Afrique, la course aux Hub portuaire
Maroc, Égypte, Afrique du Sud, Djibouti. La concurrence est rude. Tour d’horizon du champ de bataille maritime !
De l’Afrique de l’Est à la façade atlantique, en passant par le golfe de Guinée, les plates-formes portuaires sont en constante construction et modernisation. Pour la petite histoire, c’est depuis les années 2000 que les pays africains développent leurs capacités portuaires. Cet effort se poursuit dans la décennie suivante, avec des dizaines de milliards d’euros investis dans les systèmes portuaires, en particulier les terminaux de conteneurs. Les capitaux investis proviennent d’un nombre limité d’acteurs du monde de la logistique portuaire et du transport, parmi lesquels on peut citer CMA CGM (France), MSC (italo-suisse), APM Terminals (Danemark), DP World (Émirats arabes unis) ou China Merchant Port (CMP).
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Ces dernières années, la dynamique s’est poursuivie avec une augmentation des travaux de modernisation et de construction de ports. L’objectif est de créer de grands « hubs » portuaires à vocation régionale, qui catalysent les échanges non seulement depuis l’extérieur, mais aussi en faisant converger les flux logistiques depuis l’hinterland vers leurs installations.
Cette situation entraîne une augmentation de la concurrence entre les différents ports africains et les groupes qui les gèrent. Par exemple, la construction des ports de Banana en République démocratique du Congo et de Ndayane au Sénégal, opérée par DP World, pourrait concurrencer directement les terminaux de Pointe-Noire ou d’Abidjan. De même, la modernisation du port de Lekki, dont CMA CGM exploite le terminal de conteneurs, menace directement les ports de Lomé (Togo) et de Cotonou (Bénin), gérés par MSC. On peut également citer le succès du hub marocain de Tanger-Med, le plus grand terminal portuaire d’Afrique et de Méditerranée, qui met la pression sur les ports algériens.
La course au gigantisme
Selon une étude du CEO Forum, la concurrence pousse les acteurs du secteur à réaliser des économies d’échelle. Cela se traduit notamment par des porte-conteneurs de plus en plus gros. Alors que dans les années 1950, les premiers porte-conteneurs avaient une capacité de 500-800 EVP, ceux de dernière génération, les porte-conteneurs de classe Triple E, ont une capacité supérieure à 18 000 EVP. Le MSC Gülsün, le plus grand porte-conteneurs du monde, a même une capacité de près de 24 000 EVP. Afin de pouvoir accueillir ces navires, les ports doivent s’adapter : dragage, extension des terminaux, création d’espaces de stockage, etc. Côté finance, le secteur portuaire a fait l’objet d’investissements massifs, notamment pour permettre l’accueil des navires de dernière génération.
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Les investissements privés dans les ports africains entre 2005 et S1 2019 ont atteint 15 Mds USD (plus de 50 Mds USD en prenant en compte les investissements publics), soit 13 fois plus que sur la période 1990-2004. Cependant, même si les investissements progressent rapidement et qu’ils concernent la plupart des pays du continent, le développement des ports africains reste très contrasté. L’Égypte, l’Afrique du Sud et le Maroc sont les seuls pays du continent à accueillir plus de 4m EVP de conteneurs en 2018. À eux seuls, ces trois pays représentent 51 % des volumes transitant en Afrique.
Influence géopolitique
Les grandes puissances économiques s’intéressent de plus en plus au secteur portuaire africain. Ainsi, la Chine, qui est devenue le premier partenaire commercial du continent, a investi ou projette d’investir dans au moins 46 infrastructures portuaires en Afrique subsaharienne. Dans le cadre de ces investissements, la Chine cible en priorité l’Afrique orientale et le golfe de Guinée. Les opérateurs portuaires privés internationaux sont également de plus en plus impliqués dans le secteur. Ils participent en effet aux investissements, ainsi qu’aux efforts de construction et de gestion dans le cadre des programmes de privatisations et de mises en concession mis en place par les autorités publiques.