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Décarbonation : Comment le Maroc s’y prépare ?

Dans un rapport alarmiste sur le climat paru récemment, le GIEC appelle d’un ton assez fort les pays à s’inscrire hâtivement dans la décarbonation. Au Maroc, en première ligne, les acteurs du monde industriel semblent avoir cerné les enjeux climatiques et, plus encore, les défis de compétitivité qui pointent à l’horizon.

La décarbonation n’est pas un luxe mais un must. Et pour cause : la question du climat, aujourd’hui, selon les experts du GIEC, demeure à un virage très critique pour l’humanité. Baptisée « l’urgence climatique », le rapport des experts du GIEC révèle une situation climatique extrême partout dans le monde. Selon ledit rapport : « Il faut décarboner de toute urgence et de manière très radicale nos économies, nos modes de production et nos modes de vie, afin d’éviter d’atteindre des points de bascule irréversibles. » En réponse aux prophéties alarmistes des experts du climat, plusieurs États ont décidé d’opter pour la nouvelle alternative écologique, en l’occurrence le projet de décarbonation. En Europe, par exemple, la Commission européenne a décidé de passer à la vitesse supérieure en appliquant une taxe carbone à ses frontières. En Asie, région responsable de la moitié des émissions de CO2 de la planète, seuls le Japon et Singapour ont mis en place une taxe carbone (environ 3 $/mt et 4 $/mt, respectivement), selon le cabinet IHS Markit, spécialiste en intelligence économique.

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En Afrique, plusieurs pays sont déjà très impliqués dans ces discussions d’enjeu mondial. C’est le cas notamment du Maroc qui, sous la houlette de la vision éclairée de Sa Majesté, demeure l’un des premiers pays à avoir une feuille de route dans le domaine de la transition énergétique. Depuis 2009, le Maroc a déroulé un plan énergétique visant à positionner le pays dans le domaine des énergies renouvelables et à renforcer l’efficacité énergétique. Dans les détails, cette stratégie a été déclinée en plusieurs feuilles de route avec des objectifs accompagnés d’une batterie de réformes législatives, réglementaires et institutionnelles.

Dans ce sens, un Plan national d’actions prioritaires (PNAP) a vu le jour dès le lancement de ladite stratégie, en vue de rétablir l’équilibre entre l’offre et la demande électriques en agissant, d’une part, sur le renforcement des capacités de production avec la réalisation d’une puissance additionnelle de 1 400 MW et, d’autre part, sur la rationalisation de l’utilisation de l’énergie. Par ailleurs, sur le plan institutionnel, les projets en énergies renouvelables ont été rendus possibles grâce à la mise en œuvre d’un cadre législatif. Il s’agit notamment de la loi n°13-09 relative aux énergies renouvelables, qui a permis l’ouverture au secteur privé du marché de la production et de la commercialisation d’électricité produite à partir de sources renouvelables. Toutes ces actions sont des actifs qui pèsent dans la balance, et le Maroc, dans la zone de l’Afrique du Nord, est un pays qui semble prédisposé à se positionner dans un monde où la décarbonation est le maître mot.

Taxe carbone : une réalité ?

Étant un véritable enjeu mondial, la taxe carbone est un chantier prioritaire au Maroc. Dans son projet de loi-cadre sur la fiscalité, le Royaume prévoit l’instauration d’une taxe carbone dès janvier 2026. Dans le détail, l’article 7 du projet de loi 69-19 concernant la réforme fiscale stipule qu’il « est adopté des mesures fiscales adaptées pour le développement du secteur culturel, la promotion de l’économie sociale et la protection de l’environnement à travers l’adoption notamment d’une taxe carbone ».

« Nous ne voulons pas que la taxe carbone devienne une nouvelle taxe, mais plutôt qu’elle conditionne le choix de l’énergie la plus propre », a affirmé le ministre délégué chargé du Budget, Faouzi Lekjaa, en janvier dernier devant les membres de la CGEM.

« Je pense que le Maroc est tout à fait prêt à impulser une véritable dynamique dans ce volet. En tout cas, cela avait été annoncé par le ministère de l’Industrie, et la nouvelle équipe en place poursuit ce plan-là. Il est important pour nous, Marocains, d’aller dans ce sens, car c’est la voie du progrès pour notre industrie. Maintenant, ce qu’il faudrait, c’est régler deux problèmes qui me semblent cruciaux. D’abord, la tonne de carbone économisée n’est pas reconnue par les Européens et les autres, donc on ne peut pas profiter du marché d’échange de la tonne de carbone. C’est dommage, car cela pourrait être un incitatif important pour nous, industriels. Ensuite, il y a la fiscalité. Nous attendons que le gouvernement puisse mettre en place un avantage fiscal pour toutes les entreprises qui vont s’inscrire dans la décarbonation », déclare Ismail Akalay, DG de Sonasid.

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De son côté, l’ex-DG de l’IRESEN, Badr Ikken, est revenu sur le fait que le Maroc dispose d’un gisement important en énergies renouvelables (éolien et solaire), d’une véritable expertise dans le domaine et d’une volonté politique très affirmée. Selon lui, ce sont des atouts qui peuvent aider le pays à réussir sa décarbonation.

Rappelons que cette taxe carbone s’inscrit dans une logique d’harmonisation avec les orientations des partenaires internationaux du Maroc, notamment l’Union européenne. « C’est une opportunité pour investir davantage dans la décarbonation, bien sûr avec l’aide de l’État, et ainsi produire des produits propres pouvant être exportés vers l’Europe. À mon avis, c’est une opportunité à saisir », explique Akalay. Et d’ajouter : « Au niveau de Sonasid, nous produisons du rond à béton et du fil machine avec 85 % d’énergie verte, ce qui est considérable comparé à nos concurrents et même à ce qui se passe en Occident ou ailleurs. De plus, nous avons un projet important de fibre d’acier à Nador, qui sera quasiment destiné à l’Amérique du Nord et qui sera un acier vert. Nous produisons actuellement un acier pour des clients allemands, à qui nous fournissons un certificat attestant que 85 % de notre énergie est propre. Nous avons aussi un projet de production de biogaz à Nador. Il faut dire que la production d’acier vert va devenir un avantage compétitif»

Un levier de compétitivité !

« Depuis le lancement de sa stratégie énergétique, on a observé une véritable baisse, en 10 ans, du prix du kilowattheure photovoltaïque, qui est passé de 3,5 dirhams à 30 centimes de dirham. C’est une baisse claire qui fait que l’utilisation de ces solutions devient plus lucrative et compétitive », soutient Ikken. Aujourd’hui, il est plus qu’évident que l’impulsion d’une dynamique de décarbonation, inscrite dans le plan de transition énergétique, aura des retombées positives. « D’abord, l’un des avantages est qu’il s’agit d’une mesure en conformité avec la décision de Sa Majesté : atteindre 50 % d’énergie renouvelable. Il faut que cette ambition puisse servir les intérêts de notre industrie. «  La vision éclairée de Sa Majesté sur les énergies renouvelables conduira à la décarbonation de nos produits industrialisés et, par conséquent, nous donner une position importante sur le marché international », renchérit  le DG de Sonasid. Pour Badr Ikken, en plus de la diminution des coûts énergétiques, l’option de la décarbonation est un véritable levier de compétitivité pour les industriels. Elle permet de réduire les coûts de production d’au moins 50 %. Par ailleurs, en plus d’oxygéner l’économie, elle permet également d’avoir une société plus saine. Enfin, elle développera l’attractivité du Maroc en matière d’investissements. Concernant les secteurs prioritaires, selon nos experts, il s’agit de l’industrie métallurgique, plastique, agroalimentaire et automobile…

« C’est la raison pour laquelle il faut que l’État nous aide à nous lancer dans ce processus de décarbonation », lance Akalay.

Notons que le secteur maritime est également concerné par cette vague de décarbonation. L’Organisation maritime internationale (OMI) en a fait une priorité. Dans ce sens, elle opte pour les carburants éco-responsables. À ce jour, plusieurs alternatives s’imposent peu à peu comme de nouveaux standards dans l’industrie maritime. Parmi eux, on compte :

• Les gaz légers (GNL, bio-GNL, gaz naturel synthétique, gaz naturel renouvelable et hydrogène)

• Les alcools (méthanol, éthanol et ammoniac)

• Les biocarburants de synthèse biosourcés, liquides ou gazeux (biodiesel, bio-H2, bio-GNL, etc.)

Rappelons que l’OMI a décidé de faire de la décarbonation un enjeu crucial pour les ports, qui doivent s’aligner sur cette nouvelle politique sous peine d’être déclassifiés.

 
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