyse de Goldman, « si une trêve limitée devait avoir lieu, les prix du gaz naturel en Europe pourraient chuter de 15 % », entraînant une réduction modeste de l’inflation de 0,15 point de pourcentage. Un accord de paix plus large, cependant, pourrait entraîner une diminution de 50 % des prix du gaz, réduisant l’inflation de 0,5 point de pourcentage et contribuant à un potentiel coup de pouce de 0,34 % au PIB de la zone euro.

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Cependant, il faut noter qu’une paix en Ukraine modifierait les grandes dynamiques industrielles et militaires. Le complexe militaro-industriel, qui a connu une accélération sans précédent depuis 2022, pourrait voir son expansion ralentir avec la baisse des commandes d’armement en Europe et aux États-Unis.

Pour l’Ukraine, l’enjeu sera de transformer cette paix contrainte en opportunité économique durable. Attirer les capitaux étrangers, moderniser son appareil productif et reconstruire une économie compétitive seront les clés de son avenir. Ce cessez-le-feu, s’il se concrétise, ne marquera donc pas seulement la fin d’un conflit : il pourrait redéfinir l’équilibre économique et stratégique mondial pour les années à venir.

Un pays au sol riche…

Le Forum économique mondial a révélé que 20 000 gisements de minéraux couvrant 116 types en Ukraine, dont 3 055 (15 %) étaient actifs avant l’invasion de la Russie en 2022.

L’Ukraine dispose également d’environ 500 000 tonnes de lithium inexploité, essentiel à la production de batteries rechargeables utilisées dans les véhicules électriques (VE). Cela représente environ un tiers des réserves européennes et 3 % des réserves mondiales.

Selon la Kyiv School of Economics, l’Ukraine représente aussi 6 % de la production mondiale de titane, utilisé dans l’aérospatiale, l’armée et les applications médicales, et est le cinquième producteur mondial de gallium, essentiel pour les semi-conducteurs.

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Elle figure parmi les cinq premiers pays au monde en termes de réserves de graphite, également essentiel à la production de batteries pour véhicules électriques, et parmi les dix premiers pays au monde pour les réserves de carbone, de manganèse, de fer, de titane et d’uranium.

Outre ces matières premières, le territoire ukrainien contiendrait d’importantes réserves de terres rares, un groupe de 17 éléments métalliques utilisés dans des appareils de haute technologie tels que les smartphones, les éoliennes et les IRM.

 
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