BAM : l’argument d’une politique macro-prudentielle

La crise de 2008 a été le point de départ de la vigilance des États sur le fait de contenir les risques pour le système financier. Au Maroc, la récente décision du Wali de BAM de baisser le taux est un choix stratégique qui s’inscrit dans une politique macro-prudentielle. On vous explique…
Dans un contexte mondial de plus en plus soumis aux externalités économiques dues aux diverses crises, les banques centrales en eaux troubles rament de façon stratégique. En zone Europe, le 18 mars dernier, la Banque centrale européenne (BCE) a baissé ses taux directeurs. Du côté des USA, c’est le même vent de baisse qui semble s’annoncer. Dans une chronique sur AllNews, Eric Vanraes, membre de la direction responsable du marché des taux à la Banque Eric Sturdza SA à Genève, annonçait une baisse des taux par la FED dans les prochains mois. « De tous ces secteurs, aucun ne menaçait jusqu’à présent d’un risque de récession. La Fed va regarder dorénavant comment évoluent les secteurs les plus sensibles aux taux d’intérêts. Si ces derniers montrent des signes de faiblesse, elle baissera ses taux « pour eux » en priorité, même si d’autres secteurs affichent encore une santé éblouissante. C’est la théorie du maillon faible et aujourd’hui, le maillon faible, c’est l’immobilier. Ne pas baisser ses taux et prendre le risque d’un accident dans le secteur immobilier, c’est potentiellement un remake de 2008. Personne ne souhaite un tel désastre, surtout pas la banque centrale. En espérant qu’aucun accident ne vienne gâcher la période estivale, la Fed fera un geste le 18 septembre. Ne pas le faire, c’est prendre le pari que l’immobilier va tenir le choc, ce qui est possible. Mais cela reste un pari et Jerome Powell n’est pas à la tête d’une telle institution pour jouer le sort de l’économie des États-Unis (et donc du monde) à pile ou face. », explique-t-il. « Au Maroc, à la lumière des tendances inflationnistes et au regard des positions des banques centrales, le wali fait aussi un choix « d’anticipation stratégique », clarifie l’économiste istiqlalien Adnane Benchekroune. En effet, le wali de Bank Al-Maghrib (BAM) a abaissé son taux directeur à 2,25 %, marquant une autre inflexion dans sa politique monétaire.
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Un alignement stratégique ?
L’abaissement du taux directeur par Bank Al-Maghrib s’aligne visiblement avec celui de la BCE qui a réduit début mars elle aussi son taux de 2,5 %. Cette décision tient compte de l’évolution prévue de l’inflation à des niveaux en ligne avec l’objectif de stabilité des prix et en vue de renforcer son soutien à l’activité économique et à l’emploi. Selon l’économiste, la baisse du taux d’intérêt directeur est un geste qui aura un impact positif sur l’économie marocaine à plusieurs niveaux. « Notamment dans la stimulation de l’investissement, en réduisant le coût du crédit, les entreprises et les ménages seront encouragés à investir et à consommer davantage, ce qui devrait contribuer à dynamiser l’activité économique. » La baisse des taux d’intérêt devrait également favoriser la croissance économique du Maroc en soutenant les secteurs clés de l’économie, tels que l’industrie et le commerce. Contacté par Challenge, l’économiste Mehdi Lahlou nuance en expliquant que cette baisse du taux directeur accompagne la baisse du taux d’inflation. Cependant, selon ce dernier : « Même si on constate une baisse de l’inflation, les prix des produits n’ont pas baissé, y compris les salaires, qui n’ont pas non plus augmenté ». Et de poursuivre : « Cette action ne peut, pour ma part, soutenir le pouvoir d’achat des ménages. C’est au gouvernement, par un ensemble d’actions, qu’il peut aider les ménages en souffrance, notamment par des politiques économiques et sociales ».
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Alliage entre politique monétaire et politique macroprudentielle
La crise financière mondiale de 2008 a été le point de départ de la vigilance des pays sur le fait de repérer et contenir les risques pour le système financier ainsi que pour l’économie dans son ensemble. Le déclenchement de cette crise a permis ainsi un nouveau paradigme où les banques centrales ont commencé à combiner politique monétaire et politique macroprudentielle. « La finalité d’une approche macroprudentielle est de limiter le risque de détresse financière impliquant des pertes significatives en termes d’output réel pour l’économie tout entière. Celle d’une approche microprudentielle est de limiter le risque de détresse financière pour des institutions individuelles, indépendamment de leur impact sur le reste de l’économie », explique l’économiste CLAUDIO BORIO dans une réflexion sur le sujet. Selon l’économiste, la coordination de la politique monétaire avec la politique macroprudentielle permet d’alléger ou d’estomper les effets indésirables de situations de crise et de favoriser ainsi la stabilité financière, monétaire et économique.