Bilan géopolitique de l’année 2024 : Quelle appréciation ?
L’année 2024 a été marquée par des bouleversements géopolitiques majeurs, des conflits incessants et des tensions internationales croissantes. Dans cette tribune, Jawad Kerdoudi dresse un bilan des événements marquants de l’année, notamment les dynamiques au Moyen-Orient, en Europe, en Afrique, et les nouvelles perspectives diplomatiques du Maroc. Un aperçu éclairant des défis mondiaux qui façonnent le paysage géopolitique actuel.
[Par Jawad Kerdoudi, président de l’Institut marocain des relations internationales (IMRI)]
L’année 2024 a été caractérisée par des dynamiques géopolitiques complexes, et des défis globaux persistants. Plusieurs conflits armés sont nés pendant cette année, et d’autres se sont poursuivis sans trouver de solution.
En premier lieu, on peut citer l’extension de la guerre au Moyen-Orient. Après l’attaque sans précédent du Hamas en territoire israélien le 7 octobre 2023, Israël a entamé une offensive militaire intense contre le mouvement islamiste palestinien dans la bande de Gaza. Elle a en outre éliminé plusieurs hauts responsables, dont le chef du Hamas, Ismail Haniyeh, à Téhéran, et le chef du Hezbollah, Hassan Nasrallah.
L’Iran a lancé début octobre 2024, 200 missiles vers Israël, qui en réponse a frappé des sites militaires iraniens. La guerre s’est élargie au Liban en septembre 2024 pour éradiquer le Hezbollah, et dans le sud du pays contre ses fiefs. Après deux mois de guerre ouverte entre Israël et le Hezbollah, un cessez-le-feu est entré en vigueur le 27 novembre 2024 au Liban. D’après le ministre libanais de la santé, plus de 4.000 personnes ont été tuées depuis octobre 2023.
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Dans la bande de Gaza, la campagne militaire israélienne de représailles a fait plus de 45.000 morts, principalement des civils. À l’heure actuelle, la guerre continue avec des frappes israéliennes sur Gaza, qui est quasiment détruite. 62 otages israéliens sont toujours retenus par le Hamas, et le reste de la population de Gaza vit dans des conditions humanitaires catastrophiques sans logement, nourriture ni médicaments.
Toujours au Moyen-Orient, une offensive éclair menée par le Groupe islamiste Hayat Tahrir Al Sham (HTS) a été lancée le 27 novembre 2024 et a conduit au renversement du régime de Bachar Al Assad. Ce dernier a été abandonné par ses alliés iraniens et russes et s’est enfui à Moscou. Parmi les symboles les plus forts de la chute du régime, figure la libération des prisonniers de la sinistre prison de Saidnaya, où des milliers d’opposants au régime des Assad ont été torturés et assassinés. Le gouvernement syrien en transition a assuré que les droits de toutes les confessions seraient garantis dans le pays.
Israël a profité de la situation en Syrie en envahissant la zone tampon à la lisière du Golan annexé, et a lancé des centaines de frappes aériennes contre des sites militaires syriens, prétendant vouloir empêcher que des stocks d’armes ne tombent entre les mains de terroristes.
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Un autre événement marquant a été la réélection de Donald Trump à la présidence des États-Unis le 5 novembre 2024. Sa victoire a été totale, remportant les sept États les plus disputés (Swing States), et devenant le premier président républicain depuis 20 ans à remporter le vote populaire. Il contrôle également l’ensemble du Congrès ainsi que la Cour suprême. Il a été aidé dans sa campagne électorale par le milliardaire Elon Musk. Trump prendra ses fonctions le 20 janvier 2025, et beaucoup se posent des questions sur les directions qu’il prendra durant son deuxième mandat.
En Europe, la guerre en Ukraine se poursuit. Après une contre-offensive infructueuse en 2023, l’Ukraine a lancé une attaque surprise dans la région frontalière russe de Koursk durant l’été 2024. Cette opération n’a pas permis de forcer la Russie à détourner ses troupes du Donbass, où la pression russe reste forte. Poutine a reçu des renforts de la Corée du Nord. L’Ukraine a obtenu en novembre 2024 l’autorisation des États-Unis et du Royaume-Uni d’utiliser des missiles à longue portée contre la Russie. En réponse, la Russie a frappé l’Ukraine avec des missiles de dernière génération.
D’autre part, Poutine, qui a obtenu un cinquième mandat, s’attaque à ses opposants, notamment Alexei Navalny, qui est décédé en février 2024 dans des circonstances troubles dans une prison du cercle arctique. La répression continue, avec des poursuites pour sabotage, trahison ou terrorisme visant les opposants.
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L’année a cependant connu une parenthèse de fête avec les Jeux Olympiques en France. Ces derniers ont été marqués par des exploits sportifs exceptionnels, notamment ceux de Léon Marchand, Katie Ledecky et Dos Santos Araújo. Les Jeux se sont déroulés dans de bonnes conditions, sans incident majeur.
Le climat mondial, toutefois, a également pris une place prépondérante. 2024 a été une année de catastrophes naturelles : tempêtes, canicules, sécheresses et inondations meurtrières ont frappé plusieurs régions du globe. Les records de chaleur ont été battus, et les alertes sur le changement climatique se sont intensifiées.
L’Afrique, quant à elle, a connu un élan de jeunesse avec l’élection de Bassirou Diomaye Faye au Sénégal, à 44 ans, le plus jeune président du pays depuis l’indépendance en 1960. Le mouvement de protestation mené par la génération Z a également contraint le président du Kenya à revenir sur un projet de budget impopulaire.
En Europe, les élections européennes de juin 2024 ont vu la montée des partis d’extrême droite, particulièrement en France, en Allemagne, en Belgique, en Autriche, aux Pays-Bas et en Italie, en réponse aux questions liées à l’immigration clandestine et aux actes terroristes.
Quant à la situation au Maroc, l’année 2024 a été décisive pour la diplomatie marocaine, marquée par la reconnaissance de sa souveraineté sur le Sahara et la confirmation de son rôle central en Afrique.
Quelle appréciation peut-on faire de ces événements de 2024 ?
Le conflit israélo-palestinien, bien que visible dans sa forme actuelle depuis octobre 2023, est un conflit vieux de plus de 70 ans, remontant à 1948. La seule solution viable reste la création d’un État palestinien aux côtés d’Israël. La chute du régime de Bachar Al Assad en Syrie, bien que prometteuse, laisse place à de nombreuses incertitudes.
La réélection de Donald Trump augure de nouvelles tensions internationales, notamment avec un soutien accru à Israël et une politique de confrontation avec l’Iran. La situation ukrainienne reste également critique, avec une escalade des violences et des pertes humaines considérables.
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Enfin, le changement climatique continue de peser lourdement sur les pays, entraînant catastrophes naturelles et dérèglements environnementaux. L’urgence d’agir est manifeste. L’Afrique souffre toujours d’instabilité politique, marquée par des coups d’État militaires, mais elle est également le témoin d’une mobilisation de sa jeunesse, prête à défendre un avenir plus stable et démocratique.
En conclusion, 2024 fut une année difficile, marquée par des guerres et des tensions, mais aussi des lueurs d’espoir à travers des transformations politiques et sociales dans certaines régions du monde. Espérons que 2025 apportera une lueur de paix et de stabilité.