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Au Maroc, les villes ont le vent en poupe

Les villes ont fait siennes le récit qui entendait faire des centres urbains les grands gagnants de ce Maroc en marche, celui des grands chantiers et de la préparation des grands rendez-vous de l’histoire comme la Coupe du monde qui se tiendra dans le royaume. De Casablanca à Tanger, en passant par Rabat ou encore Marrakech, on assiste à une spectaculaire métamorphose des paysages urbains. La cadence est forte, mais le pari sera-t-il tenu ? 

Il existe plusieurs catégories de crises, mais celles qui frappent les centres urbains sont facilement prédictibles. On ne reviendra pas sur les causes de l’exode rural mais si les campagnes sont désertées, c’est que les villes sont engorgées. Une situation à l’origine d’importants problèmes sociaux tels qu’ils imposent aux gestionnaires urbains de nouveaux défis. Si on parle aujourd’hui de métropoles, voire de mégapoles comme Casablanca, Marrakech ou encore Tanger, il faut dire qu’en réaction aux problèmes urbains, la Politique de la ville s’est développée rapidement pour devenir une priorité visant à améliorer l’aménagement urbain, la circulation, l’habitat, l’éducation, la lutte contre la délinquance et la violence, l’engagement de l’État en faveur des quartiers défavorisés, etc. 

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L’argent public déversé est massif pour tenter de réparer des territoires lardés de tout ce que les responsables qui se sont succédé aux affaires urbaines ont posé là pour le bon fonctionnement des centres urbains : des canaux, des voies de chemin de fer, des lignes à haute tension, des cimetières, des zones industrielles. Dans l’urgence sociale des années 60, l’État y a aussi bâti de grands ensembles et contribué à résorber certaines des fractures de l’histoire. A Casablanca, les projets qui sont en train de changer le visage de la ville s’appellent Tramway, nouveaux axes routiers, l’opération zéro poids lourds, le plus grand stade du monde ou encore le plus grand parc du monde érigé à l’emplacement des emblématiques Carrières centrales, avec des espaces verts, des installations récréatives, des attractions culturelles, etc.

Des chantiers à volonté

Au cours de cette dernière décennie, bien avant l’échéance du Maroc 2030, tout s’est encore accéléré. Toutes les grandes villes ont concentré la plus forte densité de projets, avec des chantiers qui irriguent tous les débats autour des grandes cités. Dans toutes les grandes villes du pays, rares sont les rues où le chamboulement en cours ne saute pas aux yeux avec la naissance de multiples terrains de sport, de jardins luxuriants, tunnels qui facilitent la circulation, services hospitaliers flambant neuf et les fameux tramways qui relient les extrémités des villes au centre, bref un regain de dynamisme qui est souvent et malheureusement tempéré par des prix de l’immobilier qui ont grimpé en flèche, contraignant les habitants à migrer vers les périphéries.

Malgré cela, entre grandes parcelles libérées, démolition des logements indignes et cités à réhabiliter, les politiques de la ville font désormais le bonheur des investisseurs et autres promoteurs immobiliers avec des méga quartiers en bouleversement. Les grands chantiers, la ville écologique de Zenata à Casablanca comme exemple, la corniche de Rabat, les villes satellites de Tanger ou encore le Taghazout Bay d’Agadir ont, depuis, offert une nouvelle vitrine, plus avant-gardiste et imposante, à ces anciennes cités qui se veulent désormais comme le modèle de la ville de demain. Pas question, en revanche, de reproduire les erreurs du passé. Les nouvelles règles d’urbanisme sont cooptées par les élus, les promoteurs immobiliers, les architectes, urbanistes et autres, directeurs de l’habitat pour le bonheur de villes équilibrées. Il s’agit de donner envie non seulement à de nouvelles populations de venir y vivre, mais aussi à celles qui y habitent déjà, d’y rester.  

Signe d’une volonté royale, le regain d’attractivité des gros centres urbains se confirme depuis la crise liée au Covid-19. Il faut quand même le rappeler, si la planification urbaine se porte bien au Maroc, c’est d’abord le fruit d’une vision royale déclinée par le Chef de l’Etat dès le début du règne. Une vision dans laquelle le souci écologique n’est pas absent et qui trace le devenir de villes qui intègrent des pratiques écologiques dans la modernisation de leurs infrastructures.

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Dans une allocution tenue devant les responsables des wilayas et autres élus, quelques semaines à peine après son intronisation, le Souverain a donné le ton en insistant sur la «protection des services publics, la préservation de la sécurité, la gestion du fait local et le maintien de la paix sociale». Une dynamique qui semble bien lancée depuis, si l’on tient compte des mégaprojets économiques lancés dans les différentes villes, que ce soit le port de Tanger Med, la Tour Mohammed VI de Rabat ou encore l’Université Polytechnique Mohammed VI de Benguérir, des écosystèmes qui font que l’avenir est un mot qui a un sens réel pour les populations urbaines et les jeunes en particulier. 

Les élus locaux rêvent «de villes équilibrées»

Ces métropoles font désormais tout pour faire rayonner leur influence au-delà de leurs frontières périurbaines avec ces atouts croissants qui contribuent aussi à réparer des territoires abimés par le poids de l’exode rural. Pour réduire les inégalités entre territoires, le développement économique vise désormais à faire de la revitalisation des villes une priorité. Ceci nécessite une politique plus ambitieuse pour améliorer les mobilités entre ces territoires, y réimplanter les services publics les plus essentiels et renforcer les mesures d’accompagnement pour les entreprises qui s’y installent et y investissent. Face à l’épineuse question de la congestion des centres urbains, il n’y a pas de solutions miracles, faciles et populaires. Reste l’arbitrage des politiques publiques entre provinces, le recours aux capitaux privés pour compenser la chute des budgets locaux sachant que pour être actionné, chacun de ces leviers réclame réalisme et sens de l’équité.  

Les discours et les actes ne font pas tout, même si les élus locaux rêvent désormais «de villes équilibrées», une partie de la population urbaine a toujours l’impression d’être de trop surtout dans les banlieues dont certaines ont été aménagées sur d’anciens bidonvilles, et quand beaucoup d’habitants à reloger ont voulu rester, accentuant le mal-être de ces populations. Les entrepreneurs, politiques, consultants, élus, spin doctors, leaders – qui adaptent la politique urbaine au fonctionnement des espaces, savent que les années qui viennent seront quoi qu’il en soit, des années de bascule qui marqueront l’un de ces tournants qui forgent les destinées des peuples et conduisent les civilisations urbaines au cœur de l’évolution du pays.

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C’est dans ce cadre qu’il parait donc aujourd’hui nécessaire pour les élus, les autorités locales et le gouvernement de poursuivre les efforts constitués par les politiques de la ville souvent jugés insuffisants par les premiers intéressés. S’il reste difficile de résoudre les défis urbains de ces mégapoles monstres, l’espoir d’une transformation effective se rapprochant des normes occidentales fait que les cités du royaume ont de plus en plus bonne presse auprès des visiteurs étrangers qui n’hésitent pas à revenir. En témoignent les récents chiffres du tourisme. Comme la détermination dans les décisions, le cran dans l’opposition aux lobbies et la hardiesse des sanctions d’un homme d’autorité comme le wali Mohamed Mhidia à Casablanca, donnent déjà leurs fruits. Fort d’une expérience considérable et de la confiance royale, cet homme de terrain a transformé  le paysage urbain de Tanger grâce à des projets d’envergure, avant de s’attaquer à la métropole économique.

Une offensive qui oblige en cela les élus locaux à une posture d’ouverture et de compromis qui est électoralement nécessaire et démocratiquement légitime pour tous. Ce qui exige en conséquence l’intelligence (et souvent le courage) de prendre des décisions hardies pour ne conserver que l’indispensable, pour obéir à la maxime inscrite au fronton du temple de Delphes : «Rien de trop». Une façon comme une autre d’ouvrir le champ des possibles.

 
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