Asma Charki: «Le leadership féminin au Maroc émerge aujourd’hui comme un élément fondamental de transformation des modèles organisationnels»

À l’occasion du 8 mars, Challenge donne la parole à dix femmes d’exception qui façonnent l’économie marocaine. À la tête d’entreprises, de départements stratégiques ou de projets innovants, elles incarnent leadership, résilience et vision. À travers leurs parcours inspirants, ces managers prouvent que la réussite n’a ni genre ni limite. Découvrez leurs histoires, leurs défis et leur impact dans un paysage économique en pleine mutation.
Bien plus qu’une simple tendance, le leadership féminin au Maroc émerge aujourd’hui comme un élément fondamental de transformation des modèles organisationnels qui va bien au-delà de la question de mixité, mais se traduit par des approches managerielles plus inclusives et plus empathiques prônées par les femmes leaders qui favorisent la performance financière et stimulent l’innovation et la créativité. Je pense d’ailleurs que l’impact de la mixité sur la performance financière n’est plus à prouver !
Il va sans dire, que grâce aux réformes structurelles entreprises ces dernières années au niveau du Royaume à travers la consécration du principe de la parité au niveau de l’article 19 de la constitution de 2011, l’amendement de la loi sur les sociétés anonymes qui consacre le principe d’une représentation équilibrée des femmes et des hommes dans les instances de gouvernance des entreprises à travers des quotas obligatoires dans les conseils d’administration des sociétés anonymes faisant appel public à l’épargne, combinées à un engagement accru des femmes elles-mêmes, de plus en plus de femmes émergent et occupent désormais des positions de leadership dans différents secteurs servant de rôle-modèles pour les femmes au Maroc.
Cependant, les inégalités de genre dans le monde du travail demeurent patentes, comme l’indiquent les dernières données du HCP qui font état d’une stabilité du taux d’activité des femmes autour de 19% contre 68,6% pour les hommes, ce qui se traduit par une sous-représentation des femmes dans le tissu économique et dans les positions de leadership en entreprises alors que paradoxalement, le vivier de talents féminins issu des établissements d’enseignement en gestion, en sciences et en technologies est majoritairement féminin.
D’où l’importance d’accélérer la représentativité des femmes dans les entreprises et d’accompagner ces femmes pour accéder à des positions de leadership et dans les instances dirigeantes. Certes la mise en place d’un cadre légal est, à mon avis, un élément crucial qui a donné ses fruits au niveau international, mais je pense qu’il est tout aussi important que les entreprises se mobilisent pour intégrer dans leurs stratégies internes des objectifs de mixité portés par le top management, tout en mettant en place les mécanismes nécessaires d’empowerment des femmes et de lutte contre les biais du genre.
Les pratiques managériales
Je ne pense pas qu’on puisse standardiser les pratiques et styles manageriels qui restent très fortement influencées par des composantes intrinsèques à chaque leader, le contexte spécifique de chaque organisation et les pressions sociales et sociétales auxquelles ils sont confrontés. Ces différences sont loin d’être absolues et peuvent évoluer avec la génération actuelle de jeunes managers qui remettent en question les stéréotypes de genre et favorisent des approches plus modernes et inclusives dans le monde du travail. En revanche, on peut évoquer les différences entre les cycles de vie et les cycles de carrière des femmes et des hommes qui continuent de persister pour des raisons de maternité et de charge domestique entraînant des variations au niveau de la disponibilité au travail et de la capacité à progresser…
Accès aux postes de haute responsabilité
Malgré les avancées réalisées, les femmes leaders continuent de naviguer à travers un ensemble complexe de défis dont certains sont liés aux organisations elles-mêmes, telles que les biais du genre et l’accès limité aux postes décisionnels qui peuvent parfois être calés à des critères masculins. D’autres défis sont intrinsèques aux femmes, qu’il s’agisse de l’intériorisation de stéréotypes de genre ou de biais du genre et l’équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle.
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Pour surmonter ces obstacles, il est impératif que les entreprises adoptent des politiques de diversité et d’inclusion robustes, visant à éliminer les biais inconscients et à promouvoir l’égalité des chances. Cela inclut la mise en place de programmes de mentorat et de parrainage pour soutenir les femmes dans leur progression professionnelle, ainsi que des formations régulières sur les biais implicites pour tous les employés.
Il est également crucial de revoir les critères de sélection et de promotion afin de s’assurer qu’ils ne favorisent pas inconsciemment les traits traditionnellement associés aux hommes. Les organisations doivent valoriser les compétences et les qualités intrinsèques des candidates, telles que la collaboration, l’empathie et la gestion inclusive, qui sont souvent sous-estimées dans les processus de recrutement traditionnels.