Aliments pour bétail: Une concentration anticoncurrentielle
Un avis récent du Conseil de la Concurrence (CC), daté du 26 septembre et publié le 6 décembre, sur l’état de la concurrence sur le marché des aliments composés au Maroc, a permis à cette institution de mettre en lumière la situation dans une filière importante, celle de l’aliment de bétail, étroitement liée à l’élevage du bétail.
D’après cet avis, qui tombe au bon moment, le CC a pu constater une concentration excessive, exercée par 8 entreprises sur un total de 48. Ces 8 entreprises détiennent 75% du marché. Et le noyau dur est occupé par deux grands groupes qui détiennent presque 50% du marché. C’est là une situation de monopole de fait qui menace les règles de la concurrence loyale, à l’instar d’autres secteurs mis à l’index par le CC, tels que les assurances ou la distribution des hydrocarbures. Cette situation réduit la marge des petits éleveurs dans leurs options et les contraint à accepter des prix fixés unilatéralement et arbitrairement. D’après le CC, cette situation n’est pas tout à fait nouvelle. Elle date des années 1940 pendant lesquelles avait été entamé un processus de concentration au profit des grandes entreprises profitant des économies d’échelle, sans pour autant répercuter les gains de cet avantage sur les prix.
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Le quasi-monopole détenu actuellement par deux grands groupes (50%) affaiblit la possibilité de choix, de diversification et d’innovation. Et ce sont les éleveurs-consommateurs qui assument les conséquences négatives de cette situation, en termes d’augmentation des prix des aliments composés qui ont enregistré une hausse de plus de 45% entre 2018 et 2023, en raison notamment de la forte hausse des prix des matières premières (+ 50%) utilisées dans la fabrication desdits aliments composés et souvent importées. Il s’agit principalement des céréales et des plantes oléagineuses. Les fluctuations des prix ont été exacerbées par les changements climatiques et les tensions géopolitiques. En fait, les facteurs climatiques et géopolitiques sont surtout des facteurs aggravants qui s’ajoutent à des causes structurelles inhérentes aux stratégies de concentration et aux ententes découlant des situations de quasi-monopole exercées de fait. A cela, s’ajoute le faible lien organique entre le secteur agricole local, comme fournisseur de matières premières, et la filière industrielle de fabrication de l’aliment de bétail.
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Face à cette situation, le CC a émis des recommandations parmi lesquelles : l’amélioration de l’approvisionnement en tourteaux et en céréales ; l’encouragement du modèle d’agrégation agricole dans le domaine de l’élevage ; le renforcement et le contrôle de l’ONSSA et le développement de l’autocontrôle ; la diversification de la production d’aliments composés vers de nouveaux segments, pour un meilleur usage des capacités de production ; le renforcement de l’usage des aliments composés pour les ruminants ; l’encouragement de l’exportation des aliments composés et la structuration du secteur avicole pour promouvoir l’exportation des viandes de volailles et produits transformés ; la mise en place des mécanismes de couverture des risques ; l’encouragement de la recherche et développement afin d’autonomiser l’approvisionnement en matières premières.