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Afrique : les entreprises françaises fragilisées, mais toujours debout

Orano, TotalEnergies, Orange… La détérioration des relations diplomatiques entre la France et plusieurs pays africains impacte le secteur économique. Mais dans quelle mesure ?

Depuis 2020, le retrait progressif de la France de plusieurs pays africains – notamment au Sahel – a rebattu les cartes du jeu diplomatique et économique. Crises au Niger, tensions avec le Mali, rupture avec le Burkina Faso… Autant d’événements qui ont fragilisé la position des entreprises françaises opérant sur le continent.

Orano voit ses activités minières au Niger menacées par une renégociation des contrats d’uranium. TotalEnergies doit composer avec une concurrence accrue de la Chine et des pays du Golfe, tandis qu’Orange, pilier des télécoms africains, fait face à une montée du protectionnisme économique. À cela s’ajoute un sentiment antifrançais croissant, poussant certains pays à diversifier leurs partenariats, reléguant progressivement les acteurs français à un rôle secondaire.

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Par exemple, le groupe TotalEnergies, avec ses 4 700 points de vente répartis dans 35 pays du continent, a conclu un accord pour céder son réseau de 80 stations-service, ainsi que ses opérations de distribution aux sociétés minières et à l’aviation, à Coly Energy Mali, une société liée au groupe béninois Bénin Petro. Selon les informations d’Africa Business+, TotalEnergies cherche aussi à se séparer de ses actifs au Burkina Faso. Si cela se concrétisait, en l’espace de trois ans, le groupe pétrolier se serait totalement désengagé de tous les pays du Sahel.

Pourtant, malgré cette dynamique défavorable, les groupes français restent solidement implantés en Afrique. TotalEnergies conserve des positions stratégiques en Angola et en Côte d’Ivoire. Orange continue d’étendre ses services financiers avec Orange Money, et Bolloré (désormais sous pavillon MSC) garde une influence notable sur la logistique portuaire.

Si la présence française est chahutée, elle ne disparaît pas pour autant. Les entreprises tricolores, conscientes des mutations en cours, adaptent leurs stratégies en misant sur des investissements ciblés et des partenariats locaux.

Une résilience économique

Par ailleurs, les déconvenues dans cette région ne se sont pas propagées dans les autres pays d’Afrique de l’Ouest. L’Afrique subsaharienne, dans son ensemble, ne représentait en 2023 que 1,8 % des exportations françaises et 1,9 % de ses importations. Les principaux partenaires de la France ne sont pas forcément ceux que l’on croit. Le Nigeria arrive largement en tête, suivi de l’Afrique du Sud, de la Côte d’Ivoire et de l’Angola.

« Chez ENGIE, nous évoluons sur des marchés où la confiance et la collaboration à long terme sont essentielles. Au Maroc, en Égypte et en Afrique du Sud – nos trois principaux marchés en Afrique –, nos activités se développent dans un cadre de relations solides avec nos parties prenantes, tant publiques que privées. Nous restons concentrés sur notre mission : accompagner la transition énergétique du continent à travers des solutions durables, innovantes et adaptées aux besoins locaux. C’est cette approche partenariale et ancrée dans le temps qui guide nos engagements en Afrique », nous confie le CEO d’ENGIE.

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Rappelons que l’AFD, dans ce nouveau contexte, a revu sa stratégie. Dans l’un de ses rapports, il est indiqué que deux tiers de ses financements sont en phase avec la lutte contre le changement climatique. L’agence se base également sur l’activité de sa filiale Proparco, qui investit chaque année plus de 2 milliards d’euros dans le secteur privé, dont la moitié en Afrique. Via l’initiative Choose Africa, lancée en 2018, 3,5 milliards d’euros ont été mis sur la table, ce qui aurait permis à « près de 40 000 TPE et PME ainsi que plusieurs centaines de milliers de micro-entrepreneurs africains » d’être accompagnés.

Pour rattraper les déboires au Sahel, le groupe a renforcé son action dans d’autres régions du continent. En janvier 2022, le groupe AFD, dans son ensemble, a signé pour près de 13 milliards d’euros de nouveaux financements en 2023 et décaissé un peu plus de 8,5 milliards d’euros. L’Afrique bénéficie d’environ la moitié des montants signés. Énergie solaire au Kenya, assainissement au Nigeria ou lutte contre les inégalités en Afrique du Sud… Le géant français semble solide.

Contacté par Challenge, Michel Vialatte, expert consultant en gouvernance territoriale et politique publique, explique que l’AFD n’a pas été éjectée de ces régions : « Sur la base des idéaux qui guident l’action de l’AFD, l’institution ne pouvait pas maintenir son action dans ces régions où les nouvelles élites sont arrivées dans des conditions que nous savons. C’est une question de logique d’action. Alors on peut comprendre ce repli. »

Il ajoute : « Aujourd’hui, même si cette région est stratégique, il y a lieu de redéfinir un autre schéma d’intervention de développement. Pour l’heure, ce sont des interventions conditionnées. »

Selon l’expert, ce modèle de fonctionnement est celui de toutes les institutions de développement.

 
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