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Accords de pêche et agricole : la CJUE toujours aussi hors-sol

La récente décision de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) d’annuler les accords de pêche et d’agriculture entre le Maroc et l’UE soulève une vague de réactions critiques, tant au Maroc qu’au sein même de l’Union.

Ce verdict, qui estime que ces accords violeraient les droits du « peuple du Sahara occidental » en raison de l’absence de leur consentement, est perçu comme déconnecté des réalités politiques et économiques du terrain.

Une décision en décalage avec les réalités économiques

Du côté européen, cette décision pourrait avoir des conséquences immédiates sur l’économie de certains pays membres de l’UE, notamment l’Espagne. Les flottes espagnoles d’Andalousie, des îles Canaries et de Galice dépendent en grande partie de l’accès aux eaux marocaines pour la pêche. Avec l’annulation de ces accords, les économies locales de ces régions espagnoles pourraient en souffrir gravement. Cette décision remet en question une relation bilatérale vitale pour l’UE, qui dépend du Maroc comme partenaire stratégique sur plusieurs plans.

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Lahcen Haddad, PhD et expert en relations internationales souligne que « le Maroc a raison de se considérer non concerné par la décision de la CJUE dans l’affaire opposant l’UE au Front séparatiste Polisario. » Pour lui, il est surprenant que la Cour ait pris parti pour un groupe que l’ONU elle-même accuse d’avoir violé des accords de cessez-le-feu, tout en ignorant les réalités du terrain. « De plus, il est étonnant que la Cour s’arroge le droit de statuer sur des questions diplomatiques », ajoute-t-il.

Une approche juridique déconnectée des réalités politiques

La décision de la CJUE s’inscrit dans un juridisme transnational qui, selon les observateurs marocains, ne prend pas en compte la réalité politique et humaine des provinces du sud du Maroc. L’utilisation du terme « peuple sahraoui » semble nier l’intégration des populations sahraouies dans la citoyenneté marocaine. Pour Lahcen Haddad, cette décision découle de considérations strictement juridiques, ignorant les implications plus larges pour l’Europe elle-même. Le Maroc, en tant qu’allié stratégique de l’UE, a toujours collaboré étroitement avec l’Europe sur des questions cruciales de sécurité et de développement, et il est surprenant que cet aspect n’ait pas été pris en compte dans la décision.

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En réagissant à ce verdict, le ministère marocain des Affaires étrangères a dénoncé une « méconnaissance totale des réalités du dossier » du Sahara et un « parti pris politique flagrant ». Le Maroc ne se considère « aucunement concerné » par cette décision, affirmant que cette affaire ne concerne que l’UE et le Front Polisario, soutenu par l’Algérie. Le communiqué officiel insiste sur le fait que le Maroc n’a pas participé à cette procédure et n’en reconnaît donc pas la légitimité.

Le piège d’un juridisme transnational

Cette affaire illustre les pièges d’une gouvernance juridique supranationale qui peut s’avérer contre-productive pour les États membres eux-mêmes. En Europe, plusieurs pays se retrouvent « piégés » par des décisions légales rendues dans un cadre juridique déconnecté des intérêts économiques immédiats. Le report de l’exécution du verdict agricole pendant douze mois pour éviter « des conséquences graves » sur les activités extérieures de l’UE montre bien que les instances européennes sont conscientes des risques qu’une telle décision pourrait engendrer. Cette mesure de temporisation illustre l’embarras des instances européennes, qui sont bien conscientes des répercussions économiques négatives.

Le Maroc réitère sa position sur l’intégrité territoriale

Le Royaume du Maroc a réitéré sa position ferme : il ne souscrira à aucun accord qui ne respecte pas son intégrité territoriale et son unité nationale. Le ministère marocain des Affaires étrangères demande également au Conseil, à la Commission européenne et aux États membres de l’UE de prendre les mesures nécessaires pour respecter leurs engagements internationaux et préserver les acquis du partenariat avec le Maroc.

La Cour de justice de l’Union européenne a également été accusée par le Maroc de « se substituer aux organes onusiens compétents » et de contredire leurs positions. En effet, contrairement à la CJUE, la Haute Cour britannique, sur une affaire similaire, avait fait preuve de plus de discernement en reconnaissant les réalités locales du Sahara marocain.

 
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