Alzheimer : quand la société civile pallie les carences de l’État
Célébrée le 21 septembre, la Journée mondiale de lutte contre la maladie d’Alzheimer rappelle à l’humanité les souffrances que cette maladie inflige à des millions de personnes à travers le monde.
Au Maroc, on estime que 200 000 personnes sont touchées par cette pathologie neurodégénérative, des chiffres certes approximatifs, mais révélateurs de l’ampleur du problème. Parmi les acteurs engagés dans cette lutte, la Maison Solidarité Alzheimer, une association casablancaise, se distingue par son approche humanitaire et volontaire, cherchant à offrir des soins, un soutien et une reconnaissance aux malades et à leurs familles.
Des débuts modestes, une mission difficile
Fondée il y a trois ans, la Maison Solidarité Alzheimer a rapidement évolué pour devenir un acteur important dans la prise en charge des malades d’Alzheimer à Casablanca. « L’État fait ce qu’il peut, mais il reste encore beaucoup à faire », explique Abdelaziz Kabbaj, président de l’association. Il déplore que « cette maladie ne soit pas vraiment prise en charge dans le cadre du système de santé publique ». En l’absence d’une réelle politique nationale de prise en charge, l’association a su tirer parti du soutien local pour continuer à fonctionner. « Nous avons pu démarrer grâce au concours du gouverneur de Ben M’sik, qui nous a fourni des locaux et pris en charge les frais quotidiens. »
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Si au début, les activités de l’association se limitaient à la population locale de Ben M’sik, la réputation de la Maison Solidarité Alzheimer a rapidement dépassé les frontières de cet arrondissement. « Nous recevons aujourd’hui des patients venant de tout Casablanca, et même au-delà », confie Abdelaziz Kabbaj. Cette reconnaissance témoigne de la qualité et de l’importance du travail accompli par l’association, tant sur le plan médical que psychologique.
Un accompagnement des malades et de leurs familles
L’association met en place trois types d’accompagnement distincts pour les malades et leurs familles. Le premier, à caractère médical, repose sur la distribution de médicaments, financée par les ressources de l’association et des partenariats avec des praticiens de Casablanca. Le deuxième, non médicamenteux, comprend des activités de musicothérapie, des exercices mnésiques et des jeux intellectuels visant à stimuler la mémoire et les fonctions cognitives. « Nous croyons fermement aux bienfaits de ces activités pour maintenir une certaine qualité de vie pour les malades », affirme le président de l’association.
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Mais le travail de la Maison Solidarité Alzheimer ne se limite pas aux patients eux-mêmes. L’association accorde une attention particulière aux aidants, souvent des membres de la famille, qui consacrent une grande partie de leur vie à s’occuper de leurs proches. « Nous fournissons un soutien psychologique indispensable aux aidants, principalement les épouses, les filles ou les fils qui, parfois, doivent renoncer à leur propre vie sociale », ajoute Abdelaziz Kabbaj.
Au quotidien, une présence sur le terrain
En plus des soins dispensés au sein de ses locaux, l’association propose une prise en charge à domicile. « Nous allons chez les familles, ce qui nous permet de comprendre leurs défis au quotidien », explique le président. Cette approche de proximité permet à la Maison Solidarité Alzheimer de tisser des liens forts avec les familles, mais aussi de capitaliser des données importantes pour la recherche. « Nous recevons régulièrement la visite de sociologues et de doctorants, intéressés par notre travail et nos observations de terrain », poursuit-il.
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Toutefois, malgré son impact, l’association fait face à de nombreux défis, notamment en termes de financement. « Ce qui nous manque pour pérenniser nos actions, c’est un modèle économique solide », souligne M. Kabbaj. Si le secteur privé apporte un soutien via le sponsoring, cela reste insuffisant pour répondre aux besoins croissants. Le mécénat pourrait être une solution, à condition de garantir une totale transparence. « Les mécènes doivent être assurés que leur argent est bien utilisé pour les patients. Cet acquis de confiance est essentiel, et nous sommes prêts à engager des organismes d’audit pour y parvenir », affirme-t-il.
Des besoins grandissants dans une société en mutation
L’augmentation du nombre des personnes âgées dans la population marocaine aggrave la situation. « Après l’indépendance, le Maroc comptait environ 9 millions d’habitants. Aujourd’hui, nous sommes plus de 35 millions », détaille Abdelaziz Kabbaj. Avec l’augmentation du nombre de personnes âgées, les cas d’Alzheimer se multiplient, rendant d’autant plus urgente la nécessité d’une prise en charge adéquate. « Nous avons un devoir de reconnaissance envers nos aînés, et il est de notre responsabilité de leur offrir des conditions de vie décentes », plaide-t-il.
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Pour répondre à ce besoin croissant, le président de la Maison Solidarité Alzheimer milite en faveur de la création de maisons de retraite. Il estime que c’est la seule solution viable pour offrir une prise en charge complète et digne aux personnes âgées souffrant de cette maladie. « Les familles, même avec la meilleure volonté du monde, ne peuvent pas toujours assurer une prise en charge adéquate. Les maisons de retraite sont une nécessité », conclut-il.
Un problème de santé publique
Contactée pour apporter son éclairage sur la situation, la Dre Rajaa Rabhi, neurologue, partage les préoccupations de l’association. « L’Alzheimer est la première cause de démence et un fardeau énorme pour les familles. Cette maladie doit devenir un problème de santé publique au Maroc », souligne-t-elle. Bénévole elle-même, Dre Rabhi déplore le manque de moyens disponibles pour les patients, mais reste optimiste quant à l’évolution de la situation. « Nous faisons ce que nous pouvons, mais il est impératif que l’État prenne des mesures. »
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En dépit des obstacles, les acteurs associatifs et les professionnels de la santé sont convaincus que des progrès seront réalisés, tant en matière de recherche médicale que de prise en charge sociale. Les récentes avancées scientifiques donnent de l’espoir pour un meilleur traitement de la maladie, tandis que le renforcement des solidarités, notamment à travers le tissu associatif, permet de maintenir une prise en charge humaine et personnalisée.
À noter que la Maison Solidarité Alzheimer organise une matinée de sensibilisation le jeudi 26 septembre 2024, sous le thème « Alzheimer : Faire Échec à l’Oubli ». Cet événement, qui se tiendra de 10h00 à 13h00 dans les locaux de l’association à Ben M’sik, sera l’occasion d’échanger autour des défis liés à la maladie d’Alzheimer et de proposer des solutions concrètes.