Crypto-monnaies

Bitcoin. Mirage ou réalité ?

Depuis quelques années, le Bitcoin a été la cible des grandes banques, dénonçant sévèrement l’utilisation de cette monnaie. Comme par magie, cette monnaie est aujourd’hui adulée par une banque comme “JP Morgan”. Autrefois détracteur féroce du Bitcoin. On vous explique le pourquoi…

Le Bitcoin n’est plus cette épée de Damoclès au-dessus de la tête. La chaîne de blocs, ou blockchain, technologie à la base des monnaies virtuelles comme le bitcoin, depuis son émergence en 2009, est parti pour être le chouchou des grandes banques. Pour la petite histoire, c’est dans la période de la crise financière de 2008 que la blockchain a fait son apparition avec la publication d’un livre blanc intitulé : « Bitcoin : un système de paiement électronique pair à pair », publié par Satoshi Nakamoto (un pseudonyme masquant l’identité réelle du créateur de la blockchain).

Ainsi, grâce à ce nouveau système, des individus peuvent s’échanger de la le bitcoin, et ce sans avoir recours à une institution financière comme intermédiaire de confiance. Par ailleurs, il faut souligner que ce n’est qu’en 2015 que la blockchain s’est révélée au grand public par la publication de l’article « The Trust Machine » de la revue The Economist (31 octobre 2015). « Beaucoup d’experts s’accordent pour dire que la blockchain a un potentiel disruptif énorme. Celle-ci pourrait perturber le fonctionnement de nombreux domaines, et particulièrement celui du système bancaire grâce à sa principale innovation qui réside dans la création d’un nouveau modèle de confiance », explique Laurent Leloup, expert en Blockchain dans son livre intitulé : « Blockchain, la révolution de la confiance ».

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En effet, la blockchain a été créée juste après la crise de confiance qui a suivi la crise financière de 2008. C’est en réponse à cette crise que Satoshi Nakamoto a décidé d’élaborer une technologie disruptive plus sécurisée, plus décentralisée et plus transparente. Son objectif était donc de proposer à la société une alternative au fait d’avoir toujours été dépendant d’un intermédiaire de confiance pour la réalisation de transactions financières. L’émergence de cette nouvelle technologie a donné voie à la désintermédiation. Cependant, bien qu’ayant des énormes atouts, la blockchain depuis son lancement était confrontée aux lobbies financiers. Dans plusieurs pays, la crypto-monnaie faisait face à la censure. Il faut noter qu’aujourd’hui en Europe et dans la plupart des pays du monde, les monnaies sont émises, et gérées, par les États ou des organismes publics comme les banques centrales, qui gèrent leur monnaie en fonction d’objectifs économiques stratégiques.

Et le bitcoin, à lui seul, menace le système puisqu’elle échappe au contrôle des États et des banques. « Il y a un risque que ces monnaies privées mettent en cause la souveraineté des États et des pouvoirs démocratiques », a déclaré Bruno Le Maire, ex-ministre de l’Économie et des Finances française, dans une note officielle en réponse à une question sur le projet de crypto-monnaie de Facebook (la Libra). De son côté, l’essayiste, chercheur, statisticien mathématique, Nassim Nicholas Taleb estime que le bitcoin est un véritable élément perturbateur. Dans la préface du livre de l’économiste Saifedean Ammous, intitulé « L’étalon Bitcoin », il déclare : « Il en arrive à Bitcoin qui, par ses caractéristiques de cash digital apolitique, défie le monopole étatique le mieux protégé ».

Un changement d’opinion ?

Aujourd’hui, on assiste à un véritable rush vers les monnaies virtuelles. Désormais, c’est toute une industrie qui prospère autour du bitcoin et des cryptomonnaies en général : il y a du minage, mais aussi des analyses de la blockchain et des solutions de portefeuilles numériques. Pour beaucoup d’experts, cette nouvelle monnaie marque l’économie naissante du web3. De 100 dollars en 2013 à une valeur de 100 000 dollars en 2024, le Bitcoin, pour de grands noms de la finance comme JP Morgan, représente l’avenir. Rappelons qu’après avoir été très critique au sujet de cette monnaie, JPM est désormais, c’est toute une industrie qui prospère autour du bitcoin et des cryptomonnaies en général : il y a du minage, mais aussi des analyses de la blockchain et des solutions de portefeuilles numériques. En plus de grands acteurs bancaires, des sociétés d’investissement comme Grayscale, BlackRock et Fidelity investissent des milliards de dollars dans l’achat de cet actif numérique volatil. Sur le plan géopolitique, beaucoup expliquent cette croissance du bitcoin par la réélection du président Trump. Ce dernier, durant les dernières élections, a revu sa position sur le bitcoin. De passage à une importante conférence du secteur, fin juillet, à Nashville (Tennessee), le nouveau locataire de la Maison-Blanche avait promis qu’en cas de réélection, il serait « le président pro-innovation et pro-bitcoin dont l’Amérique a besoin ». Notons que des documents publiés mi-août ont d’ailleurs montré que Donald Trump détenait entre 1 et 5 millions de dollars d’ether, la deuxième cryptomonnaie la plus importante au monde.

L’enjeu de la valeur…

Le prix Nobel d’économie américain Milton Friedman, dans un article en 1991 consacré au cas de la « monnaie de pierre », soulevait la question de la valeur, attribut central de toute monnaie. Il analysait le système de Yap pour montrer à quel point la monnaie « apparaît réelle et rationnelle », mais repose en fait sur une valeur commune. Il démontrait que le système occidental de l’étalon-or était comparable au système des monolithes yapais :

« Notre monnaie, celle avec laquelle nous avons été élevés, le système qui la gouverne, tout cela nous semble « réel » ou « rationnel ». Par contre, la monnaie des autres pays nous apparaît souvent comme un papier ou un métal sans valeur, même quand il s’agit de coupures ou de pièces dotées d’un grand pouvoir d’achat », explique l’économiste.

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Dans le cas du Bitcoin, la question de la croyance à la valeur se pose. Ces cryptomonnaies sont-elles des monnaies ? À l’heure actuelle, non. En effet, aucune cryptomonnaie ne peut être aujourd’hui considérée comme un intermédiaire des échanges universellement accepté.

Dans les faits, rien n’oblige les entreprises ou les administrations à les accepter et, en pratique, rares sont celles qui le font. De plus, les cryptomonnaies ne sont pas non plus des unités de compte avec lesquelles on pourrait exprimer le prix de tous les autres biens. Par ailleurs, dans l’idée de la monnaie réside le facteur lien social. Un outil circulant, facilitant à la fois les échanges et créant un lien entre les individus.

Selon Aristote, une société est constituée de personnes exerçant des métiers différents et complémentaires. L’argent qui circule entre tous les corps de métiers permet au forgeron de fabriquer des charrues, au profit du paysan qui nourrit le cordonnier, lequel fournit des chaussures au guerrier qui lui-même protège la cité contre les envahisseurs et permet à tous de vivre en paix. Avec les monnaies dites virtuelles, la dimension du lien social demeure un véritable point d’interrogation.

Au Maroc, l’heure est à la régulation…

« Le projet de loi est intéressant car c’est un début de règlement sur l’usage des plateformes de cryptomonnaies. Il comble un vide dans lequel se sont engouffrés 1,3 million de Marocains qui utilisent les cryptomonnaies en toute illégalité, et il trace la voie vers une MNBC (monnaie numérique de banque centrale) », nous confie l’expert en NTIC Khalid Ziani.

“Mettre en place un cadre juridique adapté au Bitcoin suppose, à notre avis, de définir les conditions et modalités d’exercice de cette nouvelle économie, sans pour autant brider les acteurs de la place et le potentiel de développement qui en résulte. La philosophie qui sous-tend le Bitcoin repose sur un rejet de l’autorité gouvernementale et du recours aux banques comme uniques tiers de confiance. Ainsi, de par sa nature et son essence, le Bitcoin s’oppose à toute idée de régulation. Il s’autorégule grâce aux nœuds du réseau sans qu’un tiers de confiance n’intervienne.”

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Pour l’expert, l’enjeu aujourd’hui est de transférer la confiance des utilisateurs du système de paiement bancaire centralisé à un système de paiement électronique décentralisé. La question qui se pose est alors de savoir s’il est possible de réguler un système qui, par son essence et son fonctionnement, s’oppose à tout contrôle ?

Piloté par Bank Al-Maghrib en collaboration avec l’AMMC et l’ACAPS, le point de départ de la réglementation des monnaies virtuelles au Maroc est en chantier. La première nomenclature du projet de loi a été soumise au Wali de BAM.

À l’heure où nous écrivons ces lignes, ledit projet est en cours d’adoption. Dans un esprit de divulgation et de transparence, Challenge a pu avoir accès au contenu de ce projet de loi.

Dans les détails, par exemple, dans l’article 3, on peut lire : « Selon les activités, les intermédiaires en actifs numériques ou émetteurs de jetons de monnaies électroniques sont soumis à la supervision de BAM et de l’AMMC. »

Concernant le conseil aux souscripteurs d’actifs numériques, l’article 5 attribue à l’AMMC plein pouvoir en matière d’établissement de la liste des acteurs qualifiés. Ce projet de loi énumère également les conditions à remplir par les émetteurs de jetons électroniques. Ces derniers ne seront offerts au public ou admis sur une plateforme de négociation d’actifs numériques que si l’émetteur est agréé en tant qu’établissement de paiement.

Pour rappel, le nombre de personnes par habitant détenant des crypto-monnaies au Maroc en 2022 atteint 1,15 million, générant un PIB par habitant de 8 612 dollars, derrière le Ghana (1,39 million de personnes, soit un PIB de 4 606 dollars par habitant). Le premier dans ce classement est le Nigeria avec 22,33 millions de personnes produisant un PIB/habitant de 5 927 dollars.

 
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