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Accro à une rente pétro-gazière en déclin, l’Algérie face au défi du sevrage

Alors que l’Algérie a déjà franchi le seuil critique de sa production pétrolière et gazière, le pays fait face à une réalité économique préoccupante. Entre déclin des réserves, hausse de la consommation interne et dépendance aux hydrocarbures, le défi est immense.

L’Algérie a, depuis plusieurs années, franchi le pic de production dans ses principaux gisements. Le « pic pétrolier » ou « peak oil » désigne le moment où la production de pétrole atteint son maximum historique avant de commencer un déclin irréversible. Pour le gaz naturel, le concept est similaire et désigne le point à partir duquel la production commence à décroître après avoir atteint son apogée.

En effet, selon des rapports de la Sonatrach, la production de pétrole et de gaz de l’Algérie a atteint des niveaux optimaux dans les années 2000, avant de commencer à stagner et ensuite à décliner progressivement. Par exemple, la production pétrolière algérienne, qui atteignait environ 1,4 million de barils par jour dans les années 2000, a chuté à environ 1 million de barils par jour en 2021.

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Pour le gaz naturel, la situation est similaire, avec des gisements vieillissants, notamment ceux de Hassi R’Mel, le plus grand champ gazier du pays, dont les réserves sont en déclin. Et bien que de nouvelles découvertes soient annoncées de temps à autres, elles concernent des puits connexes sans grande importance, et demeurent structurellement sans effet sur la tendance lourde, dont la réalité est irréversiblement baissière.

Une tendance irréversible

Les prévisions à long terme indiquent que cette baisse de production va se poursuivre, car les nouveaux gisements découverts ne compensent pas suffisamment le déclin des réserves existantes. Le pays fait également face à des contraintes. D’une part, l’augmentation exponentielle de la consommation interne du pétrole et du gaz. Des produits très fortement subventionnés, ce qui diminue jusqu’à hauteur de 45% la part des exportations. D’autre part, l’insuffisance de l’investissement dans l’exploration et l’exploitation de nouveaux champs, et pour l’acquisition et la maîtrise des technologies nécessaires pour maximiser le rendement des gisements matures.

Les implications économiques pour l’Algérie

Le franchissement du pic pétrolier et gazier en Algérie a donc des répercussions économiques et géopolitiques importantes. Les hydrocarbures représentent 95% des exportations algériennes et 60% des recettes budgétaires. Avec la baisse progressive de la production et des fluctuations des prix mondiaux du pétrole et du gaz, les recettes de l’État se trouvent directement impactées. Cela affaiblit la capacité du gouvernement à financer des programmes sociaux, des subventions massives pour les produits de base et des projets d’infrastructure.

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La diminution des exportations d’hydrocarbures réduit l’entrée de devises étrangères dans le pays, ce qui aggrave la balance commerciale. L’Algérie doit donc puiser dans ses réserves de change, qui sont passées de 194 milliards de dollars en 2013 à environ 44 milliards de dollars en 2022, pour couvrir ses importations, notamment de produits alimentaires, industriels et de première nécessité. De toutes les façons, les hausses des prix de l’énergie sur le marché international, qui alternent souvent avec des baisses conséquentes, jouent au yoyo avec l’économie algérienne et ne font que surseoir à des crises budgétaires annoncées.

Alors que les gisements d’hydrocarbures sont en déclin, la demande intérieure en énergie, particulièrement en gaz naturel, ne cesse d’augmenter en raison de la croissance démographique et des subventions sur les prix de l’énergie. Cela exerce une pression supplémentaire sur les capacités d’exportation du pays, réduisant encore davantage les revenus en devises.

Le défi des subventions et la fragilité sociale

La rente pétrolière a longtemps permis à l’État algérien de maintenir la paix sociale en subventionnant massivement les prix des biens de consommation essentiels, y compris l’énergie, l’alimentation et les services de base. La baisse des revenus issus des hydrocarbures pourrait rendre ces subventions insoutenables, menaçant la stabilité sociale du pays.

L’histoire récente de l’Algérie montre en effet que la chute chronique des prix des hydrocarbures a souvent conduit à des mesures étatiques impopulaires et à des pénuries chroniques qui finissent en mouvements de protestation, comme ce fut le cas des émeutes d’octobre 1988, qui avaient alors ouvert la voie à une aventure avec l’islamisme politique aux conséquences incommensurables.

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Alors que la demande mondiale évolue vers une réduction des énergies fossiles, l’Algérie peine à se positionner sur les énergies renouvelables. Bien que le pays dispose d’un potentiel solaire énorme, les investissements dans le développement des énergies renouvelables restent relativement faibles.

Le schiste, solution miracle ?

Pour un Etat habitué à gérer la rente des hydrocarbures, la solution se trouve du côté du pétrole et du gaz de schiste, dont des gisements importants se trouvent dans l’immense région d’In-Salah. C’est compter sans les populations de cette région, des touareg dans leur majorité, qui sont conscients des risques écologiques liés à l’exploitation de cette énergie fossile, et qui ont opposé une fin de non-recevoir à ce projet dans la région. C’était en 2015 et rien ne dit qu’aujourd’hui ce soit émoussé chez eux cette volonté de protéger, l’Albien, le plus grand océan souterrain d’eau fossilisée qui existe dans le monde.

 
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