Airbus: la RAM a-t-elle raison d’aller voir ailleurs?
L’acquisition potentielle d’avions Airbus par la RAM soulève des interrogations sur la gestion d’une flotte mixte, combinant Boeing et Airbus, tout en visant à renforcer sa compétitivité et son expansion.
Les informations selon lesquelles la RAM est en cours de négociation pour acquérir des Airbus afin de développer sa flotte semblent fondées. L’arrivée prochaine du président français, Emmanuel Macron dans le cadre d’une visite d’Etat qu’il fait au Maroc, pourrait constituer le théâtre idoine de conclusion d’un contrat aussi conséquent autant pour la RAM que pour Airbus. Cela surtout que la RAM, qui envisage d’élargir son réseau aérien et d’agrandir sa flotte, aurait besoin de dizaines d’aéronefs de différentes envergures pour ses moyen long-courriers.
Logiques de flotte
Ce qui n’échappe pas aux experts, et qui fait s’interroger les journalistes, c’est la question qui va s’imposer, de la mixité d’une flotte qui sera désormais constituée d’avions Boeing et d’avions Airbus. Selon quelle orthodoxie de gestion est-il possible de valider un tel marché qui va induire deux gestions techniques parallèles ?
Qui dit nouveaux aéronefs, dit aussi des coûts supplémentaires en matière d’entretien, de stocks des pièces de rechange, de formation des équipes techniques, des pilotes, etc.
Pour répondre à ces interrogations, dont la complexité requiert une bonne connaissance du secteur aéronautique, nous avons joint un expert marocain du domaine, qui a préféré garder l’anonymat. Cet expert considère qu’il existe « des logiques de flotte dans les compagnies aériennes. Quand une compagnie a moins de 50 aéronefs, elle n’a pas intérêt à diversifier sa flotte pour une question évidente d’optimisation des coûts d’exploitation et des coûts directs des vols des avions.» C’est une question d’économie d’échelle, dont les gestionnaires des compagnies aériennes connaissent les tenants et les aboutissants.
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Au-delà de ce chiffre de 50 à 60 aéronefs, qui correspond à un palier conventionnellement reconnu comme un seuil, la plupart des compagnies décident de diversifier leurs fournisseurs. « Ce qu’on appelle, en termes de stratégie, faire jouer la concurrence », nous explique ce professionnel de l’aéronautique.
Ce qui nous pousse à convoquer le vieil adage qui dit qu’il ne faut pas mettre tous ses œufs dans le même panier. Dans le cas d’espèce qui nous intéresse, il s’agit pour la RAM de puiser, de façon structurelle, dans le « panier» d’Airbus, comme elle l’avait fait avec Boeing, de façon à ne plus dépendre exclusivement d’un seul fournisseur.
Développement fulgurant
Ceci nous ramène à l’avis de notre expert qui estime, par ailleurs, qu’au-delà de la nécessité de diversifier ses fournisseurs quand la taille de la flotte dépasse le seuil que l’on connaît, il y a d’autres considérations à prendre en ligne de compte. « Nous sommes dans un contexte où l’aéronautique connaît un développement fulgurant, avec une croissance de la demande en aéronefs qui va s’exprimer durant plus d’une décennie, de l’ordre de 40 000 unités, toutes dimensions confondues».
Dès lors, compter sur Boeing seul ou Airbus seul pour satisfaire cette demande, c’est aller droit au mur, nous explique-t-on. D’où évidemment la nécessité de diversifier les fournisseurs sans, toutefois, être sûr de voir ces derniers satisfaire toutes les demandes. De l’avis de cet expert, « les avionneurs, avec des carnets de commandes surchargés, une cadence de production, même optimisée, qui ne peut aller aux dépens des normes en vigueur, nous poussent à nous poser la question de savoir s’il y a des créneaux pour toutes les commandes, et sur les délais nécessaires pour honorer lesdites commandes.»
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Ceux qui connaissent ces problématiques savent aussi pourquoi, même à la RAM et au sein d’autres compagnies, des lancements de nouvelles lignes aériennes ont été retardés. Ils savent aussi que les alternatives existent, notamment l’option du leasing, en attendant qu’il y ait des disponibilités chez les constructeurs.
La RAM aura à faire des choix d’acquisition d’avions qui portent sur le genre, la taille et d’autres caractéristiques des aéronefs, tels les monocouloirs et les bi-couloirs. La décision d’achat que devra prendre la RAM tiendra compte de l’évaluation multidimensionnelle de l’aéronef et des disponibilités chez les constructeurs.
Acteur de référence
Notre interlocuteur qui détaille toutes ces informations, nous explique, par ailleurs, que le choix de diversifier les fournisseurs est un choix judicieux. « Il faut faire confiance aux dirigeants de la RAM pour faire le choix qui correspond le mieux à la stratégie de développement de la compagnie », finit-il par dire, ajoutant sur sa lancée qu’il est question d’une industrie qui a le temps long où la décision d’acheter un avion a une portée qui court sur 20 à 25 ans ; un choix lourd de conséquences.
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La décision de la RAM d’intégrer Airbus à sa flotte marque donc une étape-clé dans sa stratégie de croissance. En diversifiant ses fournisseurs et en s’alignant sur les meilleures pratiques du secteur, la compagnie pourrait se positionner comme un acteur de référence en Afrique. Cette évolution s’inscrit également dans le contexte plus large de la modernisation du secteur aérien mondial, où la transition énergétique et l’innovation technologique joueront un rôle central.
Savoir tirer parti de cette diversification stratégique, tout en relevant les défis liés à l’exploitation d’une flotte mixte, permettra à la RAM de maintenir une agilité opérationnelle qui lui donnera la capacité de soutenir la compétition mondiale.