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Agriculture: Pourquoi la « Recherche et l’innovation » est un chantier crucial pour le Maroc

Le Maroc, à l’instar des autres pays de la planète, est confronté à une exploitation sans précédent de ses ressources naturelles et aux changements climatiques. Surmonter ces nombreux défis requiert recherche et innovation. Ainsi, pour sécuriser leur avenir, les agriculteurs marocains, avec l’appui du gouvernement et des institutions internationales, adoptent des méthodes de production plus résilientes.  

Alors que le Maroc, comme le reste du monde, est aux prises avec le changement climatique, les scientifiques du Royaume étudient les moyens de développer une agriculture plus résistante et durable, mais aussi augmenter la productivité agricole face à la démographie galopante et, ainsi, assurer la sécurité alimentaire. Car, si les impacts du changement climatique deviennent de plus en plus manifestes, les agriculteurs en sont les premiers affectés. «Pour rendre l’agriculture marocaine plus performante, il faut pouvoir relever le défi technologique, et ce dès à présent. Plusieurs techniques existent pour améliorer la productivité du secteur agricole », notamment à travers l’optimisation des ressources, l’intelligence artificielle, la robotique, et la collecte de données », souligne Jalal Kettani, Ingénieur agronome.

Tout le monde est unanime pour dire que l’innovation et la recherche sont nécessaires pour une agriculture marocaine plus performante. Ainsi, dans son rapport général sur le Nouveau modèle de développement (NMD), la Commission Spéciale sur le Modèle de Développement (CSMD), revient sur la nécessité de renforcer les compétences humaines et d’encourager la recherche et l’innovation dans les domaines de l’agriculture et de l’agro-industrie.  «Au regard des enjeux élevés du secteur, la Commission considère essentiel de renforcer la recherche, le développement et l’innovation dans le domaine agricole et agro-industriel, pour consolider les bases d’une souveraineté alimentaire du pays », indique ce rapport.

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Ainsi, pour rendre l’agriculture plus performante, il faudra miser sur les sujets à plus forts enjeux pour l’amont agricole et la sécurité alimentaire, tels que la résilience climatique et hydrique, la préservation et l’amélioration des variétés locales.  Dès lors, cette recherche doit être conduite en autonomie par les divers instituts spécialisés, en adoptant des approches de recherche-action, fortement ancrées dans les territoires et veillant à la diffusion des savoirs et des procédés techniques au profit des acteurs du secteur agricole. En phase avec les objectifs d’accroissement de la valorisation du secteur, la recherche et l’innovation devraient cibler également les thématiques relatives à la transformation agroalimentaire.

Des progrès réalisés

Sur le terrain, le Département de l’Agriculture indique que le Maroc a placé la science, l’innovation et la technologie au cœur de sa stratégie agricole « Generation Green », qui vise à transformer son système alimentaire en un système générant des résultats positifs pour le climat, l’environnement et les personnes. Il a promis de doubler les investissements dans l’agriculture intelligente en matière de climat et d’innovation dans les systèmes alimentaires, atteignant environ un demi-milliard de dollars américains au cours de la décennie (2020-2030).

Ainsi, souligne le ministère, des progrès ont déjà été réalisés dans tous les objectifs pour 2030, notamment l’achèvement de 80.000 hectares d’un système de culture sans labour d’un million d’hectares, le développement de nouvelles variétés de céréales plus tolérantes à la sécheresse, la plantation de 6.000 hectares sur 140.000 hectares de plantes résistantes de cactus, le lancement du programme de plantation de 100.000 hectares de caroubiers et d’un programme de plantation de 5 millions de palmiers dattiers.

Le Maroc a adopté le développement de céréales résilientes et tolérantes à la sécheresse dans ses efforts pour faire face aux changements climatiques. Une initiative qui devrait permettre de réduire les effets de la sécheresse.

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Aux côtés du ministère de l’Agriculture, plusieurs institutions internationales appuient les agriculteurs marocains dans leur volonté d’adopter des méthodes de production plus résilientes. C’est le cas de la Banque mondiale qui raconte dans une note le vécu de Fatima Zahrae Lamnassra et de sa famille. Leur ferme est située à Oued Roumane dans la région de Fès-Meknès. La sécheresse constitue le principal défi pour ces agriculteurs et a un impact sur la croissance économique. 

Nouvelles techniques

Globalement, il s’agit de faire plus avec moins. Pour cela, certains agriculteurs locaux collaborent avec des équipes de recherche de l’Institut national de la recherche agronomique et du Centre international de recherche agricole dans les zones arides pour avoir accès à des semences résistantes à la sécheresse à des fins de test, note la Banque mondiale. De nouvelles techniques sont également adoptées pour faire plus avec moins, par exemple, les applications d’azote à libération lente, l’adoption de l’irrigation au goutte-à-goutte lorsque l’accès à l’eau est disponible, et le développement de techniques de culture novatrices, comme le système sans labour, favorisant ainsi une conservation accrue des sols et de l’eau. Une autre stratégie adoptée par les agriculteurs pour faire face à l’insécurité alimentaire consiste à stocker une plus grande partie de leurs récoltes et à échelonner leurs ventes dans le temps.

Pour la gouvernance de l’eau, par exemple, la Banque mondiale soutient les efforts du Maroc visant à développer un secteur agricole plus résilient et durable à travers des initiatives telles que le projet pour une gestion de l’eau résiliente et durable dans l’agriculture. Celui-ci vise la modernisation de l’irrigation et du drainage sur plus de 50.000 ha, tout en soutenant la gouvernance de l’eau et en prodiguant des conseils agricoles à plus de 20.000 agriculteurs confrontés à des conditions climatiques plus chaudes et plus sèches, mettant une pression supplémentaire sur des ressources en eau déjà limitées.

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« Actuellement, les agriculteurs marocains doivent réussir à produire dans des conditions difficiles et sont confrontés aux diverses manifestations du changement climatique. Il est nécessaire de développer des solutions créatives pour une agriculture plus résiliente. Cela peut passer par l’utilisation d’outils numériques, la modernisation de l’irrigation, une gestion améliorée des sols et de l’eau, notamment dans le contexte de l’agriculture pluviale, ou encore par la sensibilisation des nouvelles générations d’agriculteurs», explique Rémi Trier, spécialiste principal de l’agriculture et de l’eau à la Banque mondiale pour le Maroc. 

Ce n’est pas un hasard si le ministère de l’Agriculture a décidé de saisir cette édition du Salon international de l’agriculture au Maroc (SIAM) pour mettre à l’honneur tous les procédés qui sont les moteurs du secteur agricole, et qui préfigurent son avenir. En effet, le SIAM 2024 a ainsi choisi pour thème «Climat et Agriculture : Pour des systèmes de production durables et résilients». L’événement entend s’inscrire comme un véritable vecteur de développement pour permettre la production de connaissances nouvelles et d’innovations techniques dans le domaine de la gestion des ressources, de l’aménagement et de l’utilisation de l’espace afin de gérer la durabilité environnementale, l’adoption de technologies nouvelles et la compétitivité.

Mais pour Abdelmoumen Guennouni, Ingénieur agronome, si l’agriculture marocaine profite dans une large mesure, en tant que consommateur, de la recherche et de l’innovation et particulièrement celle qui se fait ailleurs dans les pays avancés, «cette situation fait que le pays reste encore dépendant de l’étranger et tributaire des évolutions scientifiques et techniques réalisées par la recherche et les innovations obtenues par les entreprises et les pays qui y consacrent les moyens humains et financiers nécessaires». Selon lui, cette dépendance coûte au pays annuellement des sommes astronomiques en devises. «Les semences de variétés hybrides des cultures maraichères et plants de fruits rouges et autres espèces arboricoles entre autres, sachant que ces semences et plants coûtent très chers et doivent être importés annuellement et que, contrairement aux «semences fermières» leurs graines ne peuvent être réutilisées pour les cultures des années suivantes », explique-t-il.

Témoignage: Abdelmoumen Guennouni,Ingénieur agronome
Pour tout pays qui se respecte, on ne peut envisager le développement national sans mettre la recherche comme l’une des priorités pour faire face à tous les impératifs de croissance, d’anticipation et de résolution des problèmes de quelque nature qu’ils soient. Et, pour le Maroc à l’instar de toutes les contrées du monde, l’agriculture est l’une des activités humaines qui ne peut être conçue sans une recherche dynamique et d’avant-garde.
Malheureusement, notre recherche agricole souffre, et ce depuis longtemps, de nombreux maux. Je peux citer, par exemple, le non renouvellement des équipes de recherche et le remplacement des départs soit à la retraite soit pour d’autres raisons.
A cela, s’ajoute la réduction progressive des budgets de recherche et des financements hautement handicapante.
Les infrastructures et champs d’expérimentations se sont également retrouvés au centre des villes suite à la croissance urbaine et se trouvent lorgnés par les entrepreneurs dans l’objectifs de spéculations ou de projets de développement urbain.
Par ailleurs la non protection de nos ressources génétiques, pillées par des étrangers agissant librement dans notre pays lors d’occasions diverses. A titre d’exemple on peut citer le palmier dattier marocain, variété Majhoul qui est, depuis longtemps, mondialement connue et commercialisée par les USA et Israël. Une société américaine est même venue nous vendre des plants ‘‘Medjoul’’ produits aux Etats Unis.
L’arganier, arbre endémique (qui existe uniquement au Maroc) a été aussi acclimaté et multiplié en Israël et aujourd’hui de l’huile d’argan est commercialisée à travers le monde, et sous l’étiquette ‘‘produit marocain’’ en plus.
La mandarine Afourer (Nadorcott), obtention de l’INRA et propriété des Domaines Royaux, quant à elle, est multipliée illégalement dans plusieurs pays, même si elle est protégée par brevet ; avec de nombreux procès à la clé.
Il est regrettable que nos politiques et plans de développement agricoles successifs négligent l’aspect recherche et accordent la priorité à des aspects plus court-termises favorisant des intérêts particuliers. Il faut saluer cependant l’obtention par l’Inra de nouvelles variétés d’oliviers comme ‘’Menara’’ et ‘’Haouzia’’ à partir de la variété-population Picholine marocaine, ainsi que nombre de variétés de céréales. »

 
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